Délit de non-partage des tâches domestiques : Sandrine Rousseau s'explique

Sandrine Rousseau (Photo by Sameer Al-DOUMY / AFP)

73% des femmes déclarent en faire davantage que leur conjoint pour les tâches ménagères et domestiques.

Sandrine Rousseau veut s'attaquer au non-partage des tâches domestiques. L'ancienne porte-parole de Yannick Jadot et candidate EELV aux législatives a proposé, dans une interview au média Madmoizelle, de "créer un délit de non-partage des tâches domestiques". Une proposition qui suscite depuis de nombreuses réactions épidermiques.

"Si ça suscite autant de crispations, c'est que j'ai touché juste, sur un sujet non traité. Il n'y a que la vérité qui blesse", se félicite Sandrine Rousseau, interrogée par Yahoo Actualités, face aux moqueries parfois violentes sur le sujet.

2h34 de tâches domestiques pour les femmes, 2h10 pour les hommes

Si l'idée crispe, elle semble toucher une réalité. Une enquête Harris Interactive réalisée lors du premier confinement en avril 2020 montre une répartition inégale du temps passé pour les tâches ménagères entre les femmes et les hommes.

Alors que les femmes déclarent passer en moyenne 2 heures et 34 minutes par jour aux tâches ménagères, les hommes déclarent passer 2 heures 10. La majorité des femmes interrogées déclarent être celles qui préparent les repas (63% contre 28% des hommes) et celles qui aident le plus les enfants pour leurs devoirs (56% contre 27% des hommes).

En 11 ans, les hommes ont augmenté d'une minute le temps passé aux tâches domestiques

Une inégalité qui peine à se résorber. Selon la dernière étude disponible de l'Observatoire des inégalités, entre 1999 et 2010, le temps moyen journalier consacré par les femmes au travail domestique a baissé de 22 minutes, passant de 3h48 en 1999 à 3h26 en 2010, celui des hommes a augmenté d’une minute, de 1h59 à 2h, en 11 ans.

"C'est un sujet énorme. Les tâches domestiques, c'est un travail non rémunéré non partagé, qui engendre une inégalité entre hommes et femmes", nous explique Sandrine Rousseau. Une inégalité dont les femmes sont conscientes. Dans une note de la Fondation Jean Jaurès, une étude rapporte que 73% des femmes déclarent faire davantage de tâches ménagères et domestiques que leur conjoint, dont 44% affirment en faire "beaucoup plus".

"Les femmes davantage contraintes au temps partiel"

Une inégalité dans la répartition des tâches qui en entraîne d'autres, pointe Sandrine Rousseau. "Les femmes font en moyenne 10h30 par semaine de plus de tâches ménagères. C'est du temps qu'elles ont en moins à consacrer à leurs loisirs, mais aussi à leur travail. Elle sont davantage contraintes au temps partiel et donc exposées à la précarité, et ont donc moins de temps à consacrer à leur carrière, ce qui maintient les écarts de salaire entre hommes et femmes", poursuit la future candidate aux élections législatives en juin prochain.

Selon l'Observatoire des inégalités, au total, 1,2 million de femmes travaillent en temps partiel subi contre 472 000 hommes, soit trois fois moins. Le temps partiel choisi concerne davantage les femmes, plutôt les non-cadres des métiers mixtes et féminisés, et répond à des motivations différentes pour chacun des sexes : familiales pour les femmes, professionnelles pour les hommes, selon une étude de la Dares.

"Beaucoup disent 'la police ne va pas s'occuper de ce qui se passe dans la sphère domestique. C'était le même débat il y a des années au sujet des violences conjugales. Si les femmes ont une charge mentale trop importante, l'état doit protéger ces femmes".

Des propositions de Terra Nova

Pour lutter contre cette inégalité, Sandrine Rousseau propose donc la création d'un délit, une idée dont elle reconnaît ne pas avoir établi "la faisabilité avec des juristes". De son côté, la fondation Terra Nova, qui fait des propositions pour atteindre l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, relève que "les compétences présumées supérieures des femmes pour la sphère domestique influencent les trajectoires professionnelles et donc le déséquilibre des tâches domestiques".

"Pour rétablir l'équilibre, il faut s'intéresser à tous les facteurs qui influencent l'organisation genrée de la société, en priorité l'école pour déconstruire les stéréotypes dès l'enfance, c'est possible par la formation des professionnels de l'éducation à ces enjeux qui doivent être intégré dans les pratiques pédagogiques, poursuit Kenza Tahri, responsable du pôle égalité femmes hommes de Terra Nova.

Un levier fiscal ?

Autre proposition en lien avec les tâches domestiques : "lever les freins à l’indépendance économique des femmes. On peut étudier l’hypothèse de l’individualisation de l’impôt sur le revenu et plafonner le quotient conjugal pour ne pas décourager le travail des femmes" car "payer ses impôts au niveau du ménage incite la personne la mieux payée du couple (majoritairement les hommes) à développer sa carrière tout en réduisant son implication à la maison", poursuit Kenza Tahri.

Enfin, "une réforme du congé parental pour renforcer l’implication des pères dans l'éducation des enfants : un congé parental plus court et mieux rémunéré par exemple", fait partie des idées mises en avant par Terra Nova.

Un "délit de non-partage des tâches domestiques", qui pourrait revenir sur le devant de la scène lors de la prochaine législature, Sandrine Rousseau est en effet candidate aux élections législatives dans la 9e circonscription de Paris.

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