Crise en Haïti : évacuation de diplomates, réunion de crise… Le point sur la situation dans les Caraïbes

Dépassée par les gangs armés, la police locale tente de maintenir l’ordre dans les rues de la capitale Port-au-Prince, tombée en grande partie aux mains de ceux qui réclament la démission d’Ariel Henry.
CLARENS SIFFROY / AFP Dépassée par les gangs armés, la police locale tente de maintenir l’ordre dans les rues de la capitale Port-au-Prince, tombée en grande partie aux mains de ceux qui réclament la démission d’Ariel Henry.

INTERNATIONAL - Bien qu’absent, le Premier ministre Ariel Henry refuse de céder le pouvoir et laisse 11 millions d’habitants à la merci des gangs armés. Face à cette situation critique en Haïti, une réunion de crise a lieu ce lundi 11 mars en Jamaïque pour tenter de trouver une porte de sortie après un nouveau week-end de violence exacerbé entre gangs et force de police dans la capitale Port-au-Prince.

Crise en Haïti : comment les gangs armés s’emparent du pays et le plongent dans le chaos

De quoi conduire la Communauté des Caraïbes (Caricom) à convier l’ONU et plusieurs représentants internationaux tels que la France ou les États-Unis pour « chercher à ramener l’ordre et à redonner confiance au peuple haïtien ».

Une tâche qui s’annonce difficile, compte tenu du pouvoir exercé par les bandes armées qui contrôlent désormais une grande partie du pays, dont la capitale déclarée en « état de siège » par Philippe Branchat, chef pour Haïti de l’Organisation internationale pour les migrations.

· Réunion de crise

« Les criminels ont pris le contrôle du pays. Il n’y a pas de gouvernement, c’est en train de devenir une société en faillite », avait résumé avec lucidité dimanche le vice-président du Guyana Bharrat Jagdeo. Les espoirs reposent donc sur cette réunion qui semble désormais essentielle après un week-end où la police locale a encore été débordée par les gangs armés.

Jugée « désastreuse », la situation en Haïti a permis de réunir les États-Unis, le Canada, le Brésil, la France et l’ONU autour de la table.

Proche d’Haïti, la Jamaïque accueille une réunion urgente avec l’ONU et plusieurs pays pour envisager une solution à la crise haïtienne.
Google Maps Proche d’Haïti, la Jamaïque accueille une réunion urgente avec l’ONU et plusieurs pays pour envisager une solution à la crise haïtienne.

Mais outre la nécessité de mettre en place une mission de sécurité internationale pour répondre à l’action des gangs, les membres du Caricom (qui tentent déjà depuis plusieurs mois d’obtenir une transition gouvernementale avec le Premier ministre au pouvoir, Ariel Henry), cherchent à négocier une sortie de crise. Mais la tendance n’est pas à l’optimisme comme le confirmait la Caricom avant le week-end en déclarant que « les parties prenantes ne sont pas encore là où elles doivent être ».

· Les diplomates fuient la capitale

Ces deux derniers jours ont surtout permis aux gangs d’accroître leur pression sur la capitale haïtienne. Comme le rapportent The Guardian et la BBC, au moins trois commissariats ont été attaqués, ainsi que le Palais national et le ministère de l’Intérieur à l’aide de cocktails Molotov. Des opérations menées après celle d’ampleur contre l’aéroport international, désormais fermé à tous les vols.

Une aggravation qui a contraint de nombreux pays occidentaux à rappeler leurs ambassadeurs. C’est le cas des États-Unis, très inquiets des répercussions régionales si Haïti tombe entièrement aux mains des milices. Washington a donc évacué dimanche son personnel non essentiel de Port-au-Prince avant de « mener une opération destinée à renforcer la sécurité » de son ambassade.

Ce lundi, c’est l’Union européenne qui a annoncé l’évacuation de son personnel et la réduction de ses activités sur le terrain. La veille, Berlin avait indiqué que la diplomatie allemande et des représentants de la délégation de l’UE avaient quitté Port-au-Prince pour la République dominicaine, avec qui Haïti partage son territoire insulaire.

· État d’urgence prolongé

Avant les événements du week-end, les autorités haïtiennes avaient tenté d’imposer de nouvelles règles de sécurité jeudi en prolongeant l’état d’urgence dans le département de l’Ouest (où se trouve la capitale) pour une période d’un mois. Un couvre-feu nocturne avait aussi été instauré jusqu’à ce lundi, sans grand succès. La situation est telle que le port principal de la capitale est dans la même situation que l’aéroport international Toussaint Louverture, totalement à l’arrêt.

Une situation que l’on doit aux gangs, qui s’en prennent aux lieux de pouvoir, aux prisons et aux sites stratégiques de Port-au-Prince pour accroître leur contrôle sur la ville et les routes menant au reste du territoire. Selon la BBC, les gangs contrôlent plus de 80 % de Port-au-Prince.

· Ariel Henry persona non grata

Le pays, actuellement sans président ni parlement, est dirigé par le Premier ministre Ariel Henry depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021. Mais Ariel Henry aurait dû quitter son poste depuis le 7 février. Refusant de céder sa place, il avait accepté d’organiser des élections générales d’ici la mi-2025. Une proposition jugée ridicule par les gangs et la population, dont une partie est farouchement opposée à son maintien au pouvoir.

Il refuse surtout de négocier pour former un gouvernement d’unité avec les partis d’oppositions et les groupes de la société civile, ce que cherchent pourtant à négocier les pays réunis en Jamaïque. Ariel Henry est d’ailleurs dans l’incapacité de retourner dans son pays, qu’il avait quitté pour le Kenya avant le début des violences le 29 février.

Refoulé de la République dominicaine qu’il avait initialement tenté de rejoindre, il se trouverait encore à Porto Rico où il est bloqué depuis mardi. Mais les États-Unis, qui échangent avec lui, craignent que son retour sur l’île -même pour opérer une transition avec un nouveau gouvernement- ne déstabilise encore davantage un pays qui demande son départ.

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