Constitutionnalisation de l’IVG : pourquoi le RN a changé d’avis subitement ?

Marine Le Pen à l'Assemblée nationale (Photo by Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP)
Marine Le Pen à l'Assemblée nationale (Photo by Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP)

Mi-novembre, Marine Le Pen assurait pourtant ne pas comprendre les demandes de constitutionnalisation de l'IVG.

Virage à 180° pour le RN. Jusqu'à présent, le RN rejetait l'idée de constitutionnaliser le droit à l'avortement, comme le répétait notamment Marine Le Pen dans le JDD mi-novembre, mettant en avant le fait qu'"aucune formation politique en France ne réclame la suppression de ce droit".

Mais en quelques jours, la direction du parti semble avoir changé d'avis. Selon RTL, le RN a déposé un amendement qui vise à constitutionnaliser la loi Veil, à l'instar notamment des députés insoumis.

"Le RN reste clairement anti-IVG"

"Ce n'est pas un changement de ligne du RN mais un changement de Marine Le Pen. La ligne du RN est clairement anti-IVG, son père était un adversaire de Simone Veil, allant jusqu'à mener des actions coup de poing en marge des meetings de madame Veil. Aujourd'hui, plusieurs députés du RN restent opposés à l'IVG", nous rappelle Erwan Lecoeur, politologue spécialiste de l’extrême-droite

Lors de la campagne présidentielle de 2012, la candidate du Front national n’avait pas exclu de “dérembourser” l’IVG, estimant qu’il était parfois utilisé comme “un mode de contraception”, évoquant des “avortements de confort”. Du côté des députés nouvellement entrés à l'assemblée nationale, la position sur l'IVG est là aussi parfois très traditionaliste.

Le député du Vaucluse Hervé de Lépinau est l'illustration de la position de certains députés du RN vis-à-vis de l'avortement

Quand des députés RN parlaient de l'avortement, un "génocide de masse"

Caroline Parmentier, aujourd'hui députée du Pas-de-Calais, signait ainsi en mai 2018 un article dans lequel elle regrettait qu’"après avoir "génocidé" les enfants français à raison de 200 000 par an (soit le nombre d’avortement en France, ndlr), on doit maintenant les remplacer à tour de bras par les migrants".

Autre député, Christophe Bentz, élu en Haute-Marne, qui affirmait en 2011 au média Nouvelles de France que "l’avortement est un génocide de masse". La porte-parole Laure Lavalette, élue dans le Var, signait lui en 2014 un texte demandant à "abroger, à terme, le droit à l’avortement".

"Marine Le Pen rappelle à ses troupes que c'est elle la cheffe"

"En voulant constitutionnaliser la loi Veil, à court terme Marine Le Pen veut assurer un peu plus la dédiabolisation du parti, en évitant une nouvelle polémique à l'instar de celle avec le député De Fournas, en cas de nouveau dérapage d'un de ses élus. À long terme, elle veut renforcer sa crédibilité en vue de la présidentielle 2027", décrypte Philippe Moreau-Chevrolet, spécialiste de communication politique.

Une proposition de la députée RN qui est aussi une façon d'asseoir son autorité en interne, après avoir passé la main à la tête du parti. "En déposant cet amendement, qui ne correspond pas à l'avis de tous ses députés, Marine Le Pen rappelle à ses troupes que c'est elle la cheffe, qui dicte la ligne, même si Jordan Bardella est à la tête du parti et apparaît donner une ligne plus dure, elle reste aux commandes", estime Erwan Lecoeur.

Le "en même temps" d'Emmanuel Macron sauce RN

Un coup stratégique au sein du RN, mais également d'un point de vue politique. "C'est la stratégie du 'en même temps' d'Emmanuel Macron, mais qui se retourne contre lui. Le RN est à la fois d'extreme droite et fait des propositions de ce type, pour constitutionnaliser l'IVG, poussant des partis à soutenir une initiative RN. En faisant l'élastique comme cela, le RN et Marine Le Pen peuvent espérer récupérer une partie de la droite avec eux. Reste à savoir jusqu'où l'élastique tiendra, et si le RN ne risque pas de perdre certains électeurs traditionnels du parti d'extreme droite", décrypte Philippe Moreau-Chevrolet.

Prochaine manche pour Marine Le Pen : à l'Assemblée où l'amendement sera débattu, et pourrait peut-être être soutenu par des députés d'autres bords politiques, ce qui serait un nouveau pas dans la dédiabolisation.

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