Convocation de Panot et Hassan : sur quoi s’appuie LFI pour y voir la main du gouvernement

Manuel Bompard photographié ce 30 avril lors des Questions au gouvernement  (illustration)
THOMAS SAMSON / AFP Manuel Bompard photographié ce 30 avril lors des Questions au gouvernement (illustration)

POLITIQUE - L’accusation est grave, puisque c’est du principe primordial de la séparation des pouvoirs dont il est question. Après la convocation de la présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, et de la candidate aux élections européennes Rima Hassan pour « apologie du terrorisme » sur fond de contestation de l’offensive sans merci menée par l’armée israélienne à Gaza et en Cisjordanie, les troupes mélenchonistes désignent explicitement le gouvernement comme étant l’instigateur de ces procédures.

Des procédures qui interviennent par ailleurs en pleine campagne électorale pour les élections européennes, ce qui donne à ces accusations une dimension encore plus sensible, car c’est une instrumentalisation de la justice à des fins politiques qui est ici décrite. « Aujourd’hui, quand on voit la France sous Emmanuel Macron, ça donne une pâle copie d’un certain nombre de régimes autoritaires dans le monde », a affirmé ce mardi 30 avril depuis le Palais Bourbon le coordinateur national de la France insoumise, Manuel Bompard, avant de remettre en cause l’indépendance de la justice.

La circulaire du 10 octobre

En cause, une circulaire envoyée par Éric Dupond-Moretti, demandant aux procureurs une « réponse pénale ferme et rapide » face à « l’apologie du terrorisme » qui s’exprimerait à la suite de l’attaque terroriste commise par le Hamas contre Israël le 7 octobre. Ce qui, selon le Garde des sceaux, concerne « les propos vantant les attaques, en les présentant comme une légitime résistance à Israël ». Pour Manuel Bompard, comme pour Mathilde Panot, la convocation des insoumis résulte de cette circulaire, qui vise à « criminaliser » les discours mettant en cause l’action du gouvernement israélien à l’égard du peuple palestinien.

Auprès de Libération le 24 avril, plusieurs spécialistes de droits faisaient effectivement un lien entre cette circulaire et la multiplication de ces procédures pénales, permises depuis la loi Cazeneuve de 2014. Et pour une raison simple : les procureurs sont placés sous l’autorité du Garde des sceaux. « Et le parquet est discipliné. Donc si Dupond-Moretti demande la plus grande célérité et sévérité, les parquets s’y tiennent », expliquait alors Olivier Cahn, professeur de droit pénal de l’université de Cergy, cité par le quotidien.

Mais cela suffit-il à voir dans ces convocations la main du gouvernement, et une volonté politique de nuire à LFI à travers la justice ? De son côté, le ministère de la Justice souligne que ces procédures ont été ouvertes à la suite de plaintes, et que les parquets en question ne se sont pas autosaisis. « La justice a été saisie, et elle dira ce qu’elle a à dire, en toute indépendance », a répliqué ce mardi Éric Dupond-Moretti, démentant toute instrumentalisation de la justice. Très loin de convaincre les insoumis, dont certains accusent carrément l’exécutif de tirer les ficelles de ces procédures.

« Barbouzerie »

« Aucun parquet ne va lancer des convocations contre une présidente de groupe parlementaire sans l’aval d’un ministre, on le sait très bien », a répliqué le député insoumis de Haute-Garonne Hadrien Clouet, qui perçoit « une décision politique voulue dans une période électorale » derrière ces convocations. « C’est la main du gouvernement, c’est un cabinet noir, c’est une barbouzerie », a-t-il dénoncé, dans une argumentation fleurant bon la défense de François Fillon durant la présidentielle de 2017.

Chef de file de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon a quant à lui accusé le ministre de la justice d’avoir sciemment attendu sept mois, entre sa circulaire et la campagne européenne, pour organiser « un interrogatoire politique par la police en pleine élection ».

Sans aller jusqu’à reprendre ce vocabulaire, le député socialiste de l’Eure, Philippe Brun, a lui aussi émis l’idée d’une implication gouvernementale. « Je crois qu’il y a un peu de zèle de la part de la police judiciaire. Moi je m’interroge s’il n’y a pas des instructions qui ont été faites d’en haut. Avec la réforme de la police judiciaire on peut se poser la question », a estimé l’élu PS, en référence à l’inquiétude que fait peser la réforme récente de la PJ au sujet de l’indépendance de la justice, et notamment sur les cas d’affaires portant atteinte la probité des élus.

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