Déficit : ce que révélera (ou non) le chiffre aggravé de la dette que va dévoiler l’Insee

Le ministère de l’Économie et des finances photographié en juin 2023 (illustration)
- / AFP Le ministère de l’Économie et des finances photographié en juin 2023 (illustration)

POLITIQUE - Plus de 7 000 kilomètres séparent Paris de la Guyane, où Emmanuel Macron est en déplacement. Pourtant, le chef de l’État sera très attentif au chiffre que dévoilera l’Insee ce mardi 26 mars : celui sur le déficit public, qui s’annonce plus grave que prévu. Initialement prévue à 4,9 % du PIB, la dette pourrait atteindre 5,6 %. Soit l’officialisation d’un dérapage qui ne cesse d’embrasser l’exécutif et qui provoquera, à coup sûr, une salve de critiques venant des oppositions.

Au congrès du MoDem, François Bayrou fait la leçon au gouvernement sur la dette, l’éducation et les retraites

Autre phénomène dont se passerait bien le gouvernement : le concours Lépine des sources d’économies, dans un contexte où le camp présidentiel se divise sur les solutions à apporter. Ce lundi 25 mars, François Bayrou a remis sur l’ouvrage la possibilité d’utiliser l’outil fiscal à destination des plus riches, ce que refuse mordicus le ministre de l’Économie Bruno Le Maire.

« S’il y a des mesures de rééquilibrage, il faut qu’elles aillent vers ceux qui ont le plus de moyens, y compris le plus de moyens en fonction de la crise, sans casser l’image de la France qui permet d’attirer les investisseurs », a plaidé le président du MoDem sur BFMTV, dans le sillage de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. Au-delà des répercussions politiques qui suivront la publication de l’Insee, l’ampleur du dérapage sera particulièrement scrutée.

« Coup de bambou »

Auprès de l’AFP, l’économiste Mathieu Plane (Directeur adjoint à l’Observatoire Français des Conjonctures Économiques) rappelle les ordres de grandeur se cachant derrière chaque décimale. « Pour faire simple, chaque 0,1 point représente environ 3 milliards » manquant dans les caisses. Dans ces conditions, le passage de 4,9 % (comme envisagé) à 5,6 % sera comme « un gros coup de bambou », et compliquera davantage la tâche du gouvernement pour atteindre dans des délais raisonnables le seuil des 3 % fixé par les traités européens.

Puisque, selon ce calcul, l’écart représenterait la bagatelle de 20 milliards entre l’objectif fixé et le chiffre que devrait officialiser l’Insee. « Le chemin va être extrêmement périlleux, parce que ça fait presque trois points de PIB à trouver alors même que la croissance n’est pas au rendez-vous », soulignait ce même Mathieu Plane, cette fois sur le plateau de « C dans l’air » sur France 5, ajoutant que le refus du gouvernement d’utiliser le levier fiscal pour produire des recettes devrait considérablement lui compliquer la tâche.

Pas de faillite

Pour autant, et malgré les réelles difficultés qui se cacheront derrière le chiffre que dévoilera l’Insee, la France n’est pas (encore) au bord de la banqueroute. « Il n’y a pas de problème de soutenabilité de la dette », a rassuré le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, sur BFM vendredi 22 mars. Appelant les observateurs à garder leur « sang froid », il a assuré que l’État « n’est pas en faillite » et ce, même si la Cour des comptes chiffre à 50 milliards les économies à réaliser pour atteindre l’objectif des 3 %.

Pierre Moscovici en veut pour preuve la stabilité dont la France fait l’objet sur les marchés obligataires. « La France est un pays sûr, dont la dette se place bien, et qui trouve des gens pour la financer », a-t-il fait valoir, expliquant que le montant du déficit affectera surtout sur la crédibilité de Paris dans la zone euro. En parallèle, des économistes notent que le chiffre que dévoilera l’Insee comporte également un angle mort : la « taxe inflationniste ». Sur le réseau social X, le polytechnicien François Geerolf, économiste à l’OFCE, détaille (pour les initiés) ce mécanisme qui, note Le Nouvel Obs, a pour effet d’alléger la dette. Or, cette « taxe inflationniste » mesurée par les économistes n’est pas prise en compte dans les indicateurs de l’Insee ni par ceux utilisés par Bruxelles.

Ce qui a pour conséquence d’alourdir la présentation du montant de la dette, puisque ce phénomène « n’apparaît pas dans les comptes officiels », souligne encore l’hebdomadaire, citant par ailleurs feu l’économiste Daniel Cohen : « Nous sommes arrivés à un point où les calculs qui sont proposés sont fondamentalement faux, ne donnent pas la vérité de ce qui est l’augmentation de nos déficits. Tous les économistes de la planète le savent. Il n’y a que le Parlement et les autorités à Bruxelles qui l’ignorent, c’est une tragédie ».

En attendant, c’est bien sur la base du chiffre qui sera annoncé par l’Insee que l’exécutif aura à composer pour réduire le déficit public, et répondre aux tirs groupés des oppositions qui accuseront le camp présidentiel d’aggraver les finances du pays.

À voir également sur le HuffPost :

Bruno Le Maire coupe court à cette idée de Yaël Braun-Pivet pour contrer le déficit

Supprimer les APL ? Le ministre des Comptes publics assure qu’il n’en est pas question