Physique atypique et lunettes improbables: Robbie Avila, ce phénomène qui enflamme l'Amérique

Mettez de côté toute l’image que vous vous faites d’un basketteur américain. Une fois tous ces clichés oubliés, vous êtes prêt à faire la connaissance de Robbie Avila, un jeune homme à part qui enflamme les Etats-Unis depuis plusieurs semaines.

Un simple coup d'œil à la (longue) liste de surnoms dont il a hérité suffit à comprendre l’ampleur du phénomène. Ses lunettes lui donnent des faux airs de Kareem Abdul-Jabbar? L’Amérique entière s’amuse à l’appeler "Cream Abdul-Jabbar" (le "Abdul-Jabbar blanc"). Il est le premier joueur à mettre l’Université d’Indiana State sur le devant de la scène depuis Larry Bird? Allons-y pour "Larry Nerd", clin d'œil à cet anglicisme utilisé pour désigner les personnes férues d’informatique. Son jeu et sa dégaine font immédiatement penser à Nikola Jokic? Adjugé pour "Baby Joker", "Baby Jokic" ou "College Jokic".

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"Un QI basket incroyable"

Avec son physique à part, aux antipodes des silhouettes ultra athlétiques que l’on a l’habitude de croiser sur les parquets américains, Robbie Avila est devenu une véritable mascotte du championnat universitaire. Mais si les Etats-Unis se prennent de passion pour lui, ce n’est pas simplement à cause de son allure si particulière.

Âgé de 20 ans (il les a fêtés le 20 septembre dernier), le pivot de 2,08m pour 110 kg est avant tout un basketteur plus que sérieux. Meilleur marqueur de son équipe, il tourne à 17,6 points, 6,9 rebonds et 3,9 passes de moyenne par match. Plaque tournante d’Indiana State, il brille par sa polyvalence et son intelligence de jeu. "Il pense comme un meneur de jeu. Il passe comme un meneur de jeu. Et il a le niveau de maturité qu’on ne voit tout simplement pas à son âge", dit de lui son entraîneur, Josh Schertz.

"Il est remarquablement intelligent. Il peut prendre un rebond et mener l'attaque. Le jeu offensif peut tourner autour de lui. Il peut s’éloigner du cercle et tirer à 3 points. Il a un QI de basket incroyable", insiste le coach Michael Lewis, qui a croisé sa route en championnat avec l’Université de Ball State.

Jeu à la Jokic

Tout cette description renvoie inévitablement à Nikola Jokic, pas le plus athlétique des pivots - voire même plutôt pataud aux premiers abords - mais diablement efficace et polyvalent en attaque. La filiation est évidente.

"C'est vraiment quelqu'un que j'admire", valide Robbie Avila. "Jokic est un grand homme qui peut jouer aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. J'essaie de m'inspirer de sa capacité à créer."

Autant capable de dominer à l’intérieur qu’à l’extérieur, avec plus de 43% de réussite à trois points et 56% au tir, le principal intéressé se définit lui-même comme un mélange de Nikola Jokic, Domantas Sabonis et Kevin Love. "C'est le meilleur joueur de la Missouri Valley (la division où évolue Indiana State, NDLR). Il peut passer, tirer, dribbler. Peu de grands peuvent faire ce qu’il peut faire. C'est une bénédiction de jouer avec lui", encense Jayson Kent, l'un de ses coéquipiers.

Une fois ce portrait dressé, impossible de ne pas s’attarder sur ses aptitudes physiques, forcément pointées du doigt lorsque l’on évoque une potentielle carrière professionnelle du jeune homme. "Mes qualités athlétiques vont me nuire un peu", concède Robbie Avila. "Je ne peux pas sauter aussi haut ou bouger aussi vite, je dois travailler là-dessus." Pour tenter de dissimuler cette faiblesse, le pivot peut compter sur son passé de footballeur américain, qui lui a permis d’acquérir de la fluidité dans ses mouvements.

"Mes points forts sont ma capacité à créer de l'espace au sol. Parfois, je me lance, je fais un mouvement et l'adversaire se dit: 'Joli mouvement, je ne m'attendais pas à ça'. J'ai des mouvements ici et là, je surprends même parfois mes entraîneurs avec certaines choses que je fais."

Les lunettes, une marque de fabrique

Dernier élément de son attirail, bien éloigné de toute considération purement basketballistique: ses lunettes. Elles font partie intégrante du personnage, jusqu’à devenir sa marque de fabrique. Robbie Avila ne passe pas une seule seconde sur le parquet sans cette épaisse monture noire à la Fabien Galthié.

Selon Sports Illustrated, il les a même portées pendant deux ans dans la vie de tous les jours après avoir cassé une énième paire de lunettes lors d’une bagarre en 8e année (l’équivalent de la classe de 4e en France). Lassée de racheter sans cesse de nouvelles paires, sa maman en avait décidé ainsi.

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"Ce n'est évidemment pas la chose la plus tape-à-l'œil", sourit Robbie Avila dans les colonnes de Sports Illustrated. Habitué à porter ces grosses lunettes noires sur le terrain depuis son passé de footballeur américain ("Je ne peux vraiment rien voir sur le terrain sans elles"), il en est devenu une sorte d’ambassadeur. "Si quelqu'un peut m'utiliser comme plate-forme pour les enfants qui ne sont pas sûrs de les porter sur le terrain, c'est une bénédiction", assure-t-il.

L'espoir d'une présence à la March Madness

Dans le sillage de ce grand gaillard, les Sycamores d’Indiana State réalisent une saison épatante. Avant de défier Missouri State ce vendredi 8 mars, Robbie Avila et ses camarades sont actuellement premiers de la Missouri Valley Conference, avec un bilan de 17 victoires pour trois défaites (26 victoires et cinq défaites au total depuis le début de la saison). Ils sont toujours en course pour participer à la fameuse March Madness, le grand tournoi NCAA. Une marche qu’Indiana State n’a plus atteinte depuis 2011.

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À l’échelle du basket universitaire américain, Indiana State est une "petite" fac. Les Sycamores n’avaient plus remporté 26 matchs lors d’une même saison depuis 1979. Cette année, sous l’impulsion d’un certain Larry Bird, ils s’étaient inclinés lors de la grande finale face aux Spartans de Michigan State, emmenés par Magic Johnson.

Un avenir en NBA?

On en est encore loin, la présence des Sycamores au tournoi NCAA étant hypothétique, mais un beau parcours d’Indiana State à la March Madness mettrait encore plus les projecteurs sur Robbie Avila. Le pivot de 20 ans en a d’ailleurs bien besoin pour faire monter sa cote. Malgré toute la hype autour de lui, "Cream Abdul-Jabbar" ne figure dans aucune projection pour la draft 2024 de la NBA.

Comme n’importe quel joueur universitaire, d’autant plus au regard de sa domination sur certains matchs, la Grande Ligue est évidemment un objectif pour Robbie Avila. Même s’il est pour l’instant passé sous les radars des scouts NBA, une montée en flèche dans les classements des meilleurs espoirs du pays n’est pas à exclure, surtout à cette période de l’année.

S’il semble partir de trop loin pour truster les premières places de la draft, une sélection en fin de premier tour ou au second tour est toujours envisageable. Avant de faire la carrière qu’on lui connaît, Jokic a été drafté à la 41e place. À "Baby Joker" de pousser la comparaison encore un peu plus loin.

Article original publié sur RMC Sport