Covid-19 : files d'attente devant les Restos du Cœur, locataires en difficulté, et si la deuxième vague était sociale ?

Dans les grandes villes françaises, la pauvreté post-crise du Covid-19 est en hausse

Après deux semaines de déconfinement, le fameux rebond tant redouté de l'épidémie de Covid-19 semble épargner les Français. Toutefois, après la première vague sanitaire, les plus démunis sont désormais en train de subir une deuxième vague "sociale", pendant laquelle la précarité pourrait faire des ravages.

La fameuse deuxième vague de Covid-19 a bien eu lieu mais ce n'est pas celle que l'on croit. Elle n'est pas sanitaire mais sociale, indirectement liée aux conséquences du confinement de 55 jours vécu par 67,8 millions de Français. Dans certaines grandes villes, on assiste à une flambée de la pauvreté, et pour les familles les plus démunies, il y a urgence. L'un des premiers indices fort de la précarité post-épidémie de Covid-19 est la file d'attente en hausse constante devant les banques alimentaires des Restos du Cœur, Secours populaire et autres associations.

”30 voire 40%” de personnes en plus dans les files d’attente des distributions de rue

"Dans les distributions de rue, on a constaté une très forte augmentation, estimée à 30 voire 40% dans les villes comme Paris, Marseille, Toulouse ou Bordeaux, fait remarquer Yves Mérillon, administrateur national des Restos du Cœur. On a vu affluer des gens que l'on ne voyait pas avant, des gens qui avaient un minimum de revenus, mais qui ont tout perdu".

Même constat dans les centres de distribution, où habituellement "les gens qui ont un toit ramènent des paniers-repas à cuisiner chez eux". "On a vu arriver énormément de familles monoparentales, soit à 95% des mères seules avec enfants, note Yves Mérillon. Sans cantine, il a fallu nourrir ces enfants. On a eu aussi des étudiants qui avaient perdu leurs petits boulots, des saisonniers, des intérimaires et des indépendants qui n'ont pas droit au chômage partiel".

À la Fondation Abbé Pierre, on redoute une flambée des expulsions

Pour ces populations fragiles, les difficultés ne s'arrêtent pas à la nourriture, mais touchent également le logement. "Certains bailleurs sociaux, propriétaires privés ou associations commencent à nous alerter sur des impayés ou difficultés de paiement de loyers et charges, révèle Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre. Selon les témoignages des uns et des autres, on estime entre 15% et 40% le nombre de ménages modestes en difficulté de paiement".

Pour ces associations, la crainte est la même : que va-t-il se passer dans les prochains mois, lorsque la crise économique va s'installer durablement et que de nombreuses personnes n'auront pas retrouvé de travail ? "La crise financière de 2008 avait considérablement augmenté le chômage, et en 3 ans, nous avions accueilli 25% de personnes en plus aux Restos, se souvient Yves Mérillon. Ces personnes ne sont pas reparties depuis, elles sont toujours là. Le plus gros pourvoyeur de personnes accueillies chez nous, c'est le chômage. S'il repart à la hausse, comme ça semble être prévu par tous les économistes, notre nombre d'inscrits va forcément augmenter".

"Que va-t-il se passer après le 10 juillet et la fin de l'état d'urgence sanitaire ?", se demande quant à lui Christophe Robert, qui redoute une flambée des expulsions, et souhaite "que l'Etat mette urgemment en place un fonds d'aide aux paiements de quittance de loyers et de charges pour éviter que les gens ne se mettent en faute". Pour les 150 000 sans-abri français, "il est également impératif que des solutions durables soient apportées et que ces personnes (qui ont été logées temporairement dans des hôtels ou centres de vacances, ndlr) ne soient pas remises à la rue une fois que l’hôtellerie aura repris son activité" estime le responsable de la Fondation.

”Il est important que le public ne nous oublie pas en fin d'année”

Dernier aspect inquiétant de l'après-Covid-19 : les dons des particuliers aux associations. Contrairement à la Ligue contre le Cancer, qui a vu sa collecte pour la recherche fondre comme neige au soleil, la Fondation Abbé Pierre, les Restos du Cœur et de nombreuses autres organisations de "première nécessité" ont bénéficié jusqu'ici d'un élan de solidarité remarquable. Cependant, face à la récession qui s'annonce, elles redoutent également une baisse des dons en décembre, habituellement le mois de l'année le plus fort en termes de collecte.

"Il est important que le public ne nous oublie pas en fin d'année", espère Yves Mérillon. "Beaucoup de nos donateurs ont des ressources modestes, explique Christophe Robert. La crise économique dans laquelle nous nous enfonçons va-t-elle conduire à une diminution des dons ? C'est une inconnue. Est-ce que les personnes qui ont donné en avril parce qu'elles ont senti qu'il y avait une urgence vont redonner dans les prochains mois ? C'est une question qui reste ouverte. On ne l'espère pas, parce qu'il y a des besoins énormes. S'il y a une baisse de la générosité en décembre, il y aura forcément une baisse de nos capacités d'actions".