Discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne : on a revu celui de 2017 pour voir où en sont ses ambitions

Emmanuel Macron à la Sorbonne le 26 septembre 2017.
LUDOVIC MARIN / AFP Emmanuel Macron à la Sorbonne le 26 septembre 2017.

POLITIQUE - Il ne l’avait pas dit, mais c’était donc rendez-vous dans sept ans. Même lieu - la Sorbonne - mais pas même pommes. Le président de la République Emmanuel Macron va délivrer ce jeudi 25 avril un nouveau discours sur l’Europe dans l’enceinte de la prestigieuse université parisienne.

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Le premier, le 26 septembre 2017, avait marqué les esprits, le président fraîchement élu de l’époque ne mâchant pas ses mots contre une Europe devenue « trop faible, trop lente, trop inefficace » et formulant une longue liste de propositions. Certaines perdues dans les limbes européens et d’autres non.

Le chef de l’État fixe lui-même son horizon et son objectif : « Ce mandat de 2019 à 2024, c’est celui de la transformation européenne », déclare-t-il au pupitre. Emmanuel Macron se transforme en chantre de la souveraineté européenne. Sécurité et défense, immigration, agriculture, numérique, économie, institutions… le président de la République distille ses propositions dans tous ces domaines. « Cet agenda de souveraineté s’est imposé au sein de l’UE », se félicite aujourd’hui l’Élysée. Interrogé par l’AFP, un conseiller d’Emmanuel Macron se gargarise : « L’Europe parle aujourd’hui un peu plus français ».

Des réussites…

Et l’entourage présidentiel de citer l’emprunt européen commun, un tabou pour l’Allemagne brisé pendant le Covid - même si la France peine à dupliquer ce qui reste à ce stade une exception. Ou l’idée d’Europe de la Défense, qui a avancé pour faire face à l’invasion russe de l’Ukraine.

En 2017, le dirigeant français la définissait autour de trois piliers : une « force d’intervention », une « doctrine » et un budget communs. Les trois ont vu le jour. Une initiative européenne d’intervention lancée en juin 2018 comptait 13 membres en 2022 et une clause du traité de Lisbonne de 2010 a en parallèle été activée pour améliorer la coopération. Sur le plan financier, un budget de près de 8 milliards d’euros a été acté sur la période 201-2027.

Emmanuel Macron peut aussi se féliciter d’une victoire sur le volet migratoire, avec l’adoption tout récemment du Pacte Asile et Migration. Les nouvelles sont aussi à son avantage sur le plan numérique avec le cadre de régulation des Gafam et la création d’un programme pour la recherche et l’innovation (Horizon Europe) qui répond au souhait de 2017 de « créer une Agence européenne pour l’innovation de rupture ». Idem sur la création « d’universités européennes » et la taxe carbone aux frontières. Sur le plan agricole, la crise qui a touché plusieurs États membres a donné raison au chef de l’État qui s’interrogeait de la sorte en 2017 : « Est-ce que notre Politique agricole commune protège bien nos agriculteurs et nos consommateurs ? Je regarde les dernières années, je n’en ai pas totalement le sentiment ».

Et quelques vœux pieux

Indéniablement, le discours de la Sorbonne a pesé sur les orientations décidées quelques mois plus tard au niveau du Conseil européen avant d’être avalisées en Commission puis au Parlement. Emmanuel Macron entend d’ailleurs réitérer l’expérience avec sa prise de parole de ce jeudi.

Pour autant, toutes ses propositions de l’époque n’ont pas été concrétisées. En témoigne le mouvement de colère des agriculteurs, au cours duquel le président de la République a dû redire son souhait d’une « force européenne de contrôle sanitaire et agricole » pour éviter la concurrence déloyale en Europe, une demande déjà formulée il y a 7 ans, en vain. Son souhait de réduire le nombre de commissaires européens est aussi resté lettre morte.

Il en va de même avec l’harmonisation voulue de l’impôt sur les sociétés, qu’Emmanuel Macron voulait aborder dans le budget européen de 2020. Une proposition en ce sens a reçu un premier feu vert en commission du Parlement européen en mai 2022, avant de passer aussi l’étape de la Commission européenne en septembre 2023. La proposition doit encore repasser par le Conseil européen et son entrée en vigueur n’est pas envisagée avant le 1er juillet 2028 - sous couvert que les élections du 9 juin ne rebattent pas les cartes.

Macron ou les crises ?

Quel bilan Emmanuel Macron fera-t-il de son allocution de 2017 ? L’Élysée refuse d’anticiper le contenu du discours. Mais fait de « la mise en perspective de la pertinence du diagnostic sur la souveraineté européenne » le « point essentiel », avec « le constat que l’Europe a changé » et « le besoin d’une Europe plus forte qui, sur la base de cette souveraineté, sache se projeter. »

En ce sens, il ne serait pas étonnant de voir Emmanuel Macron insister (vanter ?) sur son « intuition » (dixit l’Élysée) de 2017 en regard des deux crises récentes - sanitaire avec le coronavirus et géopolitique avec l’invasion russe de l’Ukraine. Le retour dans le cadre de la Sorbonne sert aussi ce projet mémoriel. « Notre ambition, c’est de continuer ce qui a été fait depuis le premier discours », assurent ses conseillers.

Pour parvenir à ses fins, Emmanuel Macron entend tirer parti de l’instabilité du contexte géopolitique et climatique. « Le président se dit que c’est dans ces moments-là qu’il est possible de faire avancer des propositions et d’obtenir des progrès significatifs », précisent ses conseillers. Le Covid et la guerre en Ukraine ont effectivement fait beaucoup pour la transformation de l’Union européenne. Peut-être plus que les discours d’Emmanuel Macron, diront ses détracteurs.

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