Critiques, salaire, racisme, IGPN... Une policière parisienne raconte le quotidien des forces de l'ordre

Salaire, racisme, réseaux sociaux, IGPN... Une policière parisienne témoigne

Dans la tourmente après de nombreuses affaires de racisme et de violences, les forces de l'ordre tricolores vivent une période trouble. Vanessa, une policière exerçant en région parisienne, nous livre son témoignage et n'élude aucun sujet.

"Si on m'avait dit il y a 15 ans que j'allais devenir gardien de la paix, j'aurais rigolé". Pour Vanessa, policière de 35 ans exerçant en région parisienne, travailler dans les forces de l'ordre n'a jamais été une vocation. "Mais ça l'est devenu", promet-elle, alors qu'elle entame aujourd'hui sa 6e année au sein de la police judiciaire, après un parcours universitaire ponctué d'un Master 2 en Droit et d'un diplôme de juriste d'entreprise.

Désormais spécialisée dans les enquêtes, Vanessa se rend régulièrement sur le terrain pour procéder à des interpellations pour "des vols, des violences, de l'escroquerie", et fait également du travail de bureau (auditions, interceptions téléphoniques, recherches...). "J'adore mon métier, confie-t-elle. J'aime le fait de chercher, de remonter des pistes, d'élucider des enquêtes, mais aussi et surtout d'être là pour les victimes, notamment les victimes d'attaques aux personnes".

Même si elle ne compte pas son temps au travail - "9h à 19h tous les jours, avec de nombreuses heures supplémentaires" et qu'elle ne fait pas son métier "pour l'argent", Vanessa aimerait toutefois que sa profession soit valorisée financièrement, à l'instar des soignants.

"Je gagne environ 2000 euros, précise-t-elle. Avec les risques que l'on prend, et les heures qu'on fait loin de nos familles, je pense qu'un petit plus serait bienvenu. Souvent, quand je rentre chez moi le soir, mon fils est déjà couché et parfois le matin, lorsque je procède à des interpellations, je dois me lever à 4h pour bosser, et il dort toujours. J'ai la chance de faire pas mal de bureau, mais nombre de mes collègues sont vraiment en première ligne, en permanence sur le terrain, avec le risque d’attraper le Covid-19. Eux devraient vraiment gagner plus".

“J'ai du mal à comprendre que la population déteste autant sa police. C'est vraiment dur à vivre”

En attendant une augmentation de salaire, Vanessa a trouvé un équilibre qui lui permet d'avoir du recul sur la profession, dans la tourmente depuis plusieurs mois, suite à de nombreuses affaires de racisme et de violences. "En ce moment, j'avoue que je ressens du dégoût avec tout ce qui se passe. Il y a des cons partout, même dans la police. Mais à la base ça reste un métier fait pour la population, un métier fait pour protéger les gens. J'ai du mal à comprendre que la population déteste autant sa police. C'est vraiment dur à vivre".

Exerçant dans une zone beaucoup moins "sensible" que "Paris 18/19/20 ou le 93 et le 95", Vanessa insiste sur le fait qu'elle se sent "privilégiée" par rapport à d'autres agents qui "en plus de faire des heures de fou sur le terrain, se font cracher dessus toute la journée". "J'ai des collègues proches dans la police - filles et garçons - qui rentrent à la maison en pleurant le soir, et qui ne dorment pas la nuit", confie-t-elle.

“Les réseaux sociaux nous font beaucoup de mal”

Pour elle, les réseaux sociaux sont clairement à l'origine des tensions actuelles. "Ils nous font beaucoup de mal, assure-t-elle. Sur Twitter ou Facebook (...) tout est relayé en permanence, et on voit souvent des photos ou vidéos sorties de leur contexte. Le public voit la fin d'une interpellation qui dégénère mais jamais le début, où les policiers se sont fait insulter pendant une heure, cracher dessus, ou lancer des pavés de 2 kilos qui pouvaient les tuer".

Parfois les bavures sont réelles - "je ne peux évidemment pas les cautionner", et les enquêtes sont confiées à l'IGPN, une police des polices elle aussi décriée, et accusée de complaisance puisqu'à l'intérieur du système. "Je n'ai jamais été confrontée à eux, mais j'ai des collègues extrêmement proches qui l'ont été, et je peux vous dire qu'ils n'ont pas fait les malins devant eux. Ils ne se sont pas dits : "ça va c'est des collègues je ne risque rien, ils ne vont jamais me piéger". Non, au contraire, chez nous, les membres de l'IGPN ne sont pas aimés".

”Il y a des tarés partout, dans la police comme chez les pompiers ou les profs, des gens qui sont nés comme ça, racistes par nature”

Concernant le racisme, Vanessa assure ne pas le vivre au quotidien - "dans mon service, on a des Blancs, des Arabes, des Noirs, des Chinois, donc c'est compliqué d'être raciste au sein d'une police aussi mélangée" - mais elle ne se voile pas la face : "du racisme il y en a sûrement ailleurs. Il y a des tarés partout, dans la police comme chez les pompiers ou les profs, des gens qui sont nés comme ça, racistes par nature. Personnellement, je ne vote pas extrême droite, mais il faut se poser la question : pourquoi les gardiens de la paix basculent-ils dans le racisme ?".

Pour elle, aujourd'hui, le "laxisme" fait beaucoup de ravages. "Il y a un vrai problème avec la justice, estime-t-elle. Tous les jours, les policiers arrêtent les mêmes mecs et que tous les jours ils sont dehors parce que la justice ne prend pas de décision”, déplore-t-elle.

Selon Vanessa, le futur ne s'annonce pas forcément radieux. "Je suis assez pessimiste, se désole-t-elle. Parfois, il peut m'arriver d'avoir des coups de colère quand je vois que la population déteste autant la police. Dans moments-là, j'aimerais bien que pendant une semaine les agents n'interviennent pas, histoire que les gens voient à quel point on est utile, mais ce n'est pas la solution".