Covid: des scientifiques dénoncent la prescription d'hydroxychloroquine à plus de 30.000 patients et visent Didier Raoult

Plusieurs organisations médicales dénoncent dans une tribune la publication récente d'une étude révélant que plus de 30.000 patients positifs au Covid ont reçu un traitement à l'hydroxychloroquine en 2020.

L’hydroxychloroquine de nouveau sur le banc des accusés. Des organisations médicales dénoncent dans une tribune au Monde parue ce dimanche l'administration par "certains biologistes et cliniciens de l’institut hospitalier universitaire (IHU) Méditerranée Infection" de plusieurs traitements, dont celui à l’hydroxychloroquine, à environ 30.000 patients pendant la crise sanitaire liée au Covid-19, alors que le traitement est avéré comme étant inefficace.

Un traitement administré "en l’absence de toute preuve d’efficacité"

"La prescription systématique aux patients atteints du Covid-19, quels que soient leur âge et leurs symptômes, de médicaments aussi variés que l’hydroxychloroquine, le zinc, l’ivermectine ou l’azithromycine, sur des ordonnances pré-imprimées, s’est d’abord effectuée sans bases pharmacologiques solides, et en l’absence de toute preuve d’efficacité", dénoncent les signataires.

Les experts visent notamment, sans le nommer, le professeur Didier Raoult qui s'était imposé comme l'un des visages, largement controversé au sein du monde scientifique, de la pandémie de Covid. Le médecin avait vanté les bénéfices cliniques supposés de l'hydroxychloroquine comme traitement.

Parmi les signataires, on compte notamment le professeur Alain Fischer, président de l'Académie des Science, Dominique Costagliola, l'une de ses membres, mais aussi différentes organisations médicales comme la Société française de pharmacologie et de thérapeutique ou la Société de pathologie infectieuse de langue française.

"Un énorme scandale sanitaire"

Cette tribune vient plus particulièrement répondre à la prépublication en ligne de données de santé concernant plus de 30.000 patients, selon le JDD. Didier Raoult et 16 membres de l'IHU Méditerranée ont en effet partagé le 3 avril dernier, sur le site de médecine spécialisée MedRxiv, le détail des traitements administrés à 30.423 personnes testées positives au Covid-19 pendant la première vague de l'épidémie en 2020.

Elle y dévoile que tous les patients ont reçu de l'hydroxychloroquine, quel que soit leur état de santé et qu'ils présentent ou non des symptômes et persiste en réaffirmant l'efficacité du traitement.

Pour le professeur Mathieu Molimard, chef du service de pharmacologie médicale au CHU de Bordeaux, cette étude d'une ampleur inédite a tout d'un "énorme scandale sanitaire", dénonce-t-il samedi dans le JDD.

Le médecin y voit le "plus grand essai clinique sauvage jamais mené, sans réaction significative des autorités".

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) indique à l'hebdomadaire mener des "analyses" sur cette étude et ne pas s'interdire de "saisir la justice" si les données "mettent en évidence des manquements à la réglementation des essais cliniques".

Un manquement aux "règles élémentaires"

Dans la tribune du Monde, les scientifiques dénoncent de fait ce qu'ils qualifient de "plus grand essai thérapeutique 'sauvage' connu à ce jour", pointant du doigt la collecte de données de santé de plus de 30.000 patients "en dehors de tout cadre éthique ou juridique" et "sans justification médicale".

Ils dénoncent un manquement aux "règles élémentaires" s'appliquant au monde médical, et rappellent notamment que l'administration de tout traitement implique au préalable "démonstration des effets thérapeutiques des médicaments chez l’homme" selon un ensemble de "normes éthiques et scientifiques" précises.

Les médecins rappellent notamment l'inefficacité prouvée du traitement pour lutter contre le Covid et déplorent que les "prescriptions systématiques" d'hydroxychloroquine ont malgré tout continué pendant plus d'un an après la parution d'études sur le sujet.

Un appel aux autorités sanitaires

Les scientifiques accusent par ailleurs l'absence de réaction des autorités de santé, à l'administration de ce traitement à des milliers de patients.

"On ne peut que s’étonner qu’aucune mesure juridique et ordinale, indispensable au respect de la loi sur la protection des personnes et à la crédibilité de la recherche, n’ait été prise à l’encontre des auteurs des publications rapportant ces pratiques", dénoncent-ils.

"Nous demandons que l’ensemble des institutions compétentes (établissements de tutelle, autorités administratives et judiciaires, Haute Autorité de santé, Comité consultatif national d’éthique, Conseil national de l’ordre des médecins…) prennent conscience des enjeux et assument leurs responsabilités", appellent les signataires, assurant que "la sécurité des patients" et "leur confiance" en la médecine sont en jeu.

Le professeur Didier Raoult a quitté son poste de directeur de l'IHU Méditerranée Infection le 1er septembre dernier, poussé vers la sortie à l'issue d'un processus débuté un an auparavant. Il n'est également plus professeur des universités-praticien hospitalier au sein d’Aix-Marseille Université et des Hôpitaux universitaires de Marseille.

Article original publié sur BFMTV.com

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