Covid-19 : faut-il s'inquiéter du rebond des contaminations ?

Photo d'illustration (Yannick Mondelo / AFP)

Depuis plusieurs jours, la tendance s'inverse. Certains départements ont dû remettre en place des mesures qui avaient été levées.

Refroidissement des températures, vie en intérieur, aération moins fréquence, allègement des mesures et moindre respect des gestes barrières. Depuis plusieurs jours, le nombre de cas de Covid-19 détectés repart à la hausse, +9,1% sur une semaine sur l'ensemble du territoire.

Une reprise de la circulation du SARS-CoV-2 qui n'épargne aucune tranche d'âge mais se traduit surtout dans certains départements. L'exemple le plus emblématique : celui de la Lozère. Le taux d’incidence a flambé, en augmentation de 252% sur une semaine, pour atteindre 104 cas pour 100 000 habitants. Conséquence : le département, qui avait levé l'obligation du port du masque dans les écoles primaires le 4 octobre, l'a réinstauré depuis le 18 octobre pour endiguer la flambée des cas.

"Avec le déremboursement, difficile de faire des prévisions"

Une hausse de l'incidence qui concerne 63 départements métropolitains sur une semaine. "L'épidémie commence à regagner légèrement du terrain (...), nous devons donc tout faire pour éviter un hiver difficile à nos soignants dans les hôpitaux", a mis en garde le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal ce mercredi.

Des chiffres à analyser avec précaution, estime l'épidémiologiste Antoine Flahault, en raison du déremboursement des tests depuis le 15 octobre. "Avec le déremboursement des tests qui a entraîné une baisse du nombre de tests réalisés, il est plus difficile de faire des prévisions sur l'évolution de la pandémie".

"2 ou 3% des plus âgés contaminés suffisent pour peser sur le système de santé"

Une hausse incontestable mais qui laisse l'épidémie à un niveau de circulation toutefois modéré, l'incidence est inférieure à 50 sur l'ensemble du pays. "Il faut prendre la hausse de la circulation du virus en considération, mais il n'y a pas de raison de paniquer aujourd'hui. En revanche, si on laisse la hausse se poursuivre longtemps sans rien faire, la situation risque d'être plus problématique", détaille Michaël Rochoy, chercheur en épidémiologie.

L'une des raisons qui incite à l'optimisme, c'est la vaccination : 87,4% de la population majeure est totalement vaccinée, et donc très fortement protégée contre les formes graves de la maladie. "Chaque vague de l'épidémie a touché environ 5% de la population, et un peu moins dans les tranches d'âge plus élevées. Il suffit que 2 ou 3% des plus âgés soient contaminés pour que cela pèse sur le système de santé", analyse Antoine Flahault.

10% des plus de 75 ans non vaccinés

Or, près de 10% des plus de 75 ans ne sont pas vaccinés, plus de 6% des 65-74 ans et 9% des 55-64 ans. Soit plus de deux millions de non-vaccinés parmi les 55 ans et plus. "Grâce à la protection de la vaccination, il faudra beaucoup plus de personnes contaminées avant qu'un malade ne soit admis en réanimation. Cela devrait permettre d'éviter la surcharge du système hospitalier comme on a pu la connaître lors des précédentes vagues" rassure Michaël Rochoy.

Mais diminuer l'impact sur le système hospitalier ne signifie pas que le Covid-19 n'a pas d'impact. "Si on laisse le nombre de cas augmenter fortement, il y aura un impact. Sur la médecine de ville, qui devra traiter ces patients qui viendront pour des symptômes légers, en plus de ceux qui souffrent des habituels virus de l'hiver et d'autres maladies. Mais également, dans des proportions moindres que lors des précédentes vagues, pour les services d'urgence et d'hospitalisation", prévient le chercheur en épidémiologie.

"Tout miser sur la vaccination ne suffit pas"

Chaque jour, on enregistre 4 647 cas mais surtout 198 hospitalisations pour Covid, et 45 admissions en services de réanimation, des chiffres qui ont cessé de diminuer voire augmentent légèrement. Plus de 6 400 patients sont hospitalisés pour Covid, dont plus d'un millier en service de réanimation.

L'inquiétude, c'est un scénario comme au Royaume-Uni, qui a abandonné toutes mesures anti-Covid depuis la mi-juillet. De 25 000 cas par jour au coeur de l'été, ils sont passés à plus de 45 000 aujourd'hui. Le nombre de patients hospitalisés pour Covid est même reparti à la hausse et le pays enregistre en moyenne 145 décès du Covid par jour. "Le Royaume-Uni a tout misé sur la vaccination, en levant les restrictions mi-juillet. La situation actuelle montre que le 100% vaccination ne suffit pas. Il ne faut pas oublier que la vaccination ne protège pas à 100%", décrypte Antoine Flahault.

Une désensibilisation à la mortalité ?

Malgré ce rebond spectaculaire du nombre de cas outre-Manche, aucune décision sanitaire n'est prise. "Tout dépend de ce que l'on considère acceptable. Si avoir plusieurs centaines d'hospitalisations par jour et des dizaines de décès quotidiens dûs au Covid est acceptable, ou si l'on préfère maintenir des gestes barrières pour limiter les hospitalisations et le décès", interroge Michaël Rochoy.

Linda Bauld, professeur de santé publique à l'Université d'Edimbourg s'interroge dans The Guardian. "Nous sommes dans une phase où nous avons encore un grand nombre de personnes qui meurent de cette maladie, mais cela est passé à l'arrière-plan. Nous nous sommes habitués à quelque chose qui n'a pas disparu. Je pense qu'il y a eu une désensibilisation à la mortalité".

`Le pass sanitaire et la vaccination suffiront-ils ?

Si le tout-vaccination décidé par le Royaume-Uni ne suffit pas à endiguer un rebond épidémique, "la France, comme la Suisse et l'Italie, misent de leur côté sur la vaccination massive et le pass sanitaire, associés aux gestes barrières. Les prochaines semaines montreront si ces mesures suffisent", explique Antoine Flahault. "Sinon, il faudra trouver d'autres mesures pour éviter un confinement. La plus évidente semble l'amélioration de l'aération des lieux clos", poursuit l'épidémiologiste.

Autant d'éléments qui pourraient être bousculés par l'arrivée d'un sous-variant, nommé "AY4.2", détecté au Royaume-Uni, et issu du variant Delta. Il pourrait être plus contagieux de 10 à 15%, bien qu'aucune étude n'atteste pour l'instant cette contagiosité plus importante.

VIDÉO - Gabriel Attal s'exprime sur la "reprise" de l'épidémie