Danilo Kiš, la compagnie des sphinx

«Saisir les tripes même de l’Etre, saisir et montrer le germe du devenir, d’un devenir psychologique, historique, anthropologique…» : voici comment Piotr Rawicz définissait en 1982 Sablier dans sa préface au roman de Danilo Kiš, écrivain serbe (alors yougoslave), né en 1935 et mort en 1989 après avoir vécu en France la seconde moitié de sa vie. Avec Jardin, cendre et Chagrins précoces,Sablier constitue la trilogie autobiographique le Cirque de famille dont le père est le personnage principal et qui, avec Encyclopédie des morts et Un tombeau pour Boris Davidovitch, sont les livres les plus célèbres de Danilo Kiš (tous traduits chez Gallimard). Psaume 44, inédit en français, et la Mansarde, déjà paru en 1989, sont les deux premiers textes de l’écrivain, édités dans le même volume à Belgrade en 1962 comme ils le sont désormais en français. Leur auteur mis à part, ils n’ont a priori rien en commun. Celui-là, dramatique et plein de scènes épouvantables, raconte au plus près l’évasion d’Auschwitz-Birkenau de deux femmes dont l’une vient d’accoucher ; celui-ci, désinvolte et fantaisiste, dit la bohème des années 1950 en différentes scènes qui évoquent à la fois Witold Gombrowicz et André Breton - et Thomas Mann, une longue citation de la Montagne magique étant intégrée dans le texte comme si de rien n’était.

Les deux textes sont passionnants en eux-mêmes mais aussi pour montrer deux faces des tripes même de l’écriture de Danilo Kiš, pour saisir et montrer les germes de son devenir littéraire, lui qui a dit, dans une phrase citée par Jean-Pierre Morel dans sa riche préface : «J’ai besoin de changer de style. J’aime recommencer à zéro à chaque fois.» Autre phrase citée dans la préface : «Dès mes débuts, j’ai pu constater les dangers d’une lecture bêtement politique de la littérature, où même l’autoflagellation est perçue comme une critique sociale.» Pour une lecture intelligemment politique, et tout simplement intelligente, Danilo Kiš, dans un entretien à Libération de 1985, (...) Lire la suite sur Liberation.fr

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