Le dernier Sally Rooney n’est pas le seul événement venu de l’étranger de cette rentrée littéraire

HAY ON WYE, UNITED KINGDOM - MAY 28:  Sally Rooney, novelist, at the Hay Festival on May 28, 2017 in Hay on Wye, United Kingdom.  (Photo by David Levenson/Getty Images)
David Levenson / Getty Images HAY ON WYE, UNITED KINGDOM - MAY 28: Sally Rooney, novelist, at the Hay Festival on May 28, 2017 in Hay on Wye, United Kingdom. (Photo by David Levenson/Getty Images)

David Levenson / Getty Images

Sally Rooney, ici au mois de mai 2017, à Hay On Wye, au Pays de Galles.

LITTÉRATURE - Oui, le nouveau Virginie Despentes a bien marqué cette rentrée littéraire. Du moins dans la catégorie littérature française, car du côté des parutions étrangères, il y en a d’autres. À commencer (évidemment) par la traduction du troisième et dernier roman en date de celle qu’on surnomme la « Salinger de la génération Snapchat », Sally Rooney.

Intitulé Où est tu, monde admirable ? (Beautiful World, Where Are You ? en version originale), il est paru chez L’Olivier, parallèlement à la diffusion sur Canal+, depuis la fin du mois d’août, de l’adaptation en série télé du premier best-seller de l’autrice irlandaise à succès, Conversations entre amis.

L’histoire de celui-ci est celle d’une amitié entre deux jeunes trentenaires, du nom d’Alice et Eileen. La première, autrice, a troqué Dublin pour se retirer dans un petit village. La seconde est assistante de rédaction dans un magazine littéraire, toujours en ville. Toutes les deux vont se lancer dans une nouvelle histoire amoureuse. L’une avec un certain Félix, un manutentionnaire. L’autre avec un copain d’enfance, Simon, devenu conseiller politique.

Comme à son habitude, la jeune prodige du monde littéraire anglo-saxon revient, ici, sur des thèmes qui lui sont chers. Il y est question de différences sociales, de relations amoureuses et d’injonctions sociétales liées au genre. Comme à son habitude, Sally Rooney a fédéré la critique, comme en témoignent les trois « T » que Télérama a décernés à son roman. « Sans doute le plus complexe et le plus abouti de son autrice, il se distingue aussi des précédents par la perspective du récit », d’après l’hebdomadaire.

Coco Mellors arrive

À sa sortie initiale, en septembre 2021, l’écho était le même à l’étranger. Le Guardian est fan. Le New Yorker, aussi. Le prestigieux magazine attribue à l’écrivaine de 31 ans la capacité à saisir entre ces lignes les frontières très étroites de ses sujets grâce à la modestie, et la fausse banalité, de son écriture.

Mais voilà, cette fois-ci, tous les regards ne sont pas tournés vers elle. Preuve à l’appui avec l’arrivée en librairie, ce vendredi 2 septembre, du grinçant premier roman de l’autrice américano-britannique Coco Mellors, aux éditions Anne Carrière. Moins dans les radars que celui de sa consœur irlandaise, il s’intitule Cléopâtre et Frankenstein et mérite tout autant d’attention.

« Comme vous vous appelez ?

- Cleo, dit Cleo.

- Ça me paraît adapté.

- Comment ça ?

- Cléopâtre, la toute première renverseuse d’hommes.

- Sauf que moi, c’est juste Cleo. Et vous ?

- Frank, dit Frank.

- Diminutif de ?

- Diminutif de rien du tout. De quoi voulez-vous que Frank soit le diminutif ?

- Voyons voir. » Elle sourit. « De Francfort, Franco-espagnol, Frankenstein… »

Le récit s’ouvre sur la rencontre, dans un ascenseur, de nos deux protagonistes, Cleo et Frank à la sortie d’un réveillon du Nouvel an. Elle est blonde, la vingtaine et vient du Royaume-Uni. Étudiante en art, elle est sur le point de conclure son année d’échange à New York, un peu déçue du peu d’aventures qu’elle y a vécu, aussi bien professionnellement qu’amicalement. Frank, lui, est dans la quarantaine. Il bosse comme directeur artistique dans la publicité, un poil désabusé.

Un casting digne de feuilleton

Frustrés par leur soirée écourtée, Cleo et Frank s’en vont dîner. Il est tard dans la nuit. Les échanges sont vifs. Ils laissent rapidement place à une très amusante scène de flirt. Six mois plus tard, ils se marient. Oui, déjà. On ne saura rien des longs mois qui viennent de s’écouler. Se sont-ils amusés ? Se sont-ils disputés ? Comment s’est faite la demande en mariage ? Rien, pas un mot.

La réception du mariage, elle, est complète. On y découvre la riche, très riche galerie d’amis du couple, sorte de casting des personnages qui vont peupler la suite du roman, lequel très vite prend des airs de feuilleton télé : Quentin, l’ami gay toxicomane ; Anders, l’ancien mannequin mystérieux ; Zoé, la sœur qui vit par monts et par vaux. Et bien d’autres.

Cléopâtre et Frankenstein, c’est le récit d’histoires qui se nouent, se dénouent, se rafistolent et retombent, au beau milieu d’un New York qui dévore ses habitants enclins à la solitude. On suit leurs mésaventures, leurs peines de cœur, de famille, leurs problèmes d’argent et de santé. Les dialogues sont piquants. Les rebondissements, parfois déstabilisants. La mort inattendue du petit animal de compagnie de Frank et Cleo (un adorable phalanger volant) peut en témoigner. La découverte tardive d’une tentative de suicide, aussi.

« Coco Mellors s’avère être une chroniqueuse poétique de l’obscurité sombre et des surfaces scintillantes », commentait le Guardian, dans sa chronique lors de la parution initiale du roman, en début d’année. Depuis qu’il est sorti à l’étranger, le roman de l’écrivaine de 32 ans, elle-même originaire de Londres, s’est écoulé à plus de 750 000 exemplaires.

Quid de l’adaptation télé ?

Et pourtant, ce n’était pas gagné. Son texte a d’abord été refusé par une trentaine de maisons d’édition avant de voir le jour chez Harper Collins et Bloomsbury. « Beaucoup d’entre elles ont dit la même chose, à savoir que la structure ne fonctionnait pas », explique l’autrice, désormais installée à Los Angeles après quinze ans passés à New York, dans une interview à Stylist. Deux éditeurs lui ont proposé de le relire. Coco Mellors a fait les modifications conseillées. Elle le leur a renvoyé et là, jackpot : son roman était accepté.

Le résultat est sans appel. « On est tous d’accord pour dire que les mariages compulsifs entre deux personnes qui se connaissent à peine ne sont pas une bonne idée, mais ils font des romans amusants », souffle la chroniqueuse du Evening Standard, pour qui le talent de Coco Mellors lui rappelle celui de Sally Rooney.

« Le roman le plus attendu de l’année », commentait avant sa sortie The Times. Quant au Los Angeles Times, le livre est « irrésistible, cinématographique, génie des dialogues ». Il mérite d’être adapté à la télé, appuie le quotidien. L’arrivée de Cléopâtre, Frankenstein et tous leurs amis sur les étagères des librairies françaises suggère qu’ils n’ont en tout cas pas fini de faire parler d’eux.

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