Quand Darmanin rend hommage à Ruffin avant sa rentrée à Tourcoing, cela veut dire quoi ?

Ce que cache cet hommage insistant de Darmanin (ici le 21 mai dernier) à Ruffin
Ce que cache cet hommage insistant de Darmanin (ici le 21 mai dernier) à Ruffin

POLITIQUE - Des compliments gratuits ? Gérald Darmanin profite de son offensive de rentrée pour envoyer des mots aimables à François Ruffin, le député de la Somme pourtant fervent opposant à la politique menée par l’exécutif depuis 2017. Une question de proximité idéologique à en croire le ministre de l’Intérieur, qui organise un grand un raout « saucisses frites » dans le Nord, ce dimanche, dans son fief Tourcoing. Et c’est tout ?

Sur RTL ce venredi 25 août, le numéro 3 du gouvernement a encore évoqué l’élu membre du groupe LFI à l’Assemblée comme quelqu’un à écouter, « qui réfléchit ». Quelques heures auparavant, il expliquait à La Voix du Nord être « d’accord avec une partie » de ses « analyses », comme il le faisait déjà au Figaro douze jours plus tôt.

Dans cet article publié au milieu du mois d’août, le point de départ de son opération de rentrée tournée vers 2027, Gérald Darmanin confiait déjà « penser comme Ruffin et Roussel [le secrétaire national du PCF] que c’est la question sociale qui est la plus importante ». Rien d’étonnant, donc, à ce que le patron de la Place Beauvau fasse savoir qu’il a lu le livre du député LFI « Je vous écris du front de la Somme », pendant ses vacances.

Se détacher (un peu) du costume de Beauvau

Une série de compliments, certes légers, mais dont les principaux représentants de la majorité ne peuvent pas se targuer. Comment l’expliquer ? Cet hommage inattendu à l’élu pourfendeur de la Macronie – qui se voit bien jouer un rôle en 2027 – permet à Gérald Darmanin d’envoyer plusieurs messages. Pour ses propres ambitions, mais pas seulement.

Pour le ministre de l’Intérieur, tresser les louanges de François Ruffin, un élu identifié sur les luttes et les questions sociales, des gilets jaunes aux femmes de chambre, c’est d’abord essayer de sortir de son périmètre ministériel et tenter de se détacher quelque peu de l’image stricte de premier flic de France. Pas simple tant il s’attache à incarner sa fonction, avec zèle parfois, depuis son arrivée Place Beauvau.

« Moi je fais de la politique. La politique ce n’est pas être technicien d’un sujet comme si je ne m’intéressais pas aux difficultés des gens », a-t-il d’ailleurs glissé ce vendredi sur RTL, après avoir confié à La Voix du Nord bénéficier d’une sorte de carte blanche présidentielle pour exprimer sa propre « sensibilité ». Elle se voudra, à n’en pas douter, « plus sociale », à l’attention des « petites gens ».

Prendre ses distances avec la ligne du gouvernement

En s’appuyant sur François Ruffin et « les mêmes briques rouges » qu’ils voient à Tourcoing et dans la Somme, en mettant la lumière sur les « classes populaires », qui sera le thème de sa rentrée dimanche, le ministre de l’Intérieur veut aussi se détacher de certains choix du gouvernement.

« Il nous faut nous préoccuper d’un prolétariat nouveau constitué par toutes ces familles monoparentales qui ne s’en sortent pas. Ce qui n’allait pas dans la réforme des retraites, c’est qu’on leur demandait de travailler plus dans les conditions actuelles », tranche-t-il par exemple dans La Voix du Nord, tout en prônant une hausse des salaires en mettant la pression sur « les propriétaires du capital ». Ce qui ne correspond pas franchement à la vision économique portée par l’exécutif jusqu’à présent.

Dans ce même entretien, le ministre de l’Intérieur n’hésite pas non plus à mettre en avant ses désaccords actuels avec la cheffe du gouvernement Élisabeth Borne, et le puissant locataire de Bercy Bruno Le Maire. Sur le budget en préparation, par exemple, où l’on devine les mêmes divergences politiques sur le public contraint de faire des efforts.

« Je plaide pour le décalage de la baisse des impôts de production des entreprises », explique ainsi Gérald Darmanin pour éviter de « trop porter sur les classes populaires et moyennes les efforts budgétaires ». « Une discussion que je peux avoir avec le ministre de l’Économie ou la Première ministre, sans être forcément entendu », indique, à regret, celui qui se projette déjà dans la bataille contre Marine Le Pen en 2027.

Diviser la gauche en passant

Dans ce contexte, Gérald Darmanin ne résiste non plus pas la tentation de diviser la gauche à travers son ode à François Ruffin, dont la candidature hypothétique en 2027 charrie de nombreux débats stratégiques. Une pierre, trois coups.

Le député de la Somme incarne effectivement une ligne populaire, centrée sur la France des bourgs et des campagnes, et n’hésite pas à remettre en cause publiquement certaines inclinations de la France insoumise, et d’autres, pour les métropoles. « François Ruffin dit’ Mélenchon a tort de s’en prendre à l’ordre, aux flics et à la patrie, défendre le communautarisme ou le wokisme (...) parce qu’il faut parler aux ouvriers’ », a ainsi résumé - à sa façon - le ministre de l’Intérieur sur RTL, avec quelques raccourcis.

Notons qu’il faudra encore attendre un peu pour voir le député de la Somme rendre les compliments au patron de la Place Beauvau. Dans un message publié sur X (Twitter), François Ruffin rappelle qu’à ses yeux, ce sont les « dix ans de Macron-Darmanin-Philippe-Le Maire » qui conduisent Marine Le Pen proche de l’Élysée. Et d’ajouter, quant à l’offensive du ministre de l’Intérieur : « Le problème se présente comme la solution ».

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