Couronnements de Charles III et d’Elizabeth II : le jeu des 7 différences

Le roi Charles III, ici à Westminster en mai 2022, est couronné 70 ans après sa mère Elizabeth II.
Le roi Charles III, ici à Westminster en mai 2022, est couronné 70 ans après sa mère Elizabeth II.

COURONNEMENT - A priori, il suffit de suivre le mode d’emploi. Serment, onction, présentation au peuple… Toutes les instructions pour organiser un couronnement ont été consignées, en 1382, dans le Liber Regalis, ou Livre royal, une relique illustrée conservée à l’abbaye de Westminster à Londres.

C’est là que se tiennent les cérémonies de couronnement des monarques britanniques, dirigées par l’archevêque de Canterbury, dont le déroulement reste effectivement quasiment inchangé depuis des siècles. Mais le roi Charles III ne pouvait ignorer que 70 ans séparent son sacre, ce samedi 6 mai, de celui de sa mère, le 2 juin 1953.

Alors qu’Elizabeth II s’était largement appuyée sur le couronnement de son père le roi George VI en 1937, lui-même fidèle à celui de son propre père George V en 1911, le nouveau monarque a fait savoir qu’il souhaitait une cérémonie plus moderne et sobre. Avec l’objectif de ne pas paraître déconnecté des Britanniques, qui subissent une sévère crise du coût de la vie et qui se questionnent, pour une partie d’entre eux, sur l’avenir de la monarchie depuis la mort de la reine en septembre.

Que restera-t-il du couronnement d’Elizabeth II pour celui de Charles III ? Le HuffPost joue au jeu des 7 différences.

1- Une liste d’invités plus longue que l’autre

Si Elizabeth II est devenue reine devant plus de 8 000 invités, seules 2 300 personnes (famille royale, dirigeants politiques, têtes couronnées et membres de la société civile) ont été conviées à la cérémonie religieuse de Charles III. Ce choix a d’ailleurs créé quelques remous à Londres, raconte le Daily Mail : tous les membres du Parlement ne sont pas sur la liste, et les époux et épouses des membres du gouvernement n’ont pas été conviés - ils et elles ne l’avaient déjà pas été à l’enterrement d’Elizabeth II. Seuls le Premier ministre Rishi Sunak et ses prédécesseurs au 10 Downing Street auront le droit d’amener leur +1.

Le roi Charles III a souhaité faire de cet événement le reflet de sa volonté d’une monarchie resserrée et financièrement responsable. Il sait aussi que le coût de l’opération « Golden Orb » (« Orbe d’or », le nom de code donné au couronnement), qui revient au gouvernement britannique et donc au contribuable, sera particulièrement scruté en pleine crise sociale. Aucune information officielle n’a encore été diffusée à ce sujet, mais le couronnement de sa mère avait coûté l’équivalent de plus de 22 millions d’euros.

2- Une cérémonie plus courte que l’autre

En 1953, la cérémonie d’Elizabeth II avait duré plus de trois heures. Celle de Charles III, elle, devrait durer deux heures. D’après le Times, Buckingham a notamment décidé de se passer d’une tradition, celle de remettre au roi des lingots d’or avant de les placer sur l’autel. Ce choix devrait par ailleurs éviter une image maladroite au vu de la crise qui secoue les Britanniques.

Le parcours de la procession qu’effectueront le roi et la reine après la cérémonie, entre l’abbaye de Westminster et le palais de Buckingham, a également été raccourci, comme le résume en images le tweet ci-dessous. Il sera identique au trajet aller et s’étalera sur seulement 2 kilomètres, qu’ils parcourront accompagnés de près de 4 000 militaires. Cela devrait prendre une trentaine de minutes.

Elizabeth II, elle, avait parcouru près de 8 kilomètres (son cortège lui-même s’étalait sur trois kilomètres) après son couronnement pour être vue par le plus grand nombre. La procession, à laquelle participaient 29 000 militaires, avait duré deux heures.

3- Le dress code n’est pas le même

Pas d’extravagance, jusque dans les tenues : avant le 6 mai, les membres de la Chambre des Lords ont reçu la consigne de s’habiller de manière plus simple qu’en 1953, indique le Telegraph. Eux qui portent normalement une robe de cérémonie spéciale pour les couronnements (en velours et fourrure), ainsi qu’une couronne qui détermine leur rang dans le système de pairie, devront se contenter de leur traditionnelle robe rouge au col d’hermine, portée pour le discours du souverain au Parlement… tenue qui n’a déjà rien de « casual » pour le Britannique moyen. Ils peuvent aussi venir en costume classique.

Le couronnement d’Elizabeth II, le 2 juin 1953.
Le couronnement d’Elizabeth II, le 2 juin 1953.

De son côté, le roi devra porter les différentes parures prévues pour tous les couronnements (et inscrites dans le Liber Regalis). Mais son uniforme militaire - il a servi dans la marine et l’armée de l’air - devrait constituer sa tenue principale, selon le Sun, ce qui tranchera forcément avec les culottes et chaussettes en soie portées par ses prédécesseurs masculins.

L’évolution de la cérémonie ne s’arrête pas aux tenues : pour la première fois, des représentants de cultes non-chrétiens ainsi que des femmes évêques prendront part au service religieux. Des textes seront également lus dans les langues des autres nations du Royaume-Uni : le gallois, le gaélique écossais et le gaélique irlandais. Enfin, la reine Camilla recevra l’onction sous les yeux du public et non à l’abri des regards, comme ce fut le cas pour la reine mère en 1937.

4- Ce carrosse n’a pas la même place (et c’est tant mieux pour Charles)

Il ne sera sorti qu’au dernier moment. Le traditionnel « Gold State Coach », le carrosse doré vieux de 260 ans qui transporte les souverains britanniques lors des grands évènements, ne sera utilisé par le couple royal qu’au retour à Buckingham, après la cérémonie. Pour l’aller, ils ont préféré opter pour le « Diamond Jubilee State Coach », construit en 2012, le plus moderne de la couronne avec sa climatisation, ses vitres électriques et ses amortisseurs.

En 1953, Elizabeth II avait fait l’aller-retour dans le « Gold State Coach », une expérience qu’elle avait qualifiée d’« horrible » lors d’une interview en 2018, en raison du manque de confort dans le vieux carrosse. Et il se trouve que Charles et Camilla souffrent tous deux de problèmes de dos, rappelle la presse britannique, même si Buckingham indique seulement qu’il s’agit d’un « choix personnel ».

Le « Gold State Coach », ici photographié en mai 2022 au palais de Buckingham à Londres.
Le « Gold State Coach », ici photographié en mai 2022 au palais de Buckingham à Londres.

« Quand vous êtes derrière, vous l’entendez craquer, ça fait comme un vieux galion qui avance », décrit Martin Oates, restaurateur des carrosses royaux, interrogé par le Guardian. Ce 6 mai, il sera donc chargé de marcher derrière le coche, une barre en T à la main, pour assurer que le bolide soit bien immobilisé lors des arrêts. Un couronnement moderne, vous avez dit ?

5- L’héritier de la couronne n’a pas le même rôle

Lorsqu’elle est couronnée, Elizabeth II a 27 ans. Son premier enfant Charles, l’héritier au trône, n’a alors que 4 ans et n’assiste qu’à une partie de la cérémonie. Sa petite sœur Anne, qui n’a pas encore 3 ans, n’y prend même pas part.

Le jeune prince Charles entouré de la reine mère et de la princesse Margaret lors du couronnement d’Elizabeth II à Westminster, le 2 juin 1953.
Le jeune prince Charles entouré de la reine mère et de la princesse Margaret lors du couronnement d’Elizabeth II à Westminster, le 2 juin 1953.

Une différence majeure avec le couronnement de Charles III, qui doit fêter ses 75 ans à la fin de l’année. Son aîné le prince William, 40 ans, sera forcément au centre des attentions pour cet événement même si, comme le note un spécialiste interrogé par le Daily Express, il n’y a pas de règle sur le rôle que doit tenir l’héritier lors d’un couronnement - certains souverains n’ayant même pas d’enfant au moment de leur sacre.

Cette fois-ci, le traditionnel « hommage des pairs », durant lequel une longue liste de représentants de la noblesse s’agenouillent devant le roi et lui prêtent allégeance, est supprimé. Selon le Times, seul William fera ce serment devant son père. Ensuite, l’ensemble de la population sera encouragé à prêter allégeance au souverain, « par le cœur et la voix », dans un « hommage du peuple ». Le prince Harry, qui a tardivement confirmé sa présence (sans Meghan Markle ni leurs enfants), ne devrait avoir aucun rôle particulier, puisqu’il s’est retiré de ses obligations royales.

Le prince George, 9 ans, 2e dans l’ordre de succession au trône, deviendra quant à lui le plus jeune futur roi à avoir un rôle officiel dans un couronnement : il sera l’un des quatre pages d’honneur de Charles III, notamment chargé de soutenir la traîne de son grand-père.

6- Une cérémonie qui cache deux couronnements

Ce 6 mai marque aussi le sacre de la reine consort Camilla, qui portera la couronne de la reine Mary, la grand-mère d’Elizabeth II. Ce n’était pas le cas du prince Philip, époux de la défunte reine, qui n’avait pas été couronné en 1953.

Les règles sont tout simplement différentes si le souverain est un homme ou une femme, car on considère qu’un époux pourrait menacer l’autorité d’une reine s’il prenait le titre de roi : « Sauf si une décision contraire est prise, une reine consort est couronnée avec le roi, avec un cérémonial similaire mais plus simple. Si le nouveau souverain est une reine, son consort n’est ni couronné ni oint lors du couronnement », indique Buckingham sur son site internet. C’est pour cela que Philip n’a jamais été « roi consort ».

7- L’un de ces couronnements s’étale sur 3 jours

Trois jours de fête sont prévus à partir du 6 mai. Au-delà de la cérémonie de samedi, les Britanniques sont invités à partager une quiche aux épinards et aux fèves le dimanche pour des pique-niques entre voisins. La famille royale a aussi appelé à profiter du lundi 8 mai, férié, pour faire des actions de bénévolat.

Le samedi soir, un concert aura lieu au château de Windsor, à l’ouest de Londres, une première. 20 000 personnes, dont 10 000 Britanniques tirés au sort, pourront y assister. Katy Perry, Lionel Ritchie et Andrea Bocelli en seront les têtes d’affiche… mais aucune mégastar made in England. Selon la presse, plusieurs célébrités britanniques comme Elton John, Adele, Ed Sheeran, ou Harry Styles ont refusé l’invitation, officiellement à cause d’agendas déjà trop chargés.

D’après un sondage YouGov réalisé mi-avril, 64 % des Britanniques et 75 % des jeunes ne sont pas intéressés par le couronnement, mais 46 % pensent quand même qu’ils regarderont l’événement – des écrans géants vont être disposés un peu partout dans le pays – ou participeront à certaines célébrations.

En 1953, 27 millions de personnes avaient regardé l’événement en direct au Royaume-Uni, et 11 millions l’avaient suivi à la radio. À la demande de la reine elle-même, son couronnement a été le premier diffusé en intégralité et en direct à la télévision.

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