Décès aux urgences : comment se passe la prise en charge des patients ?

La zone de triage des urgences permet de définir un temps d'attente provisoire (crédit : getty image)
La zone de triage des urgences permet de définir un temps d'attente provisoire (crédit : getty image)

Le personnel hospitalier alerte depuis plusieurs mois sur la crise que traverse les hôpitaux publics et qui se répercute sur la qualité de la prise en charge des patients.

"L'hôpital public est en train de se fissurer et bientôt de s’écrouler", alertait en décembre 2022 un collectif de 5000 médecins, soignants et agents hospitaliers dans une tribune publiée sur Le Monde. "Près de 20% des lits sont fermés par manque d’effectifs, écrivent-ils. L’hôpital public n’est plus capable d’amortir la moindre crise sanitaire, même si elle est prévisible".

Sur le terrain, Anne-Laure Féral-Pierssens, médecin urgentiste, en régulation et dans les camions du SMUR en Seine-Saint-Denis constate également une détérioration de la qualité des soins dès qu'il y a une augmentation du flux de patients. "On passe moins de temps avec eux, à leur expliquer leur pathologie, on doit prendre rapidement des décisions et cela se ressent sur nos conditions de travail". Un travail dans l'urgence qui peut avoir de tragiques répercussions.

Un temps d'attente toujours plus long

Mediapart s’est par exemple récemment fait l’échos de la mort d’Achata Yahaya. Cette femme de 79 ans est décédée aux urgences de Jossigny, en Seine-et-Marne, le 30 octobre 2022 après avoir attendu six heures. "L’établissement admet un "délai inhabituel" de prise en charge, dans un contexte de "forte tension", souligne le média. À la lecture du compte-rendu médical, un médecin interrogé suggère que la patiente pourrait avoir été mal évaluée à son arrivée à l'hôpital.

"À leur arrivée aux urgences, les patients sont vus par l’infirmier d'accueil et d’orientation en zone de triage, précise la Dre Féral-Pierssens. Cela permet de recueillir les informations importantes sur le motif de consultation, les antécédents médicaux et les paramètres vitaux (fréquence cardiaque, respiratoire etc.) et de déterminer un niveau associé à un temps maximal pendant lequel on devrait voir les patients."Ce temps qui peut aller à moins 20 minutes pour les cas les plus urgents peut s'allonger en fonction du flux de patients".

Près de 150 décès estimés aux urgences en décembre

"Tous les jours nous sommes confrontés à ces choix insupportables, à ces situations insolvables d’une responsabilité démesurée faute de moyen et face à un système défaillant où on laisse les urgentistes répondre seuls là où tous les autres ont fermé la porte", dénonce le syndicat SAMU - Urgences de France qui a décidé de tenir les comptes "des morts inattendues". Sont compris les décès liés à une longue attente ou à un défaut de soin.

En décembre 2022, 32 décès ont ainsi été enregistrés. Un nombre bien en deçà du réel puisqu'il repose sur les déclarations volontaires des soignants de 19 départements (sur 100.) Le syndicat a donc choisi de les extrapoler pour donner une estimation sur toute la France. Au cours du dernier mois de décembre, le bilan est donc porté à 150 morts dans les urgences françaises. Au 14 janvier, 8 morts ont pour l'instant été recensés d'après les signalements volontaires.

"Plusieurs travaux ont effectivement montré que la surcharge est associé à plus de complications pour les patients qui consultent aux urgences", commente Anne-Laure Féral-Pierssens. C'est par exemple le cas d'une étude publiée dans les annales françaises de médecine d'urgence en avril 2019. Les auteurs recommandaient alors de trouver des solutions pour réduire la surmortalité observée à l'hôpital de Nîmes, dans le Gard, à cause du délai d'attente.

Sur France info, le Pr Xavier Mariette estime qu'il faut arrêter "l'hémorragie des soignants" et "améliorer les conditions de travail". "Aujourd'hui, ce que l'on propose, c'est réellement qu'une infirmière soit embauchée dans un service défini, à un horaire défini. Et surtout, il faut absolument introduire cette notion de ratio, c'est-à-dire un nombre maximum de patients pris en charge par une infirmière”.

VIDÉO - France : le mal-être des soignants livrés à eux-mêmes dans les hôpitaux