Discrimination capillaire : la France va-t-elle devenir le premier pays à la sanctionner ?

L’Assemblée nationale va étudier un texte visant à sanctionner la discrimination capillaire, dont les personnes aux cheveux texturés sont particulièrement victimes.

DISCRIMINATION - « T’as le paillasson au-dessus de la tête », « Tiens aujourd’hui c’est Bob Marley », ceci n’est qu’un échantillon des nombreuses réflexions que peuvent entendre les personnes aux cheveux dit « texturés » (crépus, frisés ou bouclés). Portés au naturel en afro, tresses ou locks, ils sont souvent mal perçus ou considérés comme moins professionnels, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête de l’article. C’est pour cette raison que l’Assemblée nationale va étudier un texte visant à en finir avec la discrimination capillaire, « notamment la coupe, la couleur, la longueur ou la texture de leurs cheveux », ce jeudi 28 mars.

Pour Fatou N’diaye, la discrimination capillaire envers les femmes noires est un problème bien réel

Si elle passait, cette mesure portée par le député Olivier Serva (LIOT), devrait être intégrée au Code général de la fonction publique, au Code pénal et au Code du travail. Et une personne faisant de la discrimination capillaire pourraient être sanctionnée jusqu’à 3 ans de prison et 75 000 euros d’amende. Ce texte s’inspire du CROWN Act aux États-Unis, où plus d’une vingtaine d’États l’ont déjà adopté.

Coiffures non-professionnelles ?

« C’est quoi cette coiffure de ouf ? (...) Pour se coiffer le matin elle met les doigts dans la prise », voici comment Thierry Ardisson avait accueilli l’actrice Stéfi Celma, alors coiffée d’un afro, sur le plateau de Salut les Terriens en 2017, avec en musique de fond « Couleur café » de Serge Gainsbourg, comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessous.

Si ce type de remarques peut sembler anecdotique voire drôle pour certains, elles révèlent en réalité d’une stigmatisation envers les cheveux texturés. Deux tiers des femmes noires changent de coupe de cheveux avant un entretien d’embauche, d’après une étude américaine menée par LinkedIn et Dove en 2023. Et leurs cheveux sont 2,5 fois plus susceptibles d’être perçus comme non professionnels.

Une stigmatisation qui les pousse à les lisser pour correspondre à un modèle de beauté européen, parfois en ayant recours à des produits défrisants. Or, une étude des Instituts américains de la santé (National Institutes of Health ou NIH) publiée dans le Journal of the National Cancer Institute, démontre que les personnes utilisant ce type de produits chimiques ont 2,5 fois plus de risques de développer un cancer de l’utérus.

Un problème anglo-saxon ?

Si le texte sur la discrimination capillaire a été adopté en commission des lois, mercredi 20 mars, certains députés Les Républicains et Rassemblement national s'y sont opposés. Fabien di Filippo, député LR de Moselle, estime notamment que cela revient à « importer une législation anglo-saxonne et sa logique victimaire dans le droit français. »

Un argument loin d’être valable pour Olivier Serva : « Du monde anglo-saxon, aux Amériques ou en Grande-Bretagne, ce sont des êtres humains. Quand soi-même on n’a pas été victime de ce type de discrimination, on a du mal à la comprendre », explique-t-il au HuffPost. « Moi, j’ai rencontré ces personnes qui ont souffert de cette discrimination et il y a une énorme attente ».

Avec cette loi, les remarques de Thierry Ardisson pourraient être sanctionnées en cas de plainte. Le député guadeloupéen souligne également que cette discrimination ne concerne pas uniquement les personnes noires. « Une femme blonde sur trois doit changer de couleur de cheveux pour paraître plus intelligente au sein de l’entreprise », précise-t-il, citant une étude britannique de 2009. Quant aux cheveux crépus, « ce sont les seuls cheveux qui poussent vers le ciel, donc pourquoi les discipliner ? Il faut les laisser ainsi ».

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