"Dents de dragon": le groupe russe Wagner construit une ligne fortifiée pour ralentir les Ukrainiens

"Dents de dragon": le groupe russe Wagner construit une ligne fortifiée pour ralentir les Ukrainiens

Une ligne de défense bien particulière. Les mercenaires russes du groupe Wagner ont annoncé mi-octobre avoir lancé la construction de "dents de dragons", un édifice anti-chars de 200 kilomètres destiné à contrer l'avancée des forces de Kiev dans la région de Lougansk, dans l'est de l'Ukraine.

Mais que sait-on de ce projet? L'annonce a été faite par l'oligarque Evguéni Prigojine le 19 octobre dernier. "Un complexe de fortifications est en cours de construction sur la ligne de contact, communément appelée la 'ligne Wagner'", a déclaré cet homme d'affaires proche du Kremlin sur les réseaux sociaux de son entreprise Concord.

Sorte de "ligne Maginot"

Cette sorte de "ligne Maginot", ces fortifications destinées à contrer les Allemands lors de la Première Guerre mondiale, consiste en "une défense à plusieurs niveaux", indique le Russe, sans donner plus de précisions.

Elle est l'oeuvre de la milice Wagner, une société privée qui oeuvre depuis le début du conflit comme "l'un des bras armés du Kremlin", rappelle le général Jérôme Pellistrandi, consultant pour BFMTV. Elle est constituée de "soldats sans foi ni loi qui ne respectent aucune loi de la guerre", indique-t-il.

Deux lignes de 200 km et une tranchée

Depuis cette annonce, des clichés aériens ont permis d'en savoir plus. Le nom suprenant de cet édifice militaire vient d'abord de sa forme.

La "ligne Wagner" se compose en effet de blocs de ciment blancs installés sur deux rangées et censées arrêter l'avancées de chars, selon l'analyste de données Benjamin Pittet, qui s'appuie sur des clichés aériens. S'en suivent une ligne de tranchée, puis des postes de tirs.

"Ça empêche la progression des chars", explique à BFMTV le général Pellistrandi. "Et comme vous connaissez parfaitement la position de votre ligne, si un ennemi essaye de la franchir, vous bombarbez avec de l'artillerie", indique-t-il.

La carte du projet envisagé par les mercenaires russes a été publiée par un média pro-Wagner se présentant comme une agence de presse russe, RIA FAN. Elle montre une ligne très reculée et coupant la région de Lougansk en deux.

L'ensemble de la construction doit mesurer 200 km de long, selon les calculs de CNN, mais seulement deux kilomètres ont pour l'instant été réalisés, estime le gouverneur ukrainien de la région de Lougansk sur Telegram. ABC évalue pour sa part l'édifice à 12 km d'après des images satellites.

La ligne doit aussi traverser la région de Belgorod, territoire russe proche de la frontière ukrainienne, selon des clichés partagés par le gouverneur de la région sur Telegram. Des segments sont également en cours d'installation dans la région de Koursk, d'après son gouverneur local.

Une ligne encore fragile

Pourquoi un tel projet? Le média russe Zvedza TV, consacré aux forces de Moscou, décrit la "ligne Wagner" comme une "deuxième ligne de défense" au cas où les Ukrainiens parviennent à franchir la première.

Pour Olivier Kempf, directeur du cabinet de synthèse stratégique La Vigie, ce projet pourrait sonner comme un signe de l'échec des forces russes.

"Les Russes s'attendent à céder et préparent déjà une prochaine ligne d'arrêt, ce qui serait alors un aveu de faiblesse", suggère-t-il dans une interview à France Info.

Autre possibilité cependant, les Russes ont peut-être "appris de leurs erreurs après la perte d'Izioum et de Lyman" et agissent "par prudence". "Paradoxalement, ce serait alors un signe de force", analyse Olivier Kempf.

Plusieurs observateurs estiment par ailleurs que la ligne reste pour l'instant plutôt fragile, rapporte France Info. Les blocs apparaissent notamment de hauteur bien inférieure à ceux de la ligne Siegfried, construite par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, ne sont pas camouflés, ni enfouis dans le sol.

Mise en scène offensive?

Le projet ne serait pas, cependant, un ordre venu de Moscou, le groupe Wagner étant paramilitaire. Cette ligne de défense pourrait servir à l'oligarque qui l'a lancé d'asseoir son narratif de défenseur ultime du territoire national, estime l'AFP.

Evguéni Prigojine avait justement fustigé en octobre dernier les "bureaucrates-ennemis" de Moscou qui ne le soutiennent pas, ceux, dit-il, qui "changent sans cesse de scénario depuis février" et le début de la guerre.

"Les troupes russes sont à la défense et il se met en scène à l'offensive, c'est son intérêt principal: transformer cette bataille en influence politique, donc en argent", estime l'analyste ukrainien Mykola Bielieskov.

Article original publié sur BFMTV.com