Damas salue une "reculade" américaine, Paris embarrassé

par Yara Bayoumy et Sophie Louet BEYROUTH/PARIS (Reuters) - Le gouvernement syrien a salué dimanche une "reculade historique" des Etats-Unis après la décision de Barack Obama de demander le feu vert du Congrès sur des frappes ciblées pour punir Bachar al Assad de l'attaque chimique qui aurait fait plus de 1.400 morts le 21 août dans la banlieue de Damas. Ces attaques occidentales limitées, sans envoi de troupes au sol, étaient données cette semaine comme imminentes mais ne devraient pas intervenir avant le 9 septembre, quand le Congrès américain se réunira. Le secrétaire d'Etat John Kerry, qui s'est imposé comme un ardent partisan d'une intervention, a indiqué dimanche disposer d'échantillons sanguins et capillaires récupérés sur les lieux des attaques à Damas et prouvant l'emploi de gaz sarin. Kerry a lancé un appel aux parlementaires américains qui hésitent encore à approuver une action militaire. "Cela relève désormais du Congrès. Ils (les élus) feront ce qui est juste car ils connaissent les enjeux", a-t-il dit sur CNN. A la suite de la décision d'Obama, le ministre français de l'Intérieur, Manuel Valls, a souligné que Paris, qui s'est engagé sans réserve aux côtés des Etats-Unis pour sanctionner Damas, ne pouvait agir seul. "Nous sommes amenés forcément, par rapport à la capacité d'intervention, à attendre la décision des Etats-Unis", a-t-il admis. "La France ne peut pas y aller seule". Un débat sur une action en Syrie est prévu mercredi au Parlement français mais sans vote, ce que dénonce l'opposition. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault réunira lundi les responsables des deux chambres du Parlement afin de faire le point sur la situation. Jeudi dernier, le Parlement britannique a désavoué le Premier ministre David Cameron en repoussant ses plans d'intervention armée contre la Syrie. "Obama a sonné hier (...) le début de la retraite historique des Américains", écrit dimanche en "une" le journal gouvernemental syrien Al Saoura. Le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Fayçal Mekdad, a raillé l'"indécision" et la "confusion" dont fait preuve, selon lui, le président américain. Recevant dimanche des responsables iraniens, Bachar al Assad s'est dit en mesure de faire face "à toute attaque extérieure" et a promis de poursuivre son combat "contre le terrorisme qui est soutenu par certains pays en Occident et dans la région, d'abord et avant tout par les Etats-Unis d'Amérique". INTERROGATIONS EN ISRAËL La Coalition nationale syrienne (CNS, opposition) a exhorté le Congrès américain à approuver les projets d'action militaire et réclamé de nouvelles armes pour affronter les forces d'Assad. Devant ses homologues des Etats membres de la Ligue arabe, le ministre saoudien des Affaires étrangères a prôné une intervention internationale et expliqué que s'opposer à une telle action ne ferait qu'encourager le régime Assad dans la voie de la violence. De son côté, le secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon veut voir dans la décision de Barack Obama le désir de Washington d'instaurer un consensus international élargi pour répondre à l'usage d'armes chimiques", a dit un porte-parole. En Israël, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a souligné la capacité d'Israël à affronter seul ses ennemis, après la décision surprise d'Obama de retarder l'intervention armée contre le régime syrien. Ces atermoiements de Washington sur une intervention en Syrie conduisent une partie des Israéliens à s'interroger sur la résolution de leur allié américain face à l'Iran, accusé de vouloir se doter de l'arme nucléaire. La radio de l'armée israélienne a rapporté les propos d'un responsable gouvernemental traduisant ce trouble. "Si Obama hésite sur la Syrie, il est clair qu'il hésitera encore plus sur la question d'attaquer l'Iran, une chose qui devrait être bien plus compliquée. La probabilité qu'Israël devra alors agir seul en est renforcée", a dit ce responsable qui a requis l'anonymat. A Téhéran, le président du Parlement Ali Laridjani a souligné que l'opinion publique mondiale était hostile à une intervention extérieure en Syrie. Pour sa part, l'ancien président modéré Ali Akbar Hachémi Rafsandjani s'est démarqué de la position officielle iranienne en accusant le gouvernement syrien d'attaques chimiques contre son peuple. Les résultats des analyses des échantillons rapportés de Damas samedi par les experts de l'Onu pourraient ne pas être disponibles avant trois semaines. Au Vatican, le pape François a exhorté la communauté internationale à trouver une solution négociée au conflit et annoncé que le 7 septembre serait une journée mondiale de prières et de jeûne pour la paix en Syrie. Les combats en Syrie ont fait plus de 110.000 morts depuis le début du soulèvement contre Bachar al Assad en mars 2011, selon un bilan fourni dimanche par l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Guy Kerivel pour le service français