Covid-19 : La Chine reconnaît 60 000 morts depuis un mois, mais le bilan est bien plus lourd

Face à l’explosion des contaminations au Covid-19 en Chine, la Commission européenne se réunit ce 29 décembre pour trouver « une approche coordonnée » (Photo d’illustration : à l’aéroport international de Guangzhou Baiyun, dans la province chinoise du Guangdong , en mars).
NOEL CELIS / AFP Face à l’explosion des contaminations au Covid-19 en Chine, la Commission européenne se réunit ce 29 décembre pour trouver « une approche coordonnée » (Photo d’illustration : à l’aéroport international de Guangzhou Baiyun, dans la province chinoise du Guangdong , en mars).

SANTÉ - Un bilan largement sous-estimé. La Chine, critiquée pour son manque de transparence sur l’épidémie de Covid-19, a annoncé ce samedi 14 janvier environ 60 000 morts en lien avec le virus depuis la levée des restrictions sanitaires dans le pays, il y a un mois. Le nombre de décès est pourtant très certainement plus élevé, estime l’OMS, qui met en doute la méthodologie chinoise pour établir cette première évaluation des cas.

« Entre le 8 décembre 2022 et le 12 janvier 2023, un total de 59 938 [décès] ont été recensés » dans les établissements médicaux du pays, a indiqué devant la presse une responsable des autorités sanitaires, Jiao Yahui. C’est une volte-face dans la communication du pays : il y a encore trois jours, la Chine assurait que seulement 37 décès liés au Covid-19 avaient été comptabilisés en un mois.

Une méthodologie controversée

Parmi ces décès, 5 503 ont été causés directement par une insuffisance respiratoire liée au Covid-19, a précisé cette responsable. En outre, 54 435 décès sont dus à des maladies sous-jacentes associées au Covid, a-t-elle assuré. Sauf que ce bilan ne tient pas compte des décès survenus en dehors du système hospitalier.

Pékin a revu en décembre sa méthodologie pour la comptabilité des morts du Covid. Seules les personnes décédées directement d’une insuffisance respiratoire liée au Covid sont désormais intégrées dans les statistiques. Ce changement de méthodologie signifie qu’un grand nombre de décès ne sont plus répertoriés comme étant dus au Covid. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait critiqué cette nouvelle définition chinoise d’un mort du Covid, la jugeant « trop étroite ».

Ce premier état des lieux de la situation épidémique dans le pays arrive en outre très tardivement, plus d’un mois après la levée des restrictions sanitaires. Les autorités sanitaires justifient cette période de latence par « le temps nécessaire pour faire remonter les informations. »

Un million le nombre de morts dans les prochains mois ?

Après trois années de restrictions parmi les plus draconiennes au monde, la Chine a mis fin à sa politique « zéro Covid » début décembre et a brutalement levé l’essentiel de ses mesures sanitaires contre le coronavirus. Le nombre de malades a connu dans la foulée une forte croissance. Des hôpitaux se retrouvent submergés de patients âgés et des crématoriums apparaissent dépassés par l’afflux de corps.

À rebours de la situation observée sur le terrain, seule une poignée de décès avaient été jusque-là rapportés par les autorités. Pourtant, une projection réalisée début décembre par trois professeurs de l’université de Hong Kong chiffrait à un million le nombre personnes qui décéderaient à cause de cette sortie impréparée, après des années de restrictions sanitaires drastiques. En comparaison, l’estimation de 60 000 morts délivrée ce samedi par la Chine semble extrêmement basse.

Pour bien visualiser ce que représente ce chiffre, le journaliste du Figaro Louis Valleau a rapporté ces 60 000 morts liés au Covid à la population chinoise d’1.4 milliards d’habitants, et les a comparées au cas français. « Rapporté à la population française, cela ferait environ 2 871 décès par mois, sachant qu’au moins 2 988 personnes sont mortes du Covid-19 en France rien qu’en décembre 2022… », analyse-t-il sur son compte Twitter. Une manière de dire qu’en pleine explosion du nombre de contaminations au sein d’une population bénéficiant d’une couverture vaccinale bien moindre que celle les Français, il est légitime de douter de la communication de Pékin.

Une communication « pas nécessaire » ?

Mercredi 11 janvier, les autorités sanitaires chinoises avaient estimé qu’il n’était « pas nécessaire » dans l’immédiat de s’attarder sur le nombre précis de décès liés au Covid. « La tâche principale durant la pandémie est de soigner les patients », avait assuré l’épidémiologiste Liang Wannian. « Pour le moment, je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’enquêter sur la cause (des décès) pour chaque cas individuel », insistait celui qui est également en Chine le chef du groupe d’experts contre le Covid missionné par la Commission nationale de la santé.

Liang Wannian arguait également du manque d’homogénéité au niveau international au moment d’arrêter une classification concernant les décès liés au Covid. Si le consensus « ne peut être atteint, alors chaque pays effectuera une classification en fonction de sa propre situation », avait-il souligné.

La Chine pourrait déterminer les chiffres des décès en examinant a posteriori la surmortalité, avait suggéré de son côté Wang Guiqiang, chef du département des maladies infectieuses de l’Hôpital numéro 1 de l’université de Pékin.

Pic atteint

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a quant à elle déjà exprimé ses doutes à plusieurs reprises concernant les données épidémiologiques de Pékin. « Nous continuons à demander à la Chine des données plus rapides, régulières et fiables sur les hospitalisations et les décès, ainsi qu’un séquençage du virus plus complet et en temps réel », avait insisté le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Pékin a régulièrement fustigé ces critiques et appelé l’OMS à adopter une position « impartiale » sur le Covid.

Sur le plan sanitaire, le pic épidémique semble néanmoins avoir été dépassé. Fin décembre, près de 3 millions de patients dans tout le pays avaient consulté pour de la fièvre, contre moins de 500 000 au 12 janvier, selon les chiffres communiqués samedi.

À Pékin, centres commerciaux, restaurants et transports sont de nouveau animés, après plusieurs semaines durant lesquelles nombre d’habitants malades restaient chez eux. Mais les autorités redoutent désormais un nouveau rebond épidémique avec les déplacements liés aux festivités du Nouvel An lunaire, durant lesquelles des centaines de millions de Chinois s’apprêtent à se retrouver en famille.

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