Cru bourgeois

Dans la série les Revenants, dont la deuxième saison débute, il pourrait tenir la vedette. L’ex-«meilleur d’entre nous», selon l’expression de Jacques Chirac, avait trébuché deux fois, dans les urnes après un mouvement social irrésistible, devant les tribunaux pour une condamnation inévitable, même si d’autres auraient dû l’accompagner dans la sanction. Ce retour en force remplit un vide : la droite étant attirée par les thèmes du FN comme par un aimant, il fallait quelqu’un pour relever la vieille idée gaulliste et conservatrice. Avec son énergie proverbiale, Nicolas Sarkozy a décidé, selon ses propres mots, de faire dans le «gros rouge qui tache». Juppé le Bordelais propose son grand cru bourgeois. Du coup, il rallie la droite de la bienséance qui trouve Sarkozy décidément trop commun. C’est sa force : il y a en France une droite républicaine qui juge dangereux de jouer sans cesse avec la xénophobie d’une partie de l’opinion. Rejointe par les centristes, elle forme sur le papier un bloc électoral à vocation majoritaire. Mais c’est aussi sa faiblesse : la montée constante du nationalisme en France déplace vers la droite le centre de gravité de l’opposition. Chevauchant ces thèmes sulfureux, Sarkozy peut regagner dans une primaire ce qu’il semble perdre dans les sondages. Juppé ne serait alors qu’un Balladur maigre. Voyant le danger, les électeurs de gauche peuvent-ils se laisser tenter, trouvant chez Juppé le meilleur moyen d’éviter le FN et ceux qui lui courent après ? Ce serait une illusion : plus la campagne avancera, plus l’on verra que le maire de Bordeaux, aussi respectable et civilisé qu’il soit, reste un conservateur bon teint et un libéral fort classique. C’est à la droite de choisir son champion. La gauche doit surtout s’occuper de ses affaires, qui ne vont pas fort.

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Juppé peut-il s’imposer à droite ?
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