Darmanin, Pécresse... 10 ans après avoir voté contre le mariage pour tous, ont-ils changé d'avis?

331 voix pour, 225 voix contre. Le 23 avril 2013, l'Assemblée nationale adoptait définitivement le projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe, après de vifs débats dans l'hémicycle et dans les rues.

10 ans plus tard, le mariage pour tous est entré dans les mœurs: plus de 70.000 couples de même sexe se sont mariés lors de la dernière décennie, ce qui représente un peu plus de 3% des unions. Si plusieurs candidats à la présidentielle appelaient encore à l'abrogation de la loi en 2017, aucun programme ne mentionnait cette promesse en 2022.

Qu'en est-il des députés qui avaient voté contre la réforme à l'époque? Ont-ils changé d'avis? BFMTV.com a interrogé celles et ceux qui sont toujours ministres, parlementaires, eurodéputés ou dirigeants d'un exécutif local en leur demandant si leur vote serait aujourd'hui le même.

• Ceux qui ont changé d'avis

Parmi les députés de l'époque qui ont voté contre le texte, seuls des élus de droite ou aujourd'hui macronistes ont encore un mandat à l'heure actuelle, voire pour certains des fonctions ministérielles. 183 députés UMP - l'ancêtre de LR - sur un total de 196 avaient dit non au mariage pour tous.

Gérald Darmanin, alors député-maire de Tourcoing, avait fait savoir qu'il refuserait en tant qu'édile de "personnellement" célébrer des unions, après avoir eu de très vifs échanges avec la garde des Sceaux Christiane Taubira qui défendait la réforme.

Sa nomination au gouvernement en 2017 avait fait grincer des dents. "Manifestement, l'homophobie n'est pas une ligne jaune pour Emmanuel Macron", s'était par exemple désolée la militante féministe Caroline de Haas.

Le nouveau locataire de la place Beauvau avait alors lancé une opération déminage, expliquant dans les colonnes du Point que "le manque d'expérience" l'avait "poussé parfois à dire des bêtises". "Si c'était à refaire, je voterais le texte du mariage pour tous", a fait savoir ce jeudi Gérald Darmanin auprès de La Voix du Nord.

"Le ministre n'a jamais voulu blesser personne", nous explique encore son cabinet. "Il regrette beaucoup son vote."

À l'annonce du projet de loi en octobre 2012, Christian Estrosi, alors député-maire de Nice, avait regretté le tempo gouvernemental. "Tant qu'on aura pas traité le problème du droit des enfants avant, je dis qu'il est prématuré d'aborder le problème du mariage des homosexuels. Voilà pourquoi je n'y suis pas favorable", avait expliqué l'élu des Alpes-Maritimes sur RTL.

Deux ans plus tard, changement de pied. Le mariage pour tous "a été adopté, il est rentré aujourd'hui dans les pratiques de l'état civil de notre pays", se justifiait Christian Estrosi sur Canal +. "C'est le premier maire à avoir marié des homosexuels en mairie", se félicite aujourd'hui son entourage (il s'agit en réalité d'Hélène Mandroux, la maire de Montpellier en 2013 NDLR).

Damien Abad avance, lui, son "devoir de loyauté" auprès de BFMTV.com. "J'avais voté contre par respect pour ma famille politique mais en réalité, j'étais plutôt favorable au mariage pour tous", assure le député - désormais apparenté Renaissance - qui a dû quitter le gouvernement après des accusations de viol et de tentatives de viol qu'il nie.

Mêmes explications pour Laurent Marcangeli, aujourd'hui numéro 1 du groupe Horizons à l'Assemblée nationale. "J'étais plein de doute à l'époque et j'ai respecté la discipline de mon groupe politique", affirme ce proche d'Édouard Philippe. "Franchement, si c'était à refaire, il y a de très grandes choses que je fasse différemment."

Éric Ciotti, désormais à la tête des Républicains, avait à l'époque semblé hésiter sur son positionnement. Interrogé par l'Association des journalistes parlementaires, celui qui était alors un proche de François Fillon, très opposé au mariage pour tous, avait déclaré "personnellement, je voterai ce texte", avant de rectifier quelques minutes plus tard, assurant avoir dit le contraire.

"Sur le mariage pour tous, je n'aurais peut être pas la même attitude aujourd'hui", affirmait le député des Alpes-Maritimes à l'été 2017 sur Europe 1. Le parlementaire n'a pas répondu à nos demandes d'entretien.

Valérie Pécresse a également changé d'avis. À l'automne 2012, alors députée des Yvelines, celle qui est désormais présidente (LR) de la Région Île-de-France se prononce pour l'abrogation du mariage en tous en cas d'adoption par les députés de la réforme. "On peut imaginer mettre en place un statut d'union civile et transférer les droits sur un statut d'union civile, ça peut se faire", envisage-t-elle.

Deux ans plus tard, changement de ton: "Sur le mariage homosexuel, j'ai changé d'avis parce que tout simplement j'ai réfléchi", avance Valérie Pécresse, tout en intégrant quelques mois plus tard plusieurs figures de la Manif pour tous dans son équipe de campagne pour les élections régionales.

Pendant la dernière présidentielle, Valérie Pécresse a dit sur France 2 avoir "regretté les invectives qui ont pu être prononcées lors de ces manifestations". "Je défendais l'union civile à l'époque", défendait alors la candidate LR. Sollicitée, son équipe n'a pas répondu à nos demandes.

Éric Woerth, à l'époque élu LR, avait fait part de son "opposition frontale" au mariage pour tous, y voyant "une régression, une manière dévoyée de voir le progrès" lors d'une réunion publique rapportée par Le Parisien.

"La société a parfaitement intégré le mariage pour tous, ce n'est plus un sujet", avance auprès de BFMTV.com le député, désormais macroniste.

Hervé Morin, à l'époque député UDI, avait estimé en 2011 que "le mariage puisait ses racines dans la religion", s'inquiétant que l'union pour tous pousse "une partie de la société française à se sentir heurtée et touchée". Douze ans plus tard, le président la région Normandie nous indique "être pour aujourd'hui" et "avoir évolué sur la question".

Jean-François Copé, à l'époque président de l'UMP, avait été de toutes les manifestations parisiennes de la Manif pour tous. Il qualifie désormais son opposition au mariage homosexuel de "seul grand regret de sa vie politique". "C'est totalement rentré dans les mœurs et c'est tant mieux", a jugé le maire de Meaux auprès du Journal du dimanche.

Le député Modem Philippe Vigier nous explique également n'y voir "plus aucun sujet".

"Personne ne reviendra jamais en arrière, on est tous passé à autre chose", explique ce proche de Jean-Louis Borloo.

• Ceux qui sont toujours contre

Thierry Mariani, alors député LR qui avait été en tête de presque tous les cortèges de la Manif pour tous, entre Christine Boutin et Laurent Wauquiez, n'a pas changé d'avis, sans toutefois souhaiter son abrogation. "Je ne suis toujours pas enthousiaste mais c'est une demande de la société. La démocratie, c'est parfois accepter ce qui ne nous fait pas plaisir", explique à BFMTV.com l'eurodéputé, désormais étiqueté RN.

Gilbert Collard, proche de Marine Le Pen en 2013, n'a pas non plus changé d'avis. "Je reste philosophiquement et juridiquement opposé au mariage pour les couples homosexuels", nous répond le député européen, un temps président d'honneur de Reconquête pendant la campagne présidentielle.

Virulent opposant au mariage pour tous pendant les débats au Palais-Bourbon, Laurent Wauquiez a réaffirmé à plusieurs reprises sa volonté de le supprimer.

"Je me suis opposé à la loi Taubira et je suis toujours pour la suppression de cette loi. Je n'ai pas changé mon cap sur cette question", fait-il ainsi savoir en 2016.

En 2017, dans les colonnes de Valeurs actuelles, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes réitère à nouveau ses propos, évoquant une loi sur laquelle "il est évident qu'il faut revenir". Contacté, l'élu régional n'a pas répondu à nos questions.

Charles de Courson qui a gagné en notoriété avec son opposition à la réforme des retraites n'a pas échangé d'avis. "Durant l’examen de la loi Taubira, j’étais en faveur d’un contrat d’union civile. Et comme disait Dalida : 'Je n’ai pas changé'", a expliqué le député centriste qui siège avec le groupe Liot auprès du Journal du dimanche en mars.

• Ceux qui affirment que leur vote n'était pas contre le mariage

Certaines figures de la Manif pour tous qui ont voté contre le mariage pour tous à l'Assemblée nationale tiennent un discours bien différent aujourd'hui. Valérie Boyer, alors député UMP, a ainsi été de toutes les manifestations contre le mariage pour tous. En 2016, elle fait ainsi partie des élus encore présents pour battre à nouveau le pavé à l'invitation du mouvement, en perte de vitesse.

"Je n'ai jamais été opposée à l'union de deux personnes de même sexe", fait ainsi savoir à BFMTV.com celle qui est depuis devenue sénatrice.

"Je reste opposée à la PMA (procréation médicalement assistée) pour les personnes fertiles", avance encore cette ancienne proche de François Fillon qui juge que "le mariage pour tous a entraîné de façon logique comme on le craignait à l'époque" des "risques sur l'achat d'enfants", pointant du doigt la gestation pour autrui - si la PMA a été ouverte à toutes les femmes en 2021, la GPA reste interdite en France.

Même son de cloche du côté de Philippe Gosselin, l'un des députés les plus actifs contre la réforme dans l'hémicycle. "Je n’étais pas opposé à l’union de personnes du même sexe", nous a fait valoir le député, tout en reconnaissant avoir été "contre le mariage lui-même, notamment en matière de filiation".

"Sur ce point, je n'ai pas changé", avance l'élu de la Manche, regrettant "la PMA et la GPA".

• Ceux qui refusent de répondre

Plusieurs élus LR n'ont pas répondu à nos sollicitations et ne sont pas exprimés ces dernières années sur le mariage pour tous, à l'instar de Nicolas Dupont-Aignan et de Michèle Tabarot, l'une des très proches de Jean-François Copé pendant la lutte contre le mariage pour tous à droite.

Le président des députés LR, Olivier Marleix, le maire du 15ème arrondissement de Paris Philippe Goujon, les députés Patrick Hetzel et Marc le Fur n'ont pas non pas donné suite.

La députée LR Annie Genevard a expliqué ne "pas souhaiter s'exprimer sur un sujet passé". "J'ai dit ce que j'avais à dire en son temps", nous a encore répondu la secrétaire générale du parti. L'élue du Doubs avait évoqué dans l'hémicycle "les cris de détresse de ces enfants élevés sans père ou sans mère".

"J'ai toujours considéré que ce n’était pas la question du mariage entre deux homosexuels mais celle de l’adoption (qui) efface le lien avec les parents biologiques, qui m’interpellait", avançait la parlementaire auprès de France 3 le jour du premier mariage entre deux hommes à Montpellier. Il y a presque dix ans désormais.

Article original publié sur BFMTV.com