Le « devoir de visite » d’Emmanuel Macron ne plaît pas au juge Édouard Durand

Édouard Durand, ancien coprésident de la Ciivise, estime que forcer un parent à s’occuper de son enfant peut conduire à l’inceste.

POLITIQUE - Une idée qui ne convainc toujours pas. Après les associations, le juge Édouard Durand a à son tour exprimé ce mardi 4 juin son opposition à la proposition d’Emmanuel Macron concernant le « devoir de visite » dans les familles monoparentales.

Le « devoir de visite » voulu par Emmanuel Macron critiqué par des associations, Aurore Bergé répond

Édouard Durand était interrogé dans le cadre de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les manquements des politiques de protection de l’enfance. « Dans une société comme la nôtre qui admire le rapport de force et son succédané qui est la médiation, nous ne parvenons pas à voir que la résolution des problèmes familiaux ne peut pas être la même quand les parents s’entendent et quand les parents ne s’entendent pas, ni quand il y a un seul parent », a-t-il souligné.

« On aura beau imposer un devoir d’hébergement, quand un parent ne veut pas assumer ses responsabilités, on augmente d’une manière extrêmement élevée le risque pour l’enfant », a ajouté le juge Durand, qui a coprésidé de 2021 à 2023 la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Elle avait été mise en place après le #MeToo Inceste.

« Dans beaucoup de cas, l’inceste a commencé lorsqu’on a imposé au père de reconnaître l’enfant. Parce qu’on lui en a fait le devoir, si vous voyez ce que je veux dire », a poursuivi Édouard Durand, faisant référence à la proposition du chef de l’État.

Dans le magazine Elle, le président de la République évoquait les familles monoparentales, très largement à la charge des femmes, expliquant que « c’est un devoir d’être parent, et que c’est un devoir qui ne s’arrête pas au moment du divorce ou de la séparation ».

« Je veux qu’on puisse ouvrir ce débat, qui est au fond à la fois un débat sur la parentalité et un débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes, qui est celui d’instaurer un devoir de visite, un devoir d’accompagnement jusqu’à l’âge adulte, des enfants », affirmait-il.

La proposition avait très vite été critiquée par les associations. Osez le féminisme dénonçait une « idée dangereuse ». « Un homme violent, abusif, défaillant n’est pas un bon père », faisait valoir l’association. « Je n’aime pas la contrainte. Tout ce qui est relationnel, on ne peut pas le contraindre », renchérissait la présidente de la fédération syndicale des familles monoparentales Josette Elombo.

Édouard Durand partage leur point de vue, et cite l’écrivaine Christine Angot victime d’inceste de la part de son père. « Il n’y a qu’à relire Christine Angot : s’il ne veut pas de cet enfant et qu’on lui fait devoir de l’assumer, il va le détruire. La violence n’a pas d’autre objet », a affirmé le magistrat devant les députés.

Emmanuel Macron ne s’est pas exprimé sur le sujet après l’interview à Elle, mais la ministre Aurore Bergé avait fait le service après-vente sur Cnews. Elle a précisé qu’il n’était pas question d’obliger les mères à accepter une visite du père en cas de conflit. Sans préciser beaucoup les contours que pourrait prendre ce devoir de visite, elle a cependant évoqué des sanctions pour les pères qui ont actuellement un droit de visite mais ne l’assument pas, laissant les mères de famille seules.

À voir aussi sur Le HuffPost :

Bruno Questel quitte la Ciivise après avoir défendu un père condamné pour agression sexuelle sur sa fille

Avec « Moi aussi » Judith Godrèche tient la promesse qu’elle a faite à celles et ceux qui lui ont écrit