« Des cris dans le stade », sur France 5, illustre comment l’extrême droite alimente le racisme dans le foot

En Italie, où le parti d’extrême droite de Giorgia Meloni est au pouvoir, le racisme dans les stades se débride encore davantage. Un phénomène qui s’étend aux pays où les idées d'extrême droite s’imposent progressivement dans la société.
TIZIANA FABI / AFP En Italie, où le parti d’extrême droite de Giorgia Meloni est au pouvoir, le racisme dans les stades se débride encore davantage. Un phénomène qui s’étend aux pays où les idées d'extrême droite s’imposent progressivement dans la société.

FOOTBALL - Un document de circonstance. À seulement trois jours du coup d’envoi de l’Euro 2024 organisé en Allemagne et alors que les européennes viennent d’entériner de nouveaux succès électoraux pour l’extrême droite, France 5 diffuse ce mardi 11 juin à 21h un documentaire sur la manière dont le racisme, et plus largement la pensée extrémiste, se sont immiscés dans les stades européens.

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Des cris de singe contre Basile Boli à l’époque du grand Auxerre de Guy Roux à la fin des années 1980 en passant par l’interruption du match PSG-Basaksehir Istanbul le 8 décembre 2020, sans oublier le plan Leproux ou les insultes racistes contre le champion du monde Samuel Umtiti après son arrivée en Italie en 2022, les exemples de racisme ne manquent pas dans l’histoire récente du ballon rond.

Deux jours seulement après la nette victoire de l’extrême droite en France, le constat établi par l’enquête du journaliste Mohamed Bouhafsi illustre avec force ce mal qui gangrène le football dans l’Hexagone, en Allemagne, mais aussi et surtout en Italie.

Tête de gondole du racisme dans le foot

Dans un pays où l’extrême droite, portée par Giorgia Meloni, est au pouvoir, de nombreux exemples démontrent que le football fonctionne comme une caisse de résonance de la société. Et dans un pays ou les joueurs d’origine étrangère ont attendu la décennie 1990 avant de se frayer un chemin dans le championnat national, force est de constater que les triomphes électoraux de la Première ministre ont entraîné une montée en puissance des idées portées par son parti.

« Devenue une terre d’immigration » à la fin des années 80, comme le raconte Sébastien Louis, historien spécialiste du supportérisme, l’Italie a progressivement vu les tifosi de gauche quitter les stades, laissant une large place à la frange la plus extrême. Croix celtiques, croix gammées et rhétorique raciste se sont alors invitées sans complexe dans les stades. Tout particulièrement du côté de la Lazio de Rome, l’un des deux grands clubs de la capitale.

Favorisé par une impunité quasi mafieuse, ce climat favorable au racisme perdure. Raison pour laquelle un joueur comme le Sénégalais Demba Ba assure face caméra qu’il a toujours refusé de signer en Italie. « Est-ce que tu resterais dans un endroit où tu n’es pas apprécié ? », lance-t-il à Mohamed Bouhafsi, à propos de ce positionnement rare et vieux de 2013, au nom duquel il a appelé les joueurs noirs à quitter la Serie A.

Salvini, ministre et quasi ultra

Et à entendre certains spécialistes du supportérisme, les choses ont empiré depuis sa prise de position. Or des personnalités politiques de premier plan comme Matteo Salvini, désormais vice-président du Conseil des ministres, ne sont pas étrangères à ce triste constat.

« Le contexte actuel fait que certains groupes peuvent se lâcher encore davantage », estime dans le documentaire Philippe Broussard, journaliste et auteur d’un livre majeur sur le sujet (Génération supporter, ed. So Press). Il va même encore plus loin en évoquant l’attitude de ce même Salvini, grand admirateur de l’AC Milan, qui « par son langage, sa manière d’être, est très ultra », comme il l’explique, en référence à ces supporters particulièrement actifs qui passent le match à animer les tribunes et qui défendent à l’extrême les couleurs de leur club.

Une image renvoyée par les décideurs politiques italiens qui favorise le lâcher prise dans les stades, à l’instar du comportement des fans de la Lazio envers Samuel Umtiti le 4 janvier 2023. En bon « miroir déformant de la société », le stade de football peut difficilement se passer de racisme quand le gouvernement au pouvoir prône des idées d’extrême droite, conclut le journaliste.

La France, l’Allemagne et les autres…

Si l’Italie est une figure de proue de ce mouvement, force est de constater qu’à l’aube du championnat d’Europe qui sera disputé en Allemagne en ce début d’été, le sujet du racisme aura une place spéciale à l’Euro. Ce qui a déjà commencé au sein de l’équipe hôte de la compétition, alors que l’extrême droite allemande de l’AfD est arrivée deuxième du scrutin européen, devançant les sociaux-démocrates du chef de gouvernement Olaf Scholz.

Un résultat dans les urnes qui s’illustrait avant même l’élection par ce sondage sur la Mannschaft : parmi les 1 304 Allemands interrogés par la chaîne de télévision publique ARD, 21 % répondaient « oui » à la question « Faut-il plus de joueurs blancs en sélection ? ».

Et de notre côté du Rhin aussi, ce climat existe. Le cas de certains groupes de supporters, à l’image de ceux de l’Olympique lyonnais, continue d’illustrer ce que beaucoup dénoncent depuis longtemps autour de ce club, comme d’autres : le laisser-aller des dirigeants français, peureux ou du moins réticents à l’idée de faire le ménage en tribune.

Mais force est de constater que le football n’a pas besoin de dirigeants d’extrême droite pour laisser proliférer les pires idées. Dans des pays où l’extrême droite reste marginale, le racisme trouve toujours un chemin vers les stades. C’est le cas en Espagne, où le meilleur exemple reste celui de Vinicius Jr., star du Real Madrid et victime régulière des supporters racistes.

D’ailleurs, la veille de la diffusion du documentaire de France 5, trois supporters du club de Valence ont écopé de huit mois de prison et deux ans d’interdiction de stade. Une condamnation saluée par le Real Madrid comme une « première pour des faits de cette nature » en Espagne. Preuve que le racisme à la peau dur, mais qu’il peut être combattu, à condition de ne pas le prendre à la légère. Comme l’extrême droite en somme.

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