Critiqué pour son déplacement tardif aux Antilles, Lecornu "assume cette méthode"

Le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu s'adresse à la presse le 29 novembre 2021 à Pointe-à-Pitre - Christophe ARCHAMBAULT © 2019 AFP
Le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu s'adresse à la presse le 29 novembre 2021 à Pointe-à-Pitre - Christophe ARCHAMBAULT © 2019 AFP

Le déplacement d'un seul jour et jugé tardif de Sébastien Lecornu en Guadeloupe dimanche dernier n'a pas fait l'unanimité. Alors que les habitants et les syndicats regrettent cette visite éclair qui n'a pas permis d'aboutir à l'apaisement des tensions sur l'île, le ministre des Outre-mer a estimé ce jeudi matin sur Europe 1 avoir suivi "la bonne méthode".

"Ne pas céder aux pressions politiciennes parisiennes"

"J'assume cette méthode de ne pas céder aux pressions politiciennes parisiennes. J'avais donné mandat aux préfets, dans les deux territoires, de nouer un dialogue locale. En Martinique ça a fonctionné. (...) On ne peut pas dire 'le terrain', 'la proximité' toutes les cinq minutes et ne pas laisser sa chance à un dialogue local", a fait valoir le ministre.

"Je connais les Outre-mer, il ne faut pas se moquer d'eux. (...) Pendant des années, des ministres ont fait des allers-retours spectacles en Outre-mer, avec des annonces de tarmac, en voulant seulement montrer à l'Hexagone qu'on s'occupait de la crise, et en détournant ensuite les talons en laissant les choses pourrir sur place, en faisant des chèques et des annonces qui n'étaient pas suivies d'effets", a-t-il encore avancé.

Le sénateur PS de Guadeloupe Victorin Lurel a, lui, fustigé "le choix délibéré d'une visite express" sur France info. Et pour cause. La rencontre entre le ministre, une délégation de 20 syndicalistes et les élus locaux a tourné court après seulement 10 minutes d'échange.

"L'intersyndicale refuse la main tendue du gouvernement"

"La vérité, c'est que l'intersyndicale refuse la main tendue du gouvernement et demande l’amnistie pour celles et ceux qui ont tenté de tuer des policiers ou des gendarmes. Quel est le lien entre obligation vaccinale ou le fait d’avoir vidé un chargeur dans la portière d’un véhicule de la police? Elie Domota (ancien secrétaire général du principal syndicat guadeloupéen et leader du LKP, qui a multiplié les appels à la grève ces derniers jours NDLR) demande l'amnistie de toutes les personnes arrêtées mais ce n'est pas possible", s'est justifié le ministre.

"Des membres du RAID qui ont l'habitude des situations très difficiles m’ont confié n'avoir jamais vu une telle violence depuis si longtemps", a t-il encore ajouté. Une cinquantaine de gendarmes et de policiers ont été blessés et plus de 150 interpellations ont eu lieu depuis le début des troubles sur l'île la semaine dernière.

876450610001_6284400162001

"Dialogue social" sur le calendrier de l'obligation vaccinale

Alors que le mouvement de contestation est né de l'obligation vaccinale pour les soignants et les pompiers, il s'est ensuite étendu à des revendications politiques et sociales, notamment contre la vie chère et les coupures d'eau quotidiennes. D'après l'INSEE, les prix de l'alimentaire sont 38,2% plus élevés aux Antilles qu'en métropole.

Le ministre a quitté la Martinique mardi soir, dans laquelle il s'était rendu après la Guadeloupe. En fin de visite, il a promis d'ouvrir les discussions sur "l'adaptation des modalités d'application de la loi sur l'obligation vaccinale", déjà reportée du 15 novembre au 31 décembre.

"Pourquoi cette adaptation? Très concrètement, on a besoin que l'hôpital de Fort-de-France tienne. Les taux n’ont jamais diminué dans les territoires ultramarins. Donc le principe et la loi c’est l’obligation vaccinale, mais qu’il faille un dialogue social sur le calendrier entre le ministère des Solidarités et de la Santé et ces agents de la fonction publique hospitalière, je dis oui", a encore estimé Sébastien Lecornu.

"Si ce n'est pas un débat sur l'autonomie, je ne sais pas ce que c'est"

Dernier sujet chaud du déplacement du ministre aux Antilles, la question de l'autonomie. Avant de se rendre sur place dimanche, il avait annoncé dans un message sur Twitter que le gouvernement était "prêt" à évoquer la question d’une autonomie renforcée sur l’île, si cela pouvait permettre de "résoudre les vrais problèmes du quotidien des Guadeloupéens". Si cette annonce a été sévèrement jugée par les oppositions, le ministre persiste et signe.

"Quand vous avez des élus guadeloupéens qui vous disent, alors qu’ils sont parlementaires, qu'il faut que ce soit les Guadeloupéns qui décident pour la Guadeloupe, (...) si ce n'est pas un débat sur l’autonomie, c'est quoi? (...) Les mêmes dans l'Hexagone qui ne nous parlent que de 'république des territoires', mais quand c'est pour l'Outre-mer, cette décentralisation poussée à l'extrême serait du cynisme. Ou alors il faut aller juste au bout et dire que les élus ultramarins ne sont pas capables d'assumer ces responsabilités, je ne le pense pas", a analysé Sébastien Lecornu.

La proposition de Sébastien Lecornu a en outre réveillé les velléités d’autonomie de la Corse. Jean-Félix Acquaviva, député de Haute-Corse, a ainsi lancé samedi un "appel solennel à un processus similaire en Corse" à celui proposé en Guadeloupe sur son compte Twitter.

Article original publié sur BFMTV.com