Coronavirus : "le confinement n'est plus tenable en Ehpad"

Une résidente de l'EHPAD "Les Flaxinelles", à Bergheim.

Tentative de suicide de résident, dépression, perte d’autonomie, repli sur soi... Des dirigeants d’Ehpad réclament pour un aménagement du confinement. 6524 décès en Ehpad et établissements médicaux sociaux ont été recensés depuis le début de l’épidémie.

Concilier santé mentale des résidents et protection contre le coronavirus. C’est la problématique qui s’offre aux dirigeants des Ehpad et des établissements sociaux, à l’heure du confinement. Depuis le 12 mars, les visites familiales sont interdites les Etablissements d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes. “J’ai conscience de l’isolement que cela représente”, reconnaissait le ministre de la Santé, Olivier Véran, à la prise de cette décision.

Plus d’un mois après la mise en place de cette mesure pour éviter l’entrée du virus dans ces établissements, et alors qu’on recense 6524 décès en Ehpad et établissements médicaux sociaux au 15 avril, la situation pèse sur les résidents. Notamment sur leur moral.

“Des troubles du comportement, une tentative de suicide...”

“Des résidents développent des troubles du comportement, des troubles dépressifs. Un adhérent m’a rapporté avoir fait face à une tentative de suicide d’un résident. Ce confinement pèse sur le moral des résidents, des familles, et des soignants qui y exercent. Ce n’est plus tenable”, nous confie Romain Gizolme, directeur de l'association des directeurs au service des personnes âgées (AD-Pa). Des propos appuyés par les personnels au contact des personnes âgées.

“On a vu des résidents qui avaient un syndrome de glissement, des personnes âgées qui n’ont plus leurs repères et refusent de s’alimenter”, explique dans la Voix du Nord Perrine Poulain, cadre de santé dans un Ehpad du Nord.

“Des résidents perdent en autonomie, faute de kiné !”

Si un premier pas a été franchi par Emmanuel Macron en autorisant les visites auprès des proches en fin de vie dans les Ehpad, cela reste insuffisant aux regards des dirigeants de ces établissements.

Face à la crainte de voir un effet dévastateur du confinement sur leurs résidents, des dirigeants d’EHPAD appellent les autorités à assouplir le confinement pour éviter une sur-mortalité due à la dépression engendrée par le confinement.

“Maintenant que nous avons des masques et des tests, il faut adapter le confinement. Le maintenir, pour préserver la santé, mais assurer aussi la santé physique et le bien-être psychologique en permettant à des professionnels de santé de venir”, ajoute Romain Gizolme.

Lutter contre le repli sur soi

Car dans les Ehpad, seule la kiné respiratoire se poursuit. “Des résidents perdent en autonomie, ne marchent plus normalement car ils n’ont plus la kiné dont ils bénéficiaient auparavant. Il faut aussi renforcer le suivi psy de nos résidents pour éviter la dépression. Testons-les, équipons-les de masques, mais qu’ils puissent revenir soigner les résidents !”, clame-t-il.

Pour lutter contre le repli sur soi observé chez de nombreux résidents, le directeur de l’AD-Pa plaide pour un retour des bénévoles au sein des établissements, afin d’organiser des activités avec les résidents et rompre leur isolement.

Réfléchir aux visites des familles

La question des visites des familles reste également un des points cruciaux de la situation en Ehpad. Plusieurs dirigeants plaident pour une reprise des visites, quitte à ce qu’elles aient lieu dans des conditions particulières. Dans Le Figaro, la directrice générale du Groupe Korian, qui gère de nombreux EHPAD en France, propose un système “de visites en plein air, hors les murs, pourquoi pas en présence de volontaires qui seraient testés. Nous devons y réfléchir maison par maison”, explique Sophie Boissard.

Autre piste, avancée par Romain Gizolme, celle des salles de restauration. “Elles sont assez peu utilisées en raison du confinement. On peut imaginer des tables à distance suffisantes pour respecter les mesures barrière, avec le port de masque et du gel hydroalcoolique à disposition pour les familles. Pour elles, la situation n’est pas tenable non plus, elles trouvent le temps long, loin de leurs proches”.

La preuve en est, jeudi dernier, Hedwig, 79 ans, était venue saluer son mari depuis l'extérieur, à travers la fenêtre fermée d'un Ehpad de Graulhet, dans le Tarn. Pour ce geste symbole de l’éloignement entre familles et proches, elle avait été verbalisée par la gendarmerie. Une amende depuis annulée face au tollé provoqué.

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Certains établissements ont pris les devants, et d’ores et déjà organisé des visites à des strictes conditions avec les familles. C’est notamment le cas en Haute-Savoie, à l’Ehpad de Sillingy, où 4-5 familles ont pu visiter leurs proches, à la demande de l’établissement, rapporte Europe 1.

Des Ehpad prennent les devants

Seules les familles de proches présentant des syndromes de "glissement", refus de se nourrir ou entrée en dépression sont contactées et viennent sur rendez-vous dans des conditions strictes : “port du masque, port d'une blouse, et port de lunettes ou de visières en fonction de la maladie ou de la pathologie", précise auprès d’Europe 1 Virginie Pommier, la responsable vie sociale de l’établissement.

La visite se déroule dans une pièce uniquement dédiée à ces visites, désinfectée avant et après la visite. Voilà à quoi pourraient désormais ressembler les visites en EHPAD dans les prochains mois, afin de casser l’isolement des résidents.