Covid: pourquoi le variant BA.2.75 découvert en Inde est à suivre de près
Même si BA.2.75 ne s’impose pas partout dans le monde, il sera suivi de près par les chercheurs. Car ce variant est unique. (Photo: koto_feja via Getty Images)
SCIENCE - Bis repetita. Alors même que la 7e vague de Covid-19 semble atteindre un pic en France, les virologues ont les yeux rivés sur l’Inde, où un variant très intrigant a été découvert: BA.2.75. Comme toujours, s’il attire l’attention des chercheurs, c’est pour plusieurs raisons.
D’abord, car il dispose de mutations sur des zones clés du coronavirus, qui font craindre un échappement immunitaire important, ou encore une meilleure transmissibilité. Ensuite, parce que BA.2.75 semble s’imposer petit à petit en Inde face aux autres variants Omicron dominants. Il est pour autant possible que ce variant n’arrive pas à s’imposer, seuls le temps et le suivi permettront d’en avoir le cœur net.
Mais même si BA.2.75 ne s’impose pas partout dans le monde, il sera suivi de près par les chercheurs. Car ce variant est unique. C’est le premier véritable descendant d’Omicron.
Variant de “seconde génération”
“C’est la première fois qu’on voit émerger un variant de seconde génération, c’est-à-dire dérivant d’un variant déjà préoccupant, BA.2, avec de nombreuses mutations sans explications”, explique au HuffPost, Étienne Simon-Lorière, responsable de l’unité Génomique évolutive des virus à ARN à l’Institut Pasteur.
Jusqu’alors, tous les variants qui se sont imposés étaient indépendants les uns des autres. Omicron n’était pas le descendant de Delta, qui n’était pas non plus le successeur d’Alpha. “Jusqu’ici, les variants apparaissaient sans que l’ancêtre le plus proche soit connu, presque tous revenaient à un ancêtre commun se rapprochant de la souche originelle de 2019”, rappelle le microbiologiste.
C’est également le cas de BA.2 et BA.5. Si le terme “sous-lignage” peut faire croire que ces variants, qui se sont imposés en France sont des descendants de l’Omicron originel, qui a provoqué l’énorme vague de cas en janvier, il n’en est rien. “Aucun de ces variants ne découle des autres. On pense qu’il existe un réservoir commun dans lequel se sont développées ces différentes versions d’Omicron”, détaille Étienne Simon-Lorière.
L’hypothèse la plus probable, c’est qu’une ou plusieurs personnes immunodéprimées ont été infectées il y a longtemps par une version antérieure du coronavirus qui a eu le temps de muter pendant des mois, jusqu’à acquérir par hasard un ensemble de mutations permettant au virus d’infecter mieux et différemment les humains, notamment ceux vaccinés ou déjà contaminés. Dans cet (ou ces) hôte, le virus a continué de muter, produisant BA.1, BA.2, BA.3, BA.4, BA.5… bref, tous les “sous-variants” d’Omicron.
Un échappement immunitaire différent
La grande nouveauté de BA.2.75, c’est donc qu’il descend directement d’un variant préoccupant, BA.2. “On a ici la confirmation que le virus peut encore changer de beaucoup de façons, y compris après s’être engagé dans une voie très précise”, précise le microbiologiste. “Cela nous montre la plasticité du Sars-Cov2 et qu’on est loin d’en être débarrassé”.
Si la survenue de BA.2.75 est une mauvaise nouvelle théorique, son impact réel reste à démontrer. Au vu du profil des mutations, notamment celles sur la protéine Spike qui permet au virus de pénétrer dans nos cellules, il y a un risque. “Il y a de bonnes chances que ce variant dispose d’un profil d’échappement immunitaire différent de BA.5, ce qui veut dire qu’une fraction différente de la population pourrait être plus susceptible d’être réinfectée”, note Étienne Simon-Lorière.
Du côté des bonnes nouvelles par contre, même si BA.2.75 s’impose et domine la probable vague qui touchera l’Europe entre l’automne et l’hiver, cela ne veut pas dire qu’il sera plus sévère. “Avec ces changements dans le génome du virus, on ne s’attend pas à voir d’échappement contre les formes sévères, ce qui veut dire que les vaccins seront toujours aussi efficaces”, espère le microbiologiste.
Une dominance qui reste à prouver
Reste à savoir si BA.2.75 s’imposera effectivement. Pour le moment, moins de 200 génomes ont été séquencés, majoritairement en Inde. De nombreusesanalysesmontrent que ces séquences se multiplient et pourraient signifier que ce sous-lignage a un avantage compétitif par rapport aux autres.
Cela ne veut pas dire que BA.2.75 va prendre le pas sur les autres versions du coronavirus. D’abord, comme toujours, la multiplication de ce variant peut être liée à la chance, avec par exemple un événement superpropagateur qui décuple le nombre de cas.
Ensuite, il est possible que ce variant s’impose en Inde, mais pas ailleurs, pour de multiples raisons. On peut notamment citer le fait que le variant dominant en Inde soit BA.2. Il serait donc possible que ce nouveau lignage ait un avantage sur BA.2 (qui a relancé la vague de cet hiver en France), mais que sa transmission soit moindre que BA.5, qui est devenu le variant dominant dans l’Hexagone.
“Les mois à venir devraient nous montrer, en Inde et dans d’autres régions, si BA.2.75 a un avantage sur BA.5. Pour l’instant, le nombre de séquences est trop faible et les données trop éparses”, explique Étienne Simon-Lorière. “Si BA.2.75 finit par s’imposer, il serait logique que le schéma soit similaire à ce qu’il s’est passé pour Delta”.
L’année dernière, à peu près à la même période, l’Inde était touchée par une importante vague de Covid-19, portée en partie par l’émergence d’un variant plus contagieux et plus sévère, le variant Delta. Il a ensuite dominé le monde, d’abord par les pays ayant des liens importants avec l’Inde, comme le Royaume-Uni, puis s’est imposé en France quelques semaines plus tard. Aujourd’hui, une dizaine de cas de BA.2.75 ont été séquencés outre-Manche. L’évolution de la situation chez nos voisins dans les semaines à venir permettra très probablement de prédire ce qui se passera ensuite en France cet hiver.
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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.