Donald Trump : la Cour suprême examine son immunité pénale et tient « l’avenir de l’ex-président entre ses mains »

Trump : la Cour suprême ouvre le débat sur son immunité pénale et tient « l’avenir de l’ex-président entre ses mains » (Photo de Donald Trump face à la Cour suprême de New York le 11 janvier 2024)
MICHAEL M. SANTIAGO / Getty Images via AFP Trump : la Cour suprême ouvre le débat sur son immunité pénale et tient « l’avenir de l’ex-président entre ses mains » (Photo de Donald Trump face à la Cour suprême de New York le 11 janvier 2024)

ÉTATS-UNIS - Voilà une date que Donald Trump attendait avec une grande impatience : ce jeudi 25 avril s’ouvre le débat à la Cour suprême américaine sur l’immunité pénale de l’ex-président pour les faits commis lorsqu’il était encore au pouvoir. Un espoir pour l’ex-président, qui pourrait ainsi échapper à plusieurs procès pénaux qui le menacent. Un fait doublement inédit dans l’histoire américaine, puisqu’il est également candidat à la présidentielle de novembre et favoris dans la plupart des sondages.

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L’ancien président est visé par plusieurs procédures pour avoir tenté de faire annuler sa défaite électorale en 2020 dans l’affaire de fraude aux grands électeurs en Géorgie. Un autre procès l’attend pour le recel de documents classifiés, ainsi qu’un troisième, lié à l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021. Quant au procès pour les falsifications des comptes de la Trump Organization dans le cadre de l’affaire Stormy Daniels, il a commencé le 16 avril. Une échéance qu’il a tenté de repousser à de multiples reprises.

Cerné de toutes parts, Donald Trump revendique une immunité absolue pour les actes commis alors qu’il était à la Maison-Blanche. Mais que va-t-il se jouer lors de l’audience à la Cour suprême ? Qu’a-t-il à gagner, à perdre et – surtout – qu’est-ce que cela pourrait changer pour l’élection qui a lieu dans six mois ? Jérôme Viala-Gaudefroy, chargé de cours à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye et auteur d’une thèse sur les États-Unis, a répondu aux questions du HuffPost.

Le HuffPost : Concrètement, à quoi va devoir répondre la Cour suprême à partir de ce jeudi ?

Jérôme Viala-Gaudefroy : La question qui va se poser est : dans quelle mesure un ancien président bénéficie de l’immunité pour des actions qui ont été entreprises pendant son mandat ? Donald Trump dit vouloir être immunisé pour tout, mais la Cour suprême tient son avenir entre ses mains. Elle a déjà rejeté certains arguments avancés par le candidat, notamment celle de la doctrine de la séparation des pouvoirs qui dit qu’au regard de sa fonction, il est à l’abri des poursuites pénales et judiciaires.

Il y a des antécédents dans l’histoire américaine à ce sujet-là…

Oui, on connaît le précédent Nixon vs Fitzgerald en 1982. La Cour suprême avait déclaré que l’ex-président bénéficiait d’une immunité absolue, sa responsabilité civile ayant été engagée par des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions. Mais pour Trump ce n’est pas un procès au civil, il est pénal. C’est l’un des éléments du débat.

Il y a un autre précédent, celui du procès Bill Clinton vs Jones en 1997, lorsqu’une ancienne fonctionnaire a accusé l’ex-président de l’avoir agressée sexuellement alors qu’il était gouverneur. La Cour suprême a tranché en disant qu’il ne pouvait pas bénéficier de l’immunité puisque ça s’était passé avant qu’il soit président et qu’en plus, cela ne relevait pas des fonctions présidentielles [mais de sa vie privée].

C’est sur cela aussi que va se concentrer le débat : dans les accusations qui visent Trump, qu’est-ce qui peut être considéré comme fait dans le cadre de sa mission officielle de président ?

Dans ce cas, même si l’immunité est accordée à Donald Trump, il ne sera pas épargné dans son procès au pénal dans l’affaire Stormy Daniels ?

Non, il ne pourra pas être immunisé dans cette affaire puisque cela s’est passé bien avant qu’il soit président. Dans tous les cas, il va devoir y faire face. S’il est jugé avant la présidentielle et est reconnu coupable, il pourra toujours se présenter, mais cela va avoir un impact sur sa campagne. Car cela ferait de lui un repris de justice, un criminel, un condamné qui se présenterait aux élections.

S’il est reconnu coupable dans ce dossier et qu’il est quand même élu, pourra-t-il se gracier lui-même ?

Un président ne peut se gracier qu’au niveau fédéral. Alors non, dans cette affaire il ne le pourra pas, car il aura été jugé dans le cadre de l’État. Idem dans le dossier des grands électeurs en Géorgie. Toutefois, cela ne l’empêchera pas d’être président, car on peut être élu même si on a été condamné dans un État.

Et en ce qui concerne les deux autres procès où il sera jugé au niveau fédéral ?

Déjà, a priori, les délais sont trop courts pour qu’il soit jugé d’ici l’élection. C’est déjà peu probable pour le procès des documents classifiés, mais si jamais c’est le cas, il pourra se gracier. S’il n’a pas encore été jugé et qu’il devient président, il pourra tout simplement ordonner à son ministre de la Justice de classer les affaires.

Mais encore une fois, quand bien même il serait reconnu coupable dans l’affaire des documents classifiés ou dans l’affaire de l’assaut du Capitole, cela ne l’empêcherait pas d’être président.

Quand peut-on espérer une décision de la Cour suprême ?

Le délai dépendra du temps que les juges mettront à trouver une réponse majoritaire. Cela peut prendre entre dix jours et deux semaines… ou cela pourrait aussi arriver à la fin du mois de juin, car c’est la fin de la session pour les juges.

Par ailleurs, il ne faudra pas s’attendre à une réponse toute noire ou toute blanche : il n’y aura pas de décision d’immunité totale ou d’absence d’immunité. Les juges pourront décider que certains actes seront couverts, et d’autres non. Ensuite, il pourra encore y avoir des appels. Donc même après cette décision, il y a peu de chances pour que le procès pour les tentatives illicites d’inverser les résultats de l’élection de 2020, qui a été repoussé le 4 mars en attendant ce verdict, se déroule avant août ou septembre. À ce moment-là, le juge pourra dire que c’est trop proche de l’élection, et cela sera renvoyé après la présidentielle.

Et dans ce cas-là, si Trump est élu président ?

Le procès serait probablement remis à après le mandat de Trump pour éviter une situation intenable. Parce qu’imaginez s’il est jugé coupable. On ne pourrait pas l’assigner à résidence, c’est impossible : on ne peut pas empêcher le président des États-Unis de se déplacer.

Après, c’est un cas de figure que l’on n’a absolument jamais vu. Tous les jours je me lève et je me dis « je rêve, c’est une fiction cette histoire ».

Enfin, il y a le dernier scénario, le pire pour lui. S’il n’est pas élu et qu’il n’a pas l’immunité, la suite va être très dure pour Donald Trump puisqu’il ne pourra pas se gracier ou classer les affaires. Il joue énormément sur cette présidentielle… et pas que son poste ! S’il perd, il faudra penser à ce qui risque d’arriver, sa réaction et celle de ses partisans qui, on le sait, peuvent être très violents.

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