Coup d’État au Niger : la perspective d’un conflit armé étudiée par la Cedeao et le gouvernement déchu

La Cedeao a annoncé se réunir prochainement pour parler d’une éventuellement intervention militaire. Face à cette éventualité, la Russie et le Mali appellent à un règlement pacifique du conflit.

INTERNATIONAL - Près de trois semaines après le coup d’État au Niger, la tension est toujours aussi palpable entre les putschistes et les États voisins d’Afrique de l’Ouest. Ce mardi 15 août, la Cedeao a indiqué que l’organisation allait se réunir jeudi et vendredi pour décider des contours d’une possible intervention armée.

La veille, un ministre du président renversé Mohamed Bazoum interrogé par Le Monde avait déjà été clair : si les États d’Afrique de l’Ouest n’interviennent pas, les alliés du président séquestré agiront eux-mêmes pour déloger les responsables du putsch. Le HuffPost fait le point sur la situation.

• Un ministre de Bazoum « prêt à entrer en guerre »

Rhissa Ag-Boula, ministre d’État et proche conseiller du président Bazoum, n’a pas mâché ses mots dans un entretien accordé au Monde et publié lundi 14 août. Il y qualifie le général Tiani, le responsable du coup d’État, de « bidasse » et de « pacotille », et se dit prêt, avec ses alliés, « à entrer en guerre » contre la junte si « la communauté internationale, Cedeao en tête » n’agit pas.

« S’il n’y a pas d’intervention pour ramener la légalité constitutionnelle au Niger et libérer le président Bazoum, les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest vont totalement perdre leur crédibilité auprès des populations africaines, et l’Occident va perdre le Sahel. Ce serait très grave », alerte-t-il.

D’après lui, une action armée de la Cedeao est « faisable ». Il donne sa propre stratégie, évoquant « une opération chirurgicale » au palais où le président est retenu. « C’est l’affaire de deux, trois frappes, c’est tout, affirme Rhissa Ag-Boula. Ensuite, ce sera la débandade au sein de la garde présidentielle, l’unité à l’origine du putsch. Il n’y aura rien après, ce sera le calme total et le retour à l’ordre constitutionnel. »

Toujours aussi sûr de lui, le conseiller du président assure en outre que Mohamed Bazoum ne démissionnera pas même si « les conditions dans lesquelles il est séquestré, avec sa femme et son fils, sont très difficiles ».

• La Cedeao se réunit pour parler de l’intervention

Dans le même temps, et alors qu’elle était attendue la semaine dernière, la réunion militaire ouest-africaine devant évoquer une possible intervention armée au Niger pour rétablir le président Mohamed Bazoum aura finalement lieu à partir de ce jeudi 17 août au Ghana. Elle interviendra donc après la décision de l’organisation de déployer une « force en attente », pour rétablir dans ses fonctions le président du Niger renversé.

La Cedeao a par ailleurs dénoncé une « nouvelle provocation » des militaires ayant pris le pouvoir à Niamey, ces derniers ayant fait connaître leur intention de poursuivre devant les tribunaux le président déchu « pour haute trahison ». La junte assure avoir réuni des « preuves », en s’appuyant sur des « échanges » qu’aurait eus Mohamed Bazoum avec des « nationaux », des « chefs d’État étrangers » et des « responsables d’organisations internationales ».

Les pays membres de la Cedeao
Les pays membres de la Cedeao

Face à la possibilité d’une intervention armée des pays d’Afrique de l’ouest, les putschistes ont pour leur part haussé le ton. Ils ont rappelé l’ambassadeur du Niger à Abidjan pour « consultation », après des propos du président ivoirien Alassane Ouattara qui a fait, selon eux, « l’apologie de l’action armée » contre leur pays.

Pour autant, derrière ces discours belliqueux, la voie du dialogue n’est pas abandonnée. Samedi dernier, le 12 août, une délégation de chefs religieux nigérians musulmans, menée avec l’accord du président nigérian Bola Tinubu, également à la tête de la Cedeao, s’est rendue à Niamey pour « apaiser les tensions créées par la perspective d’une intervention militaire ».

Selon cette médiation, qui a été reçue par le nouvel homme fort du Niger, le général Abdourahamane Tiani, les militaires sont prêts à « explorer la voie de la diplomatie et de la paix afin de résoudre » la crise. Tout en mobilisant ses troupes, la Cedeao a aussi répété sa préférence pour privilégier la « voie diplomatique ».

• Poutine et la junte malienne appellent au calme

Le règlement pacifique du conflit, c’est également la priorité de Moscou et Bamako. Ce mardi, au cours d’un entretien téléphonique, le président russe Vladimir Poutine et son homologue malien Assimi Goïta, arrivé par la force dans des circonstances proches de la situation actuelle au Niger, ont souligné « l’importance de régler la situation uniquement par des moyens pacifiques politico-diplomatiques ».

Cet entretien téléphonique a eu lieu à l’initiative du Mali, pays voisin du Niger et dont le président a conquis le pouvoir par un putsch en 2020. Très rapidement après le coup d’État au Niger, Assimi Goïta avait d’ailleurs affiché sa solidarité avec les militaires au pouvoir à Niamey.

Vladimir Poutine s’est exprimé sur la situation en Afrique dans un message vidéo diffusé à une conférence sur la sécurité internationale organisée près de Moscou. Il a accusé « les États-Unis et leurs alliés » d’avoir exposé les pays du Sahel et la République centrafricaine à des menaces « directes issues des nombreux groupes terroristes ».

Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a accusé l’Occident de « maintenir des foyers de conflit » sur le continent africain afin de profiter des ressources naturelles de ses anciennes colonies. Il a assuré que le ministère russe de la Défense allait « continuer à renforcer sa coopération dans le domaine militaire et technique avec les pays d’Afrique », en qualifiant « la lutte contre le néo-colonialisme et la menace terroriste » de « fondement » de la coopération entre Moscou et les pays africains.

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