Débordée par l'afflux de réfugiés, l'Allemagne met en garde l'UE

BERLIN/MUNICH (Reuters) - Tout en se félicitant de l'arrivée d'un nombre record de demandeurs d'asile sur son territoire, l'Allemagne a prévenu lundi ses partenaires européens qu'ils devraient prendre en charge davantage de réfugiés. L'Allemagne a accueilli au cours du week-end quelque 20.000 migrants venus de Hongrie par le train, le car ou à pied et des centaines d'autres sont encore arrivés lundi en Bavière. "Je suis heureuse que l'Allemagne soit devenue un pays que beaucoup de personnes extérieures à l'Allemagne associent désormais à l'espoir", a déclaré la chancelière Angela Merkel lors d'une conférence de presse à Berlin. "C'est quelque chose de très appréciable, étant donné notre histoire." La chancelière a toutefois adressé une mise en garde aux pays membres de l'Union européenne qui refusent d'accepter un système de répartition contraignant des demandeurs d'asile à travers l'Europe, pour soulager les trois pays en première ligne, Italie, Grèce et Hongrie. Ce système de quotas, que le président de la Commission européenne doit détailler mercredi, est soutenu par Berlin, Paris et Rome mais rejeté par les pays d'Europe centrale. "Ce qui est inacceptable à mes yeux, c'est que certains disent qu'ils n'ont rien à voir avec ça. Cela ne fonctionnera pas sur le long terme. Il y aura des conséquences, même si nous ne le souhaitons pas", a averti Angela Merkel. A ses côtés, le vice-chancelier Sigmar Gabriel a estimé que le refus de certains Etats membres de prendre part au système des quotas menaçait l'espace Schengen et le principe de libre circulation à l'intérieur des frontières de l'UE. "Ce serait un coup dramatique porté à l'Europe sur le plan politique, mais aussi sur le plan économique, même pour ces pays qui disent ne pas vouloir fournir leur aide", a-t-il dit. "NOUS ATTEIGNONS NOS LIMITES" Christoph Hillenbrand, président du gouvernement de Haute-Bavière, une des circonscriptions formant le Land de Bavière, a déclaré que 2.500 nouveaux demandeurs d'asile étaient attendus lundi dans son district en provenance de Hongrie via l'Autriche. "Cela a désormais atteint un volume qui est déjà considérable", a-t-il dit à des journalistes à la gare de Munich. "Nous faisons de notre mieux pour créer de nouvelles places mais nous atteignons nos limites." Sur les 20.000 déjà arrivés au cours du week-end en Bavière, 4.000 ont été envoyés dans d'autres Länder en fonction d'un système de répartition instauré après la guerre, en 1949. Le responsable bavarois a ajouté que des autocars pouvant transporter un millier de personnes vers des villes du nord de l'Allemagne comme Dortmund, Hambourg, Braunschweig et Kiel avaient été mis à disposition par les autorités, mais que des migrants quittaient également à pied les centres d'accueil. "Il n'est plus possible de croire qu'on arrivera à enregistrer tout le monde", a-t-il dit. L'accueil exceptionnel offert par les autorités allemandes aux réfugiés est salué par les organisations des droits de l'homme et le Parti social-démocrate (SPD), partenaire de coalition du gouvernement, mais critiqué au sein même du camp conservateur par l'Union chrétienne-sociale (CSU), alliée bavaroise de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) d'Angela Merkel. "Aucune société ne peut faire face à cela", a estimé le chef de la CSU et ministre-président de Bavière, Horst Seehofer. "Le gouvernement fédéral a besoin d'un plan." Une majorité d'Allemands se disent prêts à accueillir les réfugiés. Des centres d'accueil sont régulièrement la cible d'attaques. A Rottenburg, dans le Land de Bade-Wurtemberg, cinq personnes ont été blessés dans un incendie visant un foyer de demandeurs d'asile. Un autre incendie sans doute volontaire est survenu à Rockensussra, dans le Land de Thuringe. Lors d'une réunion dimanche soir, les dirigeants de la coalition au pouvoir ont validé le déblocage de six milliards d'euros supplémentaires pour faire face à l'afflux de réfugiés. Ils ont également convenu d'accélérer les décisions sur les demandes d'asile, de réduire les aides financières versées aux premiers arrivants et d'élargir la liste des pays dits "sûrs", d'où les demandes d'asile seront automatiquement rejetées. "On ne peut pas prétendre que c'est une tâche mineure", a résumé Sigmar Gabriel. "Il faut être réaliste. Nous pouvons prendre en charge 800.000 demandeurs d'asile cette année, leur trouver des hébergements, et les aider à s'intégrer. Mais il faut que tout le monde comprenne que ça ne peut pas se répéter chaque année. Il nous faut une nouvelle politique européenne d'asile." (Paul Carrel à Berlin et Georgina Prodhan à Munich; Danielle Rouquié et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)