Le cycle du sel perturbé par l'Homme, une "menace existentielle"

Les auteurs d'une étude notent une salinisation de l'environnement qui concerne l'eau des rivières mais aussi les sols et même l'air que l'on respire.

Le sel utilisé pour éviter le gel des routes est notamment pointé du doigt / Photo d'illustration
Le sel utilisé pour éviter le gel des routes est notamment pointé du doigt / Photo d'illustration

L'activité humaine ne cesse de dérégler la planète. Une nouvelle preuve est apportée par une étude publiée dans la revue Nature, qui s'intéresse au cycle du sel et à l'impact de l'activité humaine. Selon ses auteurs, experts en géologie, génie civil ou santé publique, il existe un cycle terrestre du sel, de la même manière qu'il existe un cycle de l'eau, lui aussi gravement affecté par l'activité humaine.

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Ce cycle du sel est théoriquement naturellement réglé avec les processus géologiques et hydrologiques, qui amènent naturellement une quantité limitée de sels à la surface de la Terre sur de longues périodes. Mais l'activité de l'Homme a accéléré ce flux naturel, estiment les chercheurs, avec les domaines de l'agriculture, de la construction, en extrayant du sel des mines, avec le dessalement de l'eau de mer, ou encore en utilisant des sels de déneigement pour faire fondre la glace et la neige.

Le fléau du sel de déneigement

Par exemple, les États-Unis produisent chaque année 20 millions de tonnes de sels de déneigement, qui représente près de 13,9% du total des solides dissous qui pénètrent dans les cours d'eau américains. En France on estime entre 750 000 et 1,5 million de tonnes déversées sont chaque hiver déversées sur les trottoirs et les routes.

Le sel utilisé pour déneiger les routes peut brûler le feuillage des végétaux, provoquer un dessèchement au niveau des racines ou modifier les propriétés des sols. Lorsqu'il rentre dans le sol, il se retrouve dans les nappes phréatiques ou les cours d'eau, ce qui peut être nocif pour certains animaux.

La salinisation progressive des ressources d'eau douce

Par réaction chimique, il peut aussi "libérer" les métaux lourds présents sur les routes (plomb, zinc, aluminium), provenant notamment des carrosseries ou des pneumatiques, et entraîner leur dispersion dans la nature. Des alternatives comme le sable ou les copeaux de bois existent notamment.

Conséquence de cette accélération du cycle du sel, une salinisation progressive des ressources d’eau douce, qui pourrait avoir des conséquences dramatiques : les réserves mondiales d'eau sont menacées, ainsi que la production alimentaire et énergétique, mais également, et c'est plus surprenant, la qualité de l’air, la santé humaine et le fonctionnement actuel des infrastructures de nos sociétés actuelles.

Un milliard d'hectares de sol touché dans le monde

"Si vous considérez la planète comme un organisme vivant, lorsque vous accumulez autant de sel, cela peut affecter le fonctionnement des organes vitaux, c'est-à-dire les écosystèmes", explique notamment le géologue Sujay Kaushal de l’Université du Maryland, co-auteur de l’étude.

Selon eux, la salinisation affecte environ un milliard d'hectares de sol dans le monde. Les auteurs de l'étude recommandent des politiques visant à "limiter les sels de déneigement" ou à "encourager les solutions de remplacement".

Des pays limitent l'utilisation du sel de déneigement

Certains pays ont déjà commencer à restreindre, voire interdire, l'utilisation de sel de déneigement. En Autriche, il est interdit sur de nombreuses routes, la Finlande quant à elle alloue un quota de sel par contrat aux opérateurs qui peuvent bénéficier d'une prime s'ils en utilisent moins, tandis qu'au Canada, il existe un code de bonnes pratiques destiné aux gestionnaires de voirie avec l'objectif d'identifier les zones les plus vulnérables, comme la proximité de cours d'eau.

Plusieurs alternatives au sel de déneigement existent : le sable, les copeaux de bois ou, comme à Washington, le jus de betterave, qui a le même effet contre le gel que le sel, les effets néfastes sur les cours d'eau en moins.

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