Deauville 2019 - Sophie Turner : « Je ne veux pas devenir "cette fille qui était dans Game of thrones" »

Après un mémorable discours d’Orelsan, la jeune star de Game of Thrones recevait ce samedi le prix du Nouvel Hollywood au 45e festival du film américain de Deauville. Yahoo l’a rencontrée pour évoquer la série qui l’a rendue célèbre et Heavy, son prochain film présenté en avant-première en Normandie.

Copyright : Olivier Vigerie
Copyright : Olivier Vigerie

Vous jouez une ancienne junkie dans Heavy. Pourquoi ce rôle vous a-t-il attiré ?
Ce qui me plaisait dans le scénario, c’est qu’il traitait des troubles mentaux. Je suis très attirée par les films qui évoquent cette problématique avec justesse. Souvent, les troubles psychologiques sont montrés comme effrayants, étranges, marginaux à la télévision ou au cinéma. Et les personnes qui en souffrent se sentent d’autant plus hors normes et honteux, au point de ne plus oser demander d’aide. Cela peut tuer des gens. L’industrie du cinéma n’est pas la seule à blâmer mais il serait temps que les maladies mentales soit représentées comme il se doit dans les fictions.
(La jeune actrice a avoué dans la presse avoir fait une dépression en raison des critiques, NDLR)

Comment avez-vous accueilli l’annonce de votre nomination aux Emmy Awards (les prix de la télé américaine, ndlr) pour votre rôle dans Game of thrones ?
Je ne pense vraiment pas que je l’aurai mais je suis déjà tellement heureuse d’être nommée. C’est ma première nomination, pour la dernière saison de Game of Thrones. C’est une belle façon de clore ce cycle.

Comment vous sentez-vous depuis la fin de la série ? Craignez-vous d’etre coincée dans la peau de Sansa Stark ?
Evidemment ! Je me demande si la seule empreinte que je laisserai sera celle-là. J’ai d’autant plus peur que je n’ai pas de filet de sécurité : la série est finie, je ne peux pas y retourner. C’est une période charnière dans ma carrière. Il faut que je continue à travailler, à apprendre, à tenter des choses différentes si je ne veux pas devenir « cette fille qui était dans cette série ».

Comptez-vous produire, écrire ou réaliser pour vous créer vos propres opportunités ?
Je ne crois vraiment pas avoir de talent pour l’écriture. Mais j’aimerais beaucoup produire à court terme, et peut-être aussi réaliser un jour. Pour l’instant, je choisis consciemment des projets d’actrice, comme Heavy, qui me challengent et montrent un autre visage.

Heavy
Heavy

Que pensez-vous des fans qui, à Deauville, vont participer au marathon Game of Thrones en regardant les huit saisons en une semaine ?
C’est totalement dingue. Respect total. Moi, je ne pourrais jamais le faire. Je me demande qui va tenir jusqu’au bout. Mais c’est le propre de Game of Thrones : tenir pour voir qui s’en sortira à la fin !

2019 a marqué la fin de X-Men et de GOT
Cette année, j’ai dit au revoir à beaucoup de choses mais je n’espère pas à ma carrière. Ca été une année étrange mais aussi libératrice. J’essaie d’être davantage pro active et investie dans le business pour continuer à travailler.

Vous semblez angoissée à l’idée que cela s’arrête…
Cela va de paire avec le métier. Vous vous demandez toujours s’il y aura un prochain rôle. C’est un métier incertain et les mêmes questionnements tournent en boucle : « il faut que je trouve un rôle… les gens voudront ils encore me voir ? ». Et quand un film sort deux ans après que vous l’ayez tourné, vous vous dites : « Mon dieu, j’ai fait tellement de progrès depuis ce tournage et ils ne le verront pas. » . Mais ça vaut le coup ! C’est un métier formidable et je l’aime encore plus qu’à mes débuts. Il ne s’agit plus seulement pour moi de divertir mais d’en apprécier l’artisanat. Quand j’ai commencé Game of thrones, je ne savais pas comment préparer un rôle. J’apprenais mon texte et voilà.

Quels sont vos rêves d’actrice ?
J’adorerais jouer James Bond par exemple ! Pas une James bond girl mais 007. Ce serait tellement amusant. J’aurais mes Bond men qui porteraient des noeuds papillons… et rien d’autre !

Et qui serait le Bond man idéal ?
Je ne sais pas. Et pourquoi une 007 n’aurait pas de James Bond girl d’ailleurs ? Tout est possible.

Vous avez récemment repris des études. Lesquelles ?
Criminologie. C’est toujours un peu fastidieux au démarrage car il faut apprendre la base, les termes, etc… Mais j’espère bientôt attaquer les choses sérieuses. Depuis toute jeune, ce sujet me passionne. Et puis, c’est rassurant d’avoir une chose à laquelle se raccrocher si je décide un jour de ne plus jouer la comédie ou si plus personne ne m’offre de rôles. Cela pourra aussi me servir quand je devrais étudier la psychologie de certains personnages. Plus vous faites de choses dans votre vie privée, plus vous vous enrichissez en tant qu’actrice.

Depuis le mouvement #Metoo, sentez-vous un changement dans l’industrie ?
Je pense qu’il y a davantage de respect et d’estime même si on est encore loin du compte. Les actrices ne touchent toujours pas le même salaire que leurs partenaires masculins et ne sont pas toujours traitées avec les mêmes égards sur les plateaux. J’ai personnellement eu la chance de travailler avec de formidables collaborateurs et je n’ai jamais eu de véritables problèmes mais il est clair que les inégalités existent encore. Je crains que l’amélioration des comportements soit davantage liée à la peur de la parole des femmes et des actions en justice qu’à une réelle prise de conscience. J’espère juste que nous connaîtrons bientôt le véritable équilibre, l’harmonie.

Il y a aussi la nécessité de changer les représentations à l’écran ?
Bien sûr. Le métier n’est pas tendre avec les femmes de plus de 35 ans. Quand on évoque une actrice de 30 ans pour jouer ma mère, cela n’a aucun sens ! Mais pour une raison obscure, cela arrive encore. Il y a tant de choses à raconter sur les femmes après 40 ans mais si peu de films s’attaquent à ces sujets… D’une façon générale, les films ne reflètent toujours pas suffisamment la réalité de notre société.

Vous avez été célèbre très jeune. Quel est le revers de la médaille à cette notoriété ?
Le fait que l’on scrute et que l’on envahisse votre vie privée. J’ai commencé à 13 ans et au début, Game of Thrones n’était pas le phénomène qu’il est devenu. J’ai donc eu quelques années pour faire quelques erreurs sans être dans le viseur des media. Mais aujourd’hui, j’ai de moins en moins droit à l’erreur. Or, il est plus difficile de grandir et de s’améliorer sans faire d’erreurs. Vous vivez un peu dans la peur de ce que les gens pourraient penser de vous mais cela reste gérable.

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