« Le Couteau » de Salman Rushdie n’est pas seulement le récit de l’attaque qui a failli le tuer

L’auteur des « Versets sataniques » dit vouloir se servir de son nouveau roman comme d’un couteau et reprendre le contrôle du récit.

C’est sa façon de reprendre « le contrôle du récit ». L’écrivain Salman Rushdie raconte dans Le Couteau, des mémoires qui sortent ce jeudi 18 avril en France, l’attaque qui a failli le tuer en 2022, dernier épisode d’une vie sous la menace depuis ses Versets sataniques.

Un jour d’été, en pleine conférence littéraire au bord des Grands lacs américains, au nord de New York, un homme se rue sur Salman Rushdie. Couteau à la main, il le poignarde à de multiples reprises, le blessant grièvement au visage, au cou et à l’abdomen. L’écrivain a notamment perdu l’usage de son œil droit.

« Le livre, en soi, parle d’un couteau, mais lui-même est aussi un peu un couteau. Je n’ai ni armes ni couteaux, c’est donc l’outil que j’utilise. Et j’ai pensé que je l’utiliserais pour me battre », a expliqué l’Américano-Britannique né en Inde à la chaîne américaine ABC. Avant d’ajouter : « C’est devenu ma façon de contrôler le récit, si l’on peut dire. »

L’homme qui bouleverse sa vie est un jeune Américain d’origine libanaise, sympathisant de la République islamique d’Iran. Un rappel « brutal » de la fatwa émise par Téhéran en 1989, avait déclaré le romancier en octobre dernier, lors de la foire internationale du livre de Francfort, en Allemagne.

Les Versets sataniques

L’écrivain avait embrasé une partie du monde musulman avec la publication des Versets sataniques en 1988, conduisant le fondateur de la République islamique, l’ayatollah Ruhollah Khomeini, à émettre une fatwa réclamant son assassinat. Il avait longtemps été contraint de vivre dans la clandestinité et sous protection policière, allant de cachette en cachette.

La fatwa condamnant le romancier à mort n’a jamais été levée. Avant son agression, beaucoup des traducteurs de son livre ont été attaqués. L’un a même été tué : le Japonais Hitoshi Igarashi a succombé à plusieurs coups de poignard en 1991.

Avec les années, Salman Rushdie a confié à ABC avoir pensé que la menace avait fini par disparaître. Pourtant, il a raconté dans l’émission 60 Minutes de CBS avoir fait un cauchemar qui s’est avéré prémonitoire, quelques jours avant la conférence. Dans ce rêve, quelqu’un l’attaquait avec une lance dans un amphithéâtre romain.

Ébranlé, il a bien pensé renoncer à se rendre au festival, avant de se raviser. Dans son livre, il ne mentionne pas le nom de son assaillant, dit-il. « Lui et moi avons eu 27 secondes ensemble, la durée de l’attaque, a-t-il affirmé à CBS. C’est tout. Pas besoin de lui accorder davantage de mon temps. »

« Dernier soubresaut »

À propos de l’attaque elle-même, Salman Rushdie se souvient, dans un extrait de ses mémoires cité par le Guardian, qu’il a pensé être en train de mourir. Ce n’était pas « dramatique ou particulièrement horrible », juste « factuel », écrit-il. Mais il a ressenti une « profonde solitude » à l’idée qu’il mourait loin de ses êtres chers.

Au départ, a-t-il expliqué à CBS, il ne voulait même pas écrire sur l’agression, pour ne pas être réduit à cet événement comme il a pu l’être après les Versets sataniques et la fatwa. « Mais il est devenu évident que je ne pouvais pas écrire autre chose. Il fallait que j’écrive là-dessus d’abord, a-t-il raconté. Et puis c’est devenu un livre que j’avais vraiment très envie d’écrire. »

Aujourd’hui, il veut croire que l’attaque à laquelle il a survécu sera le point final d’une longue et angoissante saga. « J’espère qu’il s’agit du dernier soubresaut de cette histoire », a-t-il dit.

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