Covid-19 : un rapport préconise d’inscrire le droit de visite en Ehpad dans la loi

L’inscription dans la loi du droit de visite serait « une victoire » et « l’occasion de réaffirmer que le lien est essentiel, notamment en fin de vie » selon le co-auteur du rapport Laurent Frémont.
LOIC VENANCE / AFP L’inscription dans la loi du droit de visite serait « une victoire » et « l’occasion de réaffirmer que le lien est essentiel, notamment en fin de vie » selon le co-auteur du rapport Laurent Frémont.

SANTÉ - Visites interdites, isolement pour les résidents ou, pour les plus chanceux, rencontres derrière une vitre. La gestion du Covid-19 dans les Ehpad a laissé des traces indélébiles chez les résidents, ainsi que pour les familles confrontées au départ d’un proche.

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C’est ce que constate un rapport commandé par le gouvernement, qui relaie des témoignages de désespoir, d’impuissance et de colère de Françaises et de Français encore très marqués. Pour remédier à ces expériences douloureuses, ses auteurs préconisent d’inscrire le droit de visite en Ehpad dans la loi, soulignant que certains établissements le consacrent déjà.

Après six mois d’enquête, le rapport – intitulé « Liens entravés, adieux interdits » – a été remis ce mardi 14 novembre à la ministre des Solidarités Aurore Bergé et à la ministre déléguée chargée des Professions de santé Agnès Firmin Le Bodo. Le gouvernement souhaite inclure le droit de visite dans la proposition de loi « bien vieillir », débattue à l’Assemblée nationale à partir de lundi prochain.

Mais le document est loin d’être tendre avec les mesures mises en place par l’exécutif dès mars 2020 pour tenter d’endiguer la propagation du coronavirus.

« Un deuil traumatique »

Co-auteur du rapport, Laurent Frémont souligne auprès de l’AFP que les conséquences ont été « immenses » des deux côtes du plexiglas qui séparait les résidents de leurs proches. Pour ce rapport, « 10 000 témoignages de personnes qui souffraient encore » ont d’ailleurs été reçus, comme l’indique le militant, fondateur du collectif Tenir la main et enseignant en droit constitutionnel à Sciences Po, à franceinfo.

Pour les résidents, « on a pu observer un sentiment d’abandon, un repli sur soi, un refus de s’alimenter, et le ’syndrome de glissement’ », un état de détresse psychologique amplifié par l’isolement pouvant être fatal.

Dans les familles, les auteurs ont observé « des deuils traumatiques, des stress post-traumatiques, un sentiment très fort de culpabilité et d’abandon quand les adieux n’ont pas pu être faits », résume Laurent Frémont.

Le rapport a également permis d’étudier « tous les traumatismes occasionnés sur les soignants et les professionnels (...) qui souffrent aussi de ce qu’ils ont dû faire pendant la crise », note Laurent Frémont, qui souligne au passage des « cas admirables de résistance éthique » de la part de soignants.

Journée de mémoire et visites à toute heure

Face à ce constat, plusieurs mesures sont donc préconisées par le rapport. À commencer par l’instauration d’un « droit absolu de recevoir » pour le résident. Un droit qui devrait d’ailleurs être dénué de limite horaire de visite. « L’Ehpad est le domicile de la personne. Au nom de quoi cette personne se verrait refuser son droit de recevoir chez elle ? », s’interroge à juste titre le juriste.

Le rapport préconise pour cela de contrôler les entrées et les sorties via des codes et caméras, comme c’est déjà le cas dans certains établissements, alors que d’autres sont au contraire bien trop restrictifs avec des plages horaires « très contraignantes ».

Autre mesure forte défendue : la reconnaissance officielle des manquements constatés qui se matérialiseraient par une journée de mémoire symbolique ou un lieu de recueillement spécifique pour « redonner un visage à ceux qui sont partis seuls », défend le co-auteur du rapport dont le père « est parti seul », après avoir été « hospitalisé dans une solitude totale pendant plusieurs semaines ».

Et en cas de nouvelle crise sanitaire, le rapport « Liens entravés, adieux interdits » estime que les mesures de restrictions devront être « proportionnées, limitées dans le temps, motivées précisément », mais surtout « accompagnées de modalités alternatives de visite, afin de préserver les droits et éviter l’isolement. »

Après lecture de ce rapport, la ministre Aurore Bergé a estimé que « les propositions de Laurent Frémont répondent à un profond besoin de progresser collectivement ». « Le lien avec les proches c’est le cœur de la vie : nous l’avons bien compris », a-t-elle ajouté. Même son de cloche pour Agnès Firmin Le Bodo qui remarque que ces « travaux soutiennent la volonté du Gouvernement de réaffirmer ce droit dans la loi pour les patients, les résidents et leurs familles afin de permettre que celui-ci puisse être mis en œuvre même en cas de situation critique ».

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