Daniel Soulez Larivière : "Comment imaginer que fonctionne un pays dans lequel sévit 'la guerre des juges'?"

Voici la tribune de l'avocat Daniel Soulez Larivière : "Dans une théorie générale des débuts de l'organisation des sociétés, le prince est celui qui triomphe du chaos, détruit ses ennemis et décide de créer un État et de restaurer ou d'établir la paix civile. Arrivant au pouvoir les mains pleines de sang, il explique qu''on ne recommencera plus' parce que des juges indépendants de lui seront chargés de garantir la paix civile. C'est la base du contrat entre le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire.

Mais si, voulus obéissants, les juges agissent selon les vœux du prince, ils ne sont pas crédibles ; donc la paix civile n'est pas assurée. Il faut que le prince supporte qu'ils ne fassent pas toujours tout ce qu'il veut. Mais, à l'inverse, si le juge se met à vouloir détruire le prince qui l'a nommé, le contrat de paix civile est là aussi renversé. Car, si le juge est fait pour ne pas obéir au prince, il n'est pas fait non plus pour lui désobéir et le dévorer. Il en est d'ailleurs incapable malgré ses rêves.

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L'État français moderne s'est ­construit sans juges [...] Le vrai droit régalien, c'était le droit administratif avec le Conseil d'État

"

Telle est la problématique toujours vivace en France depuis la naissance des parlements. Le Pr Jacques Krynen explique qu'au XIVe siècle, pour théoriser leur pouvoir de représentation du monarque, ils ont employé un vocabulaire successoral, ce qui suppose une mort préalable (L'Idéologie de la magistrature ancienne, Gallimard, 2009). L...


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