"Vous me faites ch** avec vos précautions, ce n’est qu’une grippette", l'enfer des vendeurs depuis le déconfinement

Des vendeurs portent des masques de protection pour la réouverture des commerces.

Si le 11 mai était synonyme de retour à une vie “plus normale” pour beaucoup, pour certains vendeurs, la journée a été un calvaire.

Magasins d’ameublement, de vêtements ou de bricolage... Le 11 mai, ces magasins ont été pris d’assaut par les clients pour leur réouverture, après près de deux mois de confinement. Du bonheur pour les clients qui ont parfois fait vivre l’enfer aux vendeurs de ces magasins, jusqu’à l’insulte parfois. Sur Twitter, plusieurs d’entre eux ont partagé leur désarroi.

Des vendeurs nous ont confié leur désarroi face au comportement des clients : refus de porter un masque, non-respect des gestes barrières... Leurs nerfs ont parfois été mis à rude épreuve.

Après deux mois sans sortir de chez elle, ni même faire les courses, la reprise du travail a été compliquée pour Laura* qui travaille dans un magasin de multimédia et d'électroménager en région parisienne : “Je suis passée d'une vie sans voir personne à part mon conjoint à, du jour au lendemain, revoir beaucoup de monde, apprendre à sociabiliser à nouveau”.

“J’ai la boule au ventre”

Si son entreprise l’a équipée d’un masque et d’une visière pour la protéger, le contact avec un public peu respectueux des consignes sanitaires a été très difficile. “J’ai peur d'attraper le virus bêtement à cause de certains clients qui ne sont pas assez respectueux des consignes. Je n'ai pas envie d'aller travailler car j'ai la boule au ventre, je m'expose chaque jour à de nouveaux inconnus”, nous explique-t-elle.

Pour entrer dans le magasin où travaille Laura*, le port du masque est obligatoire, et les clients doivent se désinfecter les mains avec du gel hydroalcoolique mis à disposition à l’entrée, sous la surveillance d’un vigile. Des mesures que tous les clients ne comprennent pas. “Certains refusent le gel soit parce qu'ils en ont déjà mis, soit parce qu'ils ont des gants ou juste parce qu'ils n'ont pas envie”, ajoute Laura.

“On ne risque rien, vous avez un masque”

À l’intérieur du magasin, l’incivilité se poursuit : “Des clients baissent ou enlèvent leur masque une fois entrés dans le magasin. Lundi, un client qui a porté son masque en dessous du menton pendant tout le temps de la vente, l'a remonté sur le nez une fois la vente terminée. D’autres clients se vexent quand je leur demande de garder les distances : ‘Ça va on ne risque rien vous avez un masque et une visière’, nous disent-ils. C’est pesant”, explique la vendeuse.

Un manque de civisme également constaté par Sylvain, vendeur dans un magasin d’ameublement en Bretagne. Lui et ses collègues sont équipés de masques, un marquage au sol a été mis en place pour respecter les distances dans le magasin et un fléchage installé pour éviter que les clients ne se croisent trop.

“Vous me faites ch*** avec vos précautions”

Mais certains clients n’en font qu’à leur tête. “Il n’y a aucun civisme, le marquage n’est pas respecté. Lorsqu’on fait poliment remarquer à des clients qu’ils doivent reculer pour respecter les distances, notamment lorsqu’ils parlent aux vendeurs, ils répondent : ‘Vous me faites ch** avec vos précautions, ce n’est qu’une grippette’”, nous confie Sylvain.

“Nous sommes dans une région peu exposée au Covid, peut-être que les clients ont moins conscience des risques qu’ailleurs”, tente d’expliquer Sylvain. Avec 232 morts à l’hôpital depuis le début de l’épidémie de Covid-19, la Bretagne est l’une des régions les moins touchées, alors qu’on recense plus de 17 000 décès à l’hôpital sur l’ensemble du pays.

Ils essaient les vêtements et remettent en rayon

Dans une région davantage touchée par le Covid-19, les Hauts-de-France qui sont classés “rouge”, l’incivilité est également ressentie par les vendeurs. Lucas travaille dans un magasin de prêt-à-porter du Pas-de-Calais. Il reconnaît qu’il est “compliqué” de faire respecter les gestes barrières aux clients. “Nous mettons des masques pour protéger les clients. Mais certains ne le font pas et nous exposent, en nous postillonnant dessu,s en nous parlant à quelques centimètres à peine. C’est un manque de respect !”.

Une exposition au Covid-19 renforcée par le secteur dans lequel il travaille : le prêt-à-porter. En théorie, nous explique-t-il, une fois essayés, les vêtements doivent être posés dans une endroit dédié par les clients afin que le personnel puisse les désinfecter avant qu’un autre client ne les essaye. Mais en réalité, “la mesure n’est pas assez respectée, certains clients essayent les vêtements et les remettent en rayon, exposant ainsi au virus le client suivant”, nous explique ce jeune vendeur, un peu dépité par la situation.

Audrey, elle, a pu jauger le changement autour du 11 mai. Gérante d’une boutique d’informatique dans l’Orne, elle a maintenu son commerce ouvert durant le confinement pour les réparations informatiques urgentes et les besoins des professionnels. Elle a senti un changement autour du déconfinement. “Pendant le confinement, les clients étaient précautionneux, m’appelaient avant de venir au magasin pour s’assurer que la pièce était disponible, portaient un masque...”, détaille-t-elle.

“Des clients refusent de porter un masque”

Dans sa boutique, le port du masque est obligatoire, du gel hydroalcoolique est à disposition et une affiche précise de ne pas entrer à plus de 3 dans la boutique. Un stock de masques est même à disposition pour les clients qui n’en auraient pas.

“Depuis lundi, on a le retour des clients plus classiques. Ils ne suivent pas du tout les indications. Ils rentrent dans la boutique sans prendre en compte le nombre de personnes, refusent de porter un masque sous prétexte que les vendeurs en ont un, ne respectent pas le marquage au sol...”. Mais après deux mois de confinement, difficile de refuser un client même s’il ne porte pas de masque...