Construction psychique, limites éducatives... Peut-on continuer à punir les enfants ?

Donner une fessée à un enfant pourrait bientôt être interdit par la loi - LOIC VENANCE / AFP
Donner une fessée à un enfant pourrait bientôt être interdit par la loi - LOIC VENANCE / AFP

Plusieurs spécialistes de la petite enfance battent en brèche la théorie de l'éducation positive et rappellent l'importance des limites à imposer, tout en respectant l'intégrité de l'enfant.

Faut-il continuer à punir les enfants ? La question taraude de nombreux parents. L'éducation positive, mouvement qui s'est développé entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, est une approche qui se veut bienveillante envers les enfants, et qui vise à instaurer un dialogue avec lui plutôt que d'avoir recours à la punition. Une philosophie qui s'est concrétisée en France avec la loi anti-fessée, définitivement promulguée par le Parlement en 2019.

Mais cette méthode éducative est de plus en plus discutée. Parmi ses principaux pourfendeurs, Caroline Goldman, psychologue pour enfants et adolescents qui présente également un podcast extrêmement populaire sur les questions éducatives, qui pointe les différentes failles de cette méthode.

"Ce qui cloche dans cette méthode, c'est le déni de besoin psychique des enfants qui ne concerne ni l'amour ni les explications, qui concerne la rencontre avec les limites éducatives et l'apprentissage de la frustration", faisait-elle valoir en décembre, dans un entretien accordé à la radio-télévision suisse.

À quel âge commencer à poser des limites ?

Interrogée à ce sujet sur BFMTV ce mardi matin, Fanny Lefevre-Pontalis, psychologue pour enfants, abonde dans ce sens et décrit dans un premier temps les méfaits que l'éducation positive peut impliquer.

"Pour moi, globalement, depuis huit ans, je dirais qu’il y a une explosion des troubles du comportement, d’enfants qui sur le papier vont bien, avec des parents aimants, au plus proche de leurs intérêts", commence-t-elle.

Selon la spécialiste, ces troubles qui vont "d’une agitation psychomotrice au fait qu’il puisse mordre, taper, et ne jamais obéir aux parents" sont en partie liés à "la façon dont elle (l'éducation positive, ndlr) est appliquée en France."

C'est là que la construction psychique et "les limites éducatives" évoquées par Caroline Goldman entrent de nouveau en scène. Pour Fanny Lefevre-Pontalis, la première année d'un enfant doit être réservée à cette construction. "C’est de pouvoir l’aimer, le sécuriser, être tendre le plus possible", décrit-elle.

"Puis à partir d'un ou deux ans il faut établir certaines limites éducatives, pas des punition violentes, mais poser un stop, une limite, quand il se met en danger lui-même ou met en danger la vie sociale de la famille", ajoute la psychologue pour enfants.

Ces limites éducatives peuvent se traduire par ce que la spécialiste appelle un "time out."

"A savoir l’isolement dans la chambre ou dans une pièce, c'est comme mettre au coin, quelques secondes ou minutes avec des jouets et des livres. Ça peut calmer tut le monde."

Le "time out" également obsolète ?

La méthode du "time out" est pourtant elle-même vivement critiquée. En octobre dernier, le Conseil de l'Europe avait ainsi indiqué que cette injonction pourrait être prochainement déconseillée aux parents. Regina Jensdottir, cheffe de la division des droits des enfants au Conseil de l'Europe estimait que le "time out" était "obsolète" et devait être "retravaillé".

Pour autant, un juste milieu doit être trouvé en matière d'éducation. Malgré l'interdiction, un quart des parents considèrent encore acceptable le fait d'user d'un type de violence verbale ou physique à l'encontre de leur enfant afin de l'éduquer.

Auprès de BFMTV, Marine Manard, neuropsychologue et fondatrice du magazine Parentalité sans tabou, conclut en rappelant les effets néfastes d'une éducation trop brutale.

"L’éducation par la peur, le fait d’imposer son autorité et d’exiger l’obéissance de l’enfant par l’autorité, va amener des difficultés comportementales. Il y a des effets sur le cerveau qui ont été observés, de gestion émotionnelle, psychologiques, de l’anxiété pour certains enfants", liste-t-elle.

Article original publié sur BFMTV.com

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