Donald Trump coupable : un verdict qui a tout pour galvaniser ses plus extrêmes partisans

Donald Trump a la sortie du tribunal à New York après avoir été jugé coupable le 30 mai 2024 
TIMOTHY A. CLARY / AFP Donald Trump a la sortie du tribunal à New York après avoir été jugé coupable le 30 mai 2024

ÉTATS-UNIS - « Instrumentalisation », « complot », « État profond ». Le verdict dans l’affaire Stormy Daniels, qui a vu Donald Trump être reconnu coupable de 34 chefs d’accusation a réveillé ses partisans. Tout un écosystème MAGA allant des Républicains aux complotistes les plus extrémistes que cette condamnation ne va pas détourner de leur tête d’affiche, bien au contraire.

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« Donald Trump peut jouer sur la carte du “prisonnier politique” qui va booster sa base électorale “antisystème” », abonde Matthieu Gallard, spécialiste de l’opinion pour l’institut Ipsos, interrogé par Le HuffPost. L’ancien président américain ne s’y est pas trompé, en se félicitant, lors d’une conférence de presse tenue ce vendredi, d’un afflux inédit de dons reçus pour sa campagne électorale contre Joe Biden - plus de 35 millions de dollars ont été récoltés dans les heures ayant suivi sa condamnation.

Le logiciel conspi a trouvé un nouveau chapitre

Et presque classiquement maintenant, les élus du GOP ont, dès le verdict prononcé, immédiatement dénoncé une « instrumentalisation du système judiciaire », une manœuvre des démocrates, et la « preuve » qu’ils « ne reculeront devant rien pour faire taire la dissidence ». « La grammaire politique de la paranoïa est devenue la grammaire politique de la droite américaine dans son ensemble », constate le journaliste Anthony Mansuy, auteur de Les Dissidents - Une année dans la bulle conspirationniste.

Les plus véhéments sont ceux qui trouvent dans ce verdict la confirmation de leur logiciel complotiste et donc l’existence d’un « deep state ». « Le fonctionnement normal du système est décrit par Trump surtout depuis 2020 comme un complot, avec une rhétorique de l’état profond, qui serait une kabbale contre lui. Résultat, quand le système fonctionne, comme ici avec cette décision de justice, ça alimente tout l’écosystème du complot contre Trump », détaille Anthony Mansuy.

De fait ce n’est pas la décision de justice, ou la manière dont s’est déroulé le procès, qui est critiqué par les partisans de Donald Trump mais bien le système dans son ensemble. Le sénateur républicain Derrick Ven Orden compare ainsi les États-Unis à l’Union soviétique, alors que la trumpiste de premier ordre Marjorie Taylor Greene a publié sur X une image d’un drapeau retourné. L’élue de Géorgie a même dénoncé un « simulacre de procès » orchestré par « des gauchistes radicaux et des agents de l’État profond (...) On ne voit même pas ce niveau de corruption dans une république bananière ».

Ce verdict permet surtout, pointe le journaliste, de continuer à alimenter un récit « conspirationnel ou complotiste » aux contours volontairement flous : « Il n’y a jamais vraiment “une théorie” mais un schéma narratif dans lequel deux choses ne changent pas. La victime c’est Trump, et le bourreau c’est le deep state et les fonctionnaires qui le servent. Toutes les microcommunautés complotistes agrégées autour de lui vont ensuite pouvoir mettre dans cette décision le scénario qu’elles veulent. In fine, c’est aussi un écosystème médiatique avec des boucles Télegram, WhatApp, et des chaînes de télévision qui se met en branle », décrit-il.

Des narratifs qui peuvent flirter avec l’antisémitisme comme c’est le cas lorsque le sénateur républicain J.D Vance évoque la personnalité fantasmée du milliardaire George Soros. Donald Trump lui-même après son verdict a accusé le procureur d’avoir été financé par l’homme d’affaires.

Est-on désormais si habitué à cette rhétorique antisystème qu’elle en deviendrait banale ? C’est bien là le danger. Ces discours omniprésents, touchent désormais les modérés et créent une forme de fatigue ou de lassitude institutionnelle. Par là même, ils permettent désormais à Trump de publiquement remettre en cause une décision de justice sans créer un tollé.

La chasse aux communistes version XXIe siècle

Les références à l’Union soviétique ou aux communistes brandies par les plus agressifs des supporters de Trump après ce verdict ne viennent pas de nulle part. Comme le Maccarthysme de la Guerre froide, les partisans de Trump promettent une véritable chasse « aux fonctionnaires du deep state » s’il revient au pouvoir. Une obsession, pire un programme politique qui charrie aussi avec lui son lot de mesures anti-avortement, racistes, écocides, ou LGBTIphobes.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le juge Merchan qui a présidé au procès de l’ancien président a pris de nombreuses précautions pour protéger l’identité des jurés. Ces derniers, qui ont condamné à l’unanimité Donald Trump, ont bénéficié de mesures d’anonymat. Reste à savoir si elles seront suffisantes après ce verdict.

« Dans toute la campagne de Trump, il y a une logique de la vengeance et de la rétribution. Avec l’un des plus gros think tanks américain, ils préparent notamment son retour en formant des milliers de futurs fonctionnaires pro-trump pour remplacer les fonctionnaires actuels qu’ils soupçonnent de marxisme et qu’ils veulent débusquer » détaille Anthony Mansuy. Après la rhétorique de la vengeance, le grand remplacement par les actes.

De nouvelles effusions de violences ?

Ce verdict peut-il suffire à justifier une nouvelle effusion de violences comme au Capitole lors des événements du 6 janvier ? Sur les réseaux sociaux, dans des groupes affiliés aux extrémistes Proud Boys, certains se disent « prêts » quand d’autres postent simplement le mot « guerre », explique le média américain Vox. Le moment ne semble pas encore venu pour leur faire signe, alors que Donald Trump profite de sondages favorables.

Surtout, les ennuis judiciaires sont loin d’être terminés. Outre que sa peine n’est pas encore connue et qu’il risque la prison, Donald Trump doit aussi être jugé dans trois autres affaires. Le moulin complotiste n’a pas fini de tourner.

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