Covid-19: dans son livre, Agnès Buzyn raconte ses échanges avec Emmanuel Macron et Édouard Philippe

Le 8 février 2020, alors qu'elle était encore ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn avertit Emmanuel Macron du "tsunami" à venir avec le Covid. Une semaine plus tard, la ministre quitte ses fonctions, elle est remplacée par Olivier Véran, pour partir à la rescousse de la campagne catastrophe du camp présidentiel à Paris et la défection de Benjamin Giveaux.

Dans un journal de 500 pages nommé Agnès, tu as fait peur au Président, l'ancienne responsable politique retrace cette intense période de plusieurs semaines qui a précédé le premier confinement en France.

"Vous ne pourrez pas maintenir les élections"

Si Agnès Buzyn reconnaît bien volontiers que quitter le ministère de la Santé a été "la pire erreur de sa vie", elle souhaite également défendre son bilan et se défaire de l'image d'une ministre inactive face au coronavirus qui lui colle à la peau.

En témoigne cette scène racontée dans le livre, une conversation téléphonique d'une quarantaine de minutes avec Emmanuel Macron qui se trouvait alors au cinéma.

"Agnès, tu as fait peur au président", lui aurait alors rétorqué dans la foulée Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Élysée.

Au fil de l'ouvrage, que BFMTV a pu consulter, Agnès Buzyn affirme à plusieurs reprises, alors même qu'elle a quitté son post de ministre, avoir continué à avertir le président de la République ainsi que l'exécutif du danger qui arrivait. "Je crains fort que personne ne soit en capacité d'alerter convenablement le couple exécutif...", écrit-elle à la page 309.

"Édouard, repose-toi car le pire est encore à venir, je te l'ai toujours dit. Vous ne pourrez pas maintenir les élections. Calme cette campagne. Un conseil, ne tardez pas à ralentir l'activité (phase 3 et fermeture des lieux publics) pour lisser le pic épidémique car nos hôpitaux vont déborder vu l'âge moyen de la population", a-t-elle par exemple écrit au Premier ministre Édouard Philippe le 5 mars 2020.

Le même jour, quelques heures plus tard, la même alerte est envoyée au président de la République. "Ce petit mot pour vous dire de ne pas tarder à passer en stade 3 et à ralentir l'activité. C'est le prix à payer pour ralentir la diffusion du virus qui est déjà partout", écrit-elle. Dans le livre, aucune réponse à ces demandes n'est mentionnée.

Les élections municipales, auxquelles elle participait, sont au centre des inquiétudes de l'ancienne ministre. Le 9 mars, en marge d'une réunion avec Édouard Philippe, elle explique encore au Premier ministre l'importance de les décaler.

"Il s'interroge, je le vois concentré. Il me répond dans un soupir qui signe la fatigue, sans avoir l'air lui-même très convaincu, que la vie du pays doit malgré tout continuer."

Quelques jours avant que les Français ne doivent se présenter à l'isoloir, elle tente un dernier coup de poker et écrit de nouveau au président. "Comme médecin, et ex-ministre, vous connaissez mon sentiment depuis des semaines et je continue de vous demander de tout arrêter comme en Italie, le plus vite possible", tente-t-elle.

Finalement, le scrutin est bel et bien maintenu. "Moi je suis consternée, même si je n'imaginais pas prolonger la campagne six mois ou un an de plus, tant je suis éreintée", écrit-elle. À Paris, Agnès Buzyn obtint 18,04% des suffrages, ce qui la plaça en troisième rang derrière Anne Hidalgo et Rachida Dati. Au second tout, elle occupe le même poste avec uniquement 13,04% des voies. À l'arrivée, Agnès Buzyn ne sera pas même élue conseillère de Paris.

"Erreur organisationnelle"

Au fil des pages, l'ancienne ministre insiste sur l'absence de conseillère santé auprès du chef de l'État au début de la crise, égratigne le Conseil scientifique instauré par l'Élysée et présidé par Jean-François Delfraissy.

"Je connais bien Jean-François Delfraissy, il est mondain et surtout très médiatique, et il ne connaît que le sida. Selon moi, il aime aller dans le sens du vent et de ce que les gens souhaitent entendre. Je préfère ne pas imaginer qu'il conseille le couple exécutif", accuse-t-elle.

Une "erreur organisationnelle" car l'instance "mêlait acceptabilité sociale et faits scientifiques", "comme si le Giec intégrait l'acceptabilité sociétale de la lutte contre le réchauffement climatique".

Depuis la période du Covid-19, celle qui a intégré la Cour des comptes en juillet 2022 est la cible d'insultes et de menaces. Elle a un temps été mise en examen dans ce dossier pour "homicide involontaire" avant que cette procédure ne soit annulée. Elle est toujours mise en cause dans ce dossier, sous le statut de "témoin assisté", en attente d'un potentiel jugement.

Article original publié sur BFMTV.com