Cris de singe et saluts nazis: une enquête ouverte après une série d'agressions racistes à Bordeaux

Les images de l'agression survenue dans une rue bordelaise dans la nuit de vendredi à samedi, filmée par des voisins témoins de la scène. - Nikola Dobric - Twitter
Les images de l'agression survenue dans une rue bordelaise dans la nuit de vendredi à samedi, filmée par des voisins témoins de la scène. - Nikola Dobric - Twitter

Un groupe d'une dizaine d'individus, soupçonnés de faire parti du mouvement d'extrême droite Bordeaux Nationaliste, s'en sont pris verbalement et physiquement à des riverains du quartier Saint-Michel de Bordeaux dans la nuit de vendredi à samedi. Des témoins ont raconté à BFMTV.com la scène surréaliste à laquelle ils ont assisté ce soir-là.

"Je suis descendu quand j'ai entendu leurs cris de singe et quand j'ai vu qu'ils s'en prenaient à des jeunes filles qui passaient". Dans la nuit de vendredi à samedi, vers 2 heures du matin, Amin a été violemment agressé par un groupe d'une quinzaine d'hommes, après être descendu de chez lui, interpellé par leurs cris. Saluts nazis, insultes à caractère raciste, jets de pierre, jets de bombe lacrymogène... des vidéos filmées par des témoins de la scène montrent des individus s'en prendre aux riverains et scander à tue-tête le nom "Bordeaux Nationaliste", un mouvement d'extrême droite.

Le mouvement, lui, s'est défendu ce lundi dans une publication Facebook, estimant que 9 de ses membres étaient victimes de "fausses accusations de ratonnades". Selon lui, aucune plainte n'a été déposée. Une enquête pour "coups et blessures volontaires avec arme sans ITT" a toutefois été ouverte par le parquet de Bordeaux.

"Quand j'ai vu l'attroupement, je me suis approché pour voir ce qui se passait, avec d'autres riverains. Ils scandaient 'Bordeaux nationaliste', faisaient des cris de singe, des signes nazis, ils me disaient 'sale algérien, sale arabe'". Des 'à mort Mélenchon, à mort les antifas'. Ils passaient à côté des gens et leur disaient 'tu votes pour qui?'. Et quand certains répondaient Mélenchon pour provoquer, ils s'en prenaient une".

"Pour qui tu votes ?"

"C'était une descente, un passage à tabac", raconte ce Bordelais de 36 ans, qui se souvient s'être "pris des coups" et des jets de "bombe lacrymogène dans le visage" en essayant de leur répondre, sans se souvenir précisément de tout à cause du "chahut" qui a selon lui duré 5-10 minutes. "Plus tard, j'ai vu des vidéos sur lesquelles je me prends des coups, je ne me souvenais même pas de tout. J'ai juste senti le lendemain que j'avais mal partout".

Après avoir réussi à "les faire fuir tant bien que mal", Amin rentre finalement chez lui. "J'ai très peu dormi cette nuit-là, et aujourd'hui encore j'en dors très mal, j'ai des douleurs aux cotes, je compte voir mon médecin demain (mardi)". À ce jour, il ne compte pas porter plainte.

Ce soir-là, Arnaud* rentrait de soirée avec un collègue quand il a croisé la route du groupe qui remontait des quais vers la place Saint-Michel. "Ils sont arrivés en chantant 'Antifa, antifa, on t'encule', 'Mélenchon fils de pute', ou 'Bordeaux Nationaliste'", raconte à BFMTV.com le jeune homme de 22 ans. "Puis ils ont commencé à demander à mon collègue pour qui il votait, en lui disant 't'as une tête à voter pour Mélenchon' et en s'approchant de lui".

Cet habitant du quartier se souvient que l'un d'eux a ensuite "pris la main de son collègue de manière forcée tout en continuant à crier 'il faut voter Zemmour, Macron il vous encule'". Si les deux hommes ont poursuivi leur route, ils racontent que le groupe a continué la sienne en chantant à mesure qu'il se rapprochait de la place Saint-Michel.

"Dès qu'ils voyaient des gens, ils allaient les provoquer, essayer de leur chercher des problèmes. Ils étaient agressifs dès que quelqu'un n'était pas forcément d'accord avec eux", poursuit cet homme, qui se souvient que "tous les passants étaient choqués". "C'est quelque chose qu'on avait jamais vu ici", ajoute-t-il.

Une enquête ouverte par le parquet de Bordeaux

Marc*, lui, est l'auteur d'une des vidéos de la scène qui circule beaucoup sur les réseaux sociaux. Cette nuit-là, le jeune homme a été réveillé par les cris du groupe qui passait sous ses fenêtres, à l'angle entre la rue des Menuts et la rue Dabadie. "Ils criaient tellement fort que ça nous a réveillé avec mon colocataire. On n'a pas vu le début mais on a pu les voir agresser et provoquer des passants, leur dire des 'casse toi', imiter des cris de singe, déblatérer des insultes racistes. Et ça pendant au moins 30 minutes".

Le jeune homme de 25 ans se souvient, tout comme Amin, avoir vu de jeunes hommes pour la plupart habillés en noir, qui scandaient distinctement "Bordeaux Nationaliste" et jetaient des bouteilles en verre à travers la rue. "Ils avaient des extincteurs, des gants coqués de moto, certains étaient cagoulés", ajoute encore Amin.

Les trois hommes interrogés ont confié leur stupeur à BFMTV.com. "Ça m'a vraiment étonné, je n'avais jamais vécu rien de tel avant", appuie le trentenaire. "Je suis complètement choqué de voir ça en 2022, surtout dans un quartier aussi cosmopolite que Saint-Michel où je n'avais jamais subi aucune violence avant. Ça n'était pas juste des jeunes alcoolisés qui disaient n'importe quoi, là il y avait une volonté politique, ils les répétaient et avaient l'air de bien savoir ce qu'ils faisaient".

"Ça m'a fait peur", abonde Marc. "Dans un contexte de montée de l'extrême droite, ça fait bizarre de voir défiler un groupe comme ça défiler de manière aussi décomplexée dans les rues d'un quartier comme Saint-Michel".

La Ligue des droits de l'Homme Gironde a dénoncé, dans un communiqué, "une expédition punitive", tout en rappelant que plusieurs personnes avaient été agressées le 12 juin dernier pendant la Marche des fiertés de Bordeaux et victimes de propos à caractère homophobes.

* Le prénom a été changé, le témoin ayant souhaité conserver l'anonymat.

Article original publié sur BFMTV.com

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