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Covid-19 : "cuisine de charlatans", "dangereux", "criminel"... la colère des médecins face à un protocole

L'ivermectine, inefficace contre la Covid-19.

De nombreux scientifiques mettent en garde contre ce protocole largement relayé mais totalement inefficace contre le Covid-19 et qui peut même s’avérer dangereux.

Depuis plusieurs jours, ce visuel présentant un protocole à suivre selon les symptômes du Covid est largement relayé sur les réseaux sociaux. Ivermectine, vitamine D, azithromycine, hydroxychloroquine, le protocole indique plusieurs médicaments à prendre pour faire face aux symptômes du Covid-19.

Le tweet largement relayé du journaliste Ivan Rioufol
Le tweet largement relayé du journaliste Ivan Rioufol

Pourtant, rappellent de nombreux médecins, il n’existe aujourd’hui aucun traitement dont l’efficacité a été prouvée. “J’aimerais dire que ça marche, y croire, et retrouver une vie normale. Mais non, ce protocole ne fonctionne pas, voire peut être dangereux”, nous explique Matthieu Calafiore, maître de conférence des universités et directeur du DMG de Lille. Le médecin généraliste dénonce de la “cuisine de charlatan, un protocole très dangereux, qui joue avec la santé de la population”.

Un protocole relayé par un collectif aux personnalités “controversées”

Derrière ce protocole plus qu’expérimental, le Collectif Santé Libre, qui affirme regrouper plus de 2 000 médecins, dont la députée Martine Wonner, psychiatre de profession, anti-masques, pro-hydroxychloroquine et qui intervient dans le documentaire complotiste Hold-Up. Exclue de la majorité en mai dernier, elle est devenue une porte-étendards de la mouvance conspirationniste.

Le médecin infectiologue Nathan Peiffer-Smadja alerte sur un “document criminel”, et appelle à ne pas suivre “cette folie” pour “ne pas souffrir d’effets indésirables potentiellement graves”.

L'infectiologue Nathan Peiffer-Smadja alerte sur les dangers d'un protocole contre le Covid-19.
L'infectiologue Nathan Peiffer-Smadja alerte sur les dangers d'un protocole contre le Covid-19.

“Ils font un gloubiboulga de traitements, ne relatent que des méthodes thérapeutiques qui soit n’ont pas encore été testées, soit dont l’inefficacité a été prouvée, voire parfois inefficaces et dangereuses. C’est hallucinant que cela soit promu par médecins”, regrette Matthieu Calafiore.

Un protocole notamment relayé par le site Réinfo Covid, lancé par l’anesthésiste Louis Fouché, et qui regroupe des personnalités “controversées”, expliquait Libération, ou encore défendu par Xavier Azalbert, directeur de la publication FranceSoir dont le site est pointé du doigt pour sa dérive éditoriale.

Le danger d’un surdosage en vitamine D

Parmi les éléments qui inquiètent dans ce protocole, la recommandation pour les malades n’ayant pas ou peu de symptômes de prendre de la vitamine D, de l’ivermectine ou encore de l’azithromycine.

“La vitamine D n'est pas un remède miracle contre le Covid-19", rappelaient à France 3 le Pr Bernard Cortet, rhumatologue et le Dr Julien Tison du Centre Anti-Poison du CHU de Lille, après avoir constaté des surdosages ces derniers jours.

En cas de surdosage de vitamine D, “les malades peuvent avoir des problèmes rénaux ou cardiovasculaires”, met en garde Matthieu Calafiore, qui rappelle que l’efficacité de la vitamine D contre le covid n’a pas été prouvée et qu’il faut consulter son médecin traitant avant d’envisager de débuter un tel traitement.

L’ivermectine : aucune efficacité prouvée

L’ivermectine, ces dernières semaines, semble avoir remplacé l’hydroxychloroquine dans les esprits de certains comme médicament miracle. Ce traitement antiparasitaire est, à tort, présenté comme efficace contre le Covid-19.

Dans un article dédié à l’ivermectine, l’Inserm pointait du doigt “des études préliminaires insuffisantes” et les “limites” des essais cliniques jusqu’à présent menés. Plusieurs pays écartent l’utilisation de ce médicament contre le Covid, comme les Etats-Unis, l’Afrique du Sud ou le Mexique, pointant également la limite des essais cliniques, rappelle l’AFP.

Les seuls études menées l’ont été en laboratoire. Or, rappelle l’AFP, il arrive très fréquemment que ses résultats ne se reproduisent pas chez l’homme, la concentration utilisée pour neutraliser le pathogène ne pourrait pas être administrée sans danger chez un patient. Des études plus approfondies sont en cours.

L’azithromycine, totalement inefficace

Concernant l’azithromycine, un antibiotique fréquemment prescrit pour traiter les infections respiratoires, une étude publiée dans la revue scientifique The Lancet le 2 février dernier confirme son inefficacité pour réduire la mortalité du Covid-19. “Chez les patients admis à l'hôpital avec COVID-19, l'azithromycine n'a pas amélioré la survie ou d'autres résultats cliniques pré-spécifiés” concluent les auteurs.

L'azithromycine, inefficace pour réduire la mortalité du Covid-19.
L'azithromycine, inefficace pour réduire la mortalité du Covid-19.

L’utilisation d’azithromycine peut avoir des effets secondaires inattendus. Un porte-parole de l’OMS pointait récemment du doigt l’utilisation massive d'azithromycine dans le monde au début de l’épidémie, le nombre de prescriptions a augmenté de 217% dans le monde entre mars et juin dernier. Il pointe du doigt une pratique qui peut “favoriser l'émergence d'une résistance de la gonorrhée”, une infection sexuellement transmissible, rapportait BFMTV.

L’hydroxychloroquine, toujours inefficace

Pour les malades présentant des symptômes respiratoires, le protocole recommande également de la vitamine D, à plus haute dose. Ce qui accroit le risque de surdosage, qui inquiète les médecins. Autre pratique recommandée par le protocole pour les malades plus fortement atteints et qui alerte sérieusement les médecins : une combinaison d’hydroxychloroquine et d’azithromycine.

Seule, l’hydroxychloroquine n’a aucun effet sur la mortalité liée au Covid-19, comme l’ont montré de nombreuses études. L’Organisation mondiale de la Santé, (OMS) a même décidé de mettre un terme aux essais menés, constatant l’inefficacité du traitement, et mettant un terme aux spéculations autour de l’efficacité du médicament.

Mais une association des deux médicaments peut entraîner “des troubles du rythme cardiaque, voire le décès si le patient présente des problèmes cardiaques”, alerte Matthieu Calafiore.

Une combinaison de médicaments “potentiellement mortelle”

“L’hydroxychloroquine et l’azithromycine peuvent avoir un impact délétère sur le système cardiovasculaire et constituent une combinaison potentiellement mortelle” écrivait en mai dernier l’INSERM, s’appuyant sur base de données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur les effets indésirables des médicaments.

“On pèse toujours le bénéfice et le risque de suivre un traitement. Ici, il n’y a clairement aucun bénéfice, pour des risques importants, notamment cadriovasculaires. Ne suivez pas ce protocole”, lance à destination des malades le docteur Matthieu Calafiore, qui craint que des malades suivent ce protocole et n’aggravent leur état de santé.