Crise au Niger: que va-t-il se passer après l'expiration de l'ultimatum lancé aux putschistes?

Crise au Niger: que va-t-il se passer après l'expiration de l'ultimatum lancé aux putschistes?

Le Niger est plongé dans l'inconnu. Depuis ce dimanche soir minuit, le pays, sous la main des putschistes depuis le 26 juillet, attend de voir si la Cédéao franchit le pas d'une intervention militaire armée comme elle l'avait annoncée.

Il y a plus d'une semaine, les États membres de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest, soutenus par la France, avaient donné sept jours aux séditieux pour rendre les armes et rétablir le président Mohamed Bazoum. Un délai désormais dépassé.

Mais l'incertitude demeure sur la mise en oeuvre d'une telle intervention. Pendant trois jours, les chefs d'Etat-major de l'organisation se sont réunis au Nigéria pour discuter les contours de l'intervention militaire. Une préparation qui fait aussi office de dissuasion comme l'explique à BFMTV Arthur Banga, maître de conférence en histoire militaire.

"Il faut comprendre que la préparation d'une opération militaire, ou une opération militaire elle-même, fait partie d'un arsenal dissuasif, c'est-à-dire qu'on fait comprendre à l'ennemi en face qu'il y a une vraie détermination. Et si c'est perçu, on peut toujours se retirer avec une solution négociée".

Une intervention à haut risque

Si la Cédéao semble prête à intervenir - des armées comme le Sénégal et la Côte d'Ivoire se sont dites volontaires pour y participer -, une intervention armée présente un risque élevé.

"Il y a tous les risques qui planent sur cette opération", analyse au micro de BFMTV Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute. "D'abord sur les chances de sa réussite, ou sur le fait de savoir si l'armée nigérienne va s'allier aux putschistes ou va laisser faire."

Le risque est aussi de dégrader la situation sécuritaire dans le pays et dans la région du Sahel, déjà instable et en proie aux mouvements jihadistes.

"Si le président Bazoum n'est pas rétabli dans ses fonctions, c'est d'abord un chaos institutionnel qui s'installera [...]. Les pays occidentaux vont couper toutes leurs aides militaires, économiques et financières. On va assister à une dégradation de la situation sécuritaire, et même humanitaire, qui va profiter aux jihadistes", commente Nicolas Normand, ancien ambassadeur de France au Mali, au Congo et au Sénégal, invité dimanche sur notre plateau.

Autant de raisons qui poussent de nombreux pays de la région à souhaiter une issue diplomatique à cette situation. Comme le Nigéria ou encore l'Algérie qui craint "une menace pour son pays" et que "tout le Sahel (ne) s'embrase" en cas d'intervention.

"Tout porte à croire que l'ultimatum va être prolongé", estime Ousmane Ndiaye, rédacteur en chef Afrique à TV5 Monde. Il note d'ailleurs que "la Cédéao avait donné 7 jours, mais l'Union Africaine, qui est l'instance panafricaine qui regroupe tous les pays, avait donné 15 jours."

De plus, selon la presse nigériane, une majorité de sénateurs du Nigéria ont exprimé leur opposition à une opération militaire, lors d'une réunion à huis clos. Or, selon la Constitution du pays, les forces de sécurité ne peuvent combattre à l'étranger sans l'aval préalable du Sénat, sauf exception en cas de "risque imminent ou danger" pour la sécurité nationale.

Des putschistes déterminés

Effet dissuasif ou réelle menace? Peu importe pour les putschistes qui se tiennent prêts et qui n'ont montré aucune volonté de céder leur place. Ils ont annoncé dimanche la fermeture de l'espace aérien du Niger.

"Face à la menace d'intervention qui se précise à partir des pays voisins, l'espace aérien nigérien est fermé à compter de ce jour dimanche (...) jusqu'à nouvel ordre", indique un communiqué qui précise que "toute tentative de violation de l'espace aérien" entraînera "une riposte énergique et instantanée".

Dans un autre communiqué, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP, qui a pris le pouvoir) affirme qu'un "prédéploiement pour la préparation de l'intervention a été faite dans deux pays d'Afrique centrale", sans préciser lesquels. "Tout État impliqué sera considéré comme cobelligérant", ajoute-t-il.

Soutenus par une partie de la population

L'objectif des putschistes est clair: montrer qu'ils ne vont rien lâcher. Ils se savent soutenus par leurs homologues du Mali et du Burkina Faso - également arrivés au pouvoir par des putschs en 2020 et 2022 - mais aussi par une partie de la population. Ce dimanche, quelque 30.000 personnes se sont réunies dans le stade de Niamey, le plus grand du pays, brandissant des drapeaux du Niger, de la Russie et du Burkina Faso.

Devant une foule en liesse, le général Mohamed Toumba, un des dirigeants du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), a dénoncé ceux "qui sont tapis dans l'ombre" et qui "sont en train de manigancer la subversion" contre "la marche en avant du Niger". "Nous sommes au courant de leur plan machiavélique", a-t-il dit en assurant à ses partisans que "[leur] engagement et [leur] détermination ne seront pas trahies".

"Les militaires veulent prouver au monde et se prouver à eux-mêmes que le peuple est avec eux, et qu'ils seront unis d'une seule voix contre une menace extérieure", commente Ousmane Ndiaye, rédacteur en chef Afrique à TV5 Monde. Une stratégie de dissuasion des deux côtés de l'échiquier donc.

Article original publié sur BFMTV.com