Coupures d'électricité: le gouvernement hésite entre dramatisation et confiance

La quadrature du cercle. Après les annonces de RTE renvoyant aux risques de tensions sur le réseau électrique au début de l'année 2023 pouvant entraîner des coupures, l'exécutif tente de rassurer tout en préparant les esprits. Quitte à montrer des hésitations sur la communication à adopter.

"On rentre dans une zone de grande inconnue en janvier prochain", résume à grand trait le député Damien Adam (Renaissance) auprès de BFMTV.com.

"Un scénario noir"

"On essaie de faire preuve de pédagogie en cas de scénario noir tout en disant qu'on va y arriver", avance encore membre de la commission du développement durable à l'Assemblée nationale.

En cas de très forte demande sur le réseau, certains départements pourraient voir l'électricité coupée aux périodes de pic de consommation, le matin entre 8 heures et 13 heures et le soir entre 18 heures et 20 heures. La mise en place de ce dispositif, qu'on appelle un "délestage", fait suite aux annonces du gestionnaire du réseau électrique français, RTE.

La situation serait inédite depuis la Seconde Guerre mondiale, expliquant que le gouvernement marche sur des œufs.

Des propos au "conditionnel"

"Il se pourrait cette année, et je veille à l'usage du conditionnel, que la production et la demande d'électricité ne soient pas totalement alignées certains jours de grand froid", a ainsi avancé le porte-parole du gouvernement mardi.

Avant de s'empresser d'ajouter que le gouvernement "gardera à chaque fois les moyens d'éviter les coupures". Rebelote ce jeudi matin sur BFMTV.

"Dans la situation où on aurait un hiver particulièrement froid donc particulièrement coûteux en énergie (...), il pourrait avoir des situations de tension sur la ligne électrique", a lancé Olivier Véran.

Tout en précisant "ne pas être en train d'annoncer aux Français qu'il y aura des coupures" et que le pays n'était pas "dans un film catastrophe".

"Très compliqué" en cas de vague de froid

Preuve du malaise: la relative discrétion ces derniers jours des deux ministres en première ligne sur ce dossier, Christophe Béchu et Agnès Pannier-Runacher, prise par les discussions avec les oppositions sur le projet de loi énergies renouvelables.

Pour expliquer cette rhétorique qui semble alterner entre le chaud et le froid, un conseiller ministériel qui planche sur le sujet avance deux explications, à commencer par celle du temps.

"On ne sait pas encore qu'elles seront les températures en janvier. Si elles sont douces ou dans les normales de saison, on devrait tout à fait tenir le coup. Sinon, ça risque d'être très très très compliqué", traduit-il.

Le délestage, "une opération qui fait un peu peur à tout le monde"

Seconde incertitude qui explique le pas de deux du gouvernement : le calendrier d'EDF. Si la dizaine de réacteurs à l'arrêt pour cause de problème de soudures repartent bien au mois de décembre comme prévu, l'exécutif veut croire que le réseau électrique tiendra le coup. Tout en prévoyant donc ce que cela ne soit pas le cas, comme le pensent plusieurs spécialistes du réseau électrique.

"Le délestage est une opération qu'on n'a jamais pratiquée en France et qui fait un peu peur à tout le monde. D'où ce discours qui dit 'anticipons' sans être dans le catastrophisme", décrypte son côté Jean-Marc Zulesi, président de la commission Développement durable à l'Assemblée nationale.

Pour éviter tout couac, les agences régionales de santé vont transmettre une liste des patients à haut risque vital de leur territoire aux gestionnaires de distribution d'électricité.

"On sera directement responsable"

Parmi ceux-ci, on trouve notamment le cas des personnes qui dépendent d'appareils électriques pour vivre, comme les patients sous respirateur. Autre gros caillou dans la chaussure du gouvernement: tous les services de secours seront injoignables durant un délestage, à l'exception du 112 qui "devrait être moins perturbé", d'après une note d'Élisabeth Borne aux préfets révélé par Europe 1.

"C'est sûr que si quelque chose foire, on sera directement responsable", soupire-t-on encore dans l'entourage d'un ministre.

De quoi pousser le gouvernement à une approche maximaliste tout en voulant éviter la panique.

Article original publié sur BFMTV.com