Conflit israélo-palestinien : « L’urgence de repenser l’UNRWA » - TRIBUNE

Photo prise devant le siège de l’UNRWA à Gaza, le 15 février 2024.
- / AFP Photo prise devant le siège de l’UNRWA à Gaza, le 15 février 2024.

TRIBUNE - Alors que 12 employés de l’UNRWA ont été accusés fin janvier d’avoir participé aux attaques du 7 octobre contre Israël et que l’armée soutient que l’organisation aurait employé plus de 450 terroristes appartenant au Hamas, un rapport interne de l’agence révèle l’existence de nombreux témoignages selon lesquels des détenus palestiniens auraient subits des actes de torture de la part des forces israéliennes.

Guerre Israël-Hamas : pourquoi ces pays suspendent leur aide à l’Unrwa, agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens

Si ce bras de fer a atteint son paroxysme au cours des dernières semaines, les tensions entre Israël et l’UNRWA ne datent pas d’hier. Ce n’est pas non plus la première fois que l’agence onusienne est soupçonnée de collaborer avec le Hamas.

L’UNRWA connaît des ravages indéniables depuis le début de la guerre à Gaza et l’extrême droite israélienne voit dans ces accusations une opportunité inouïe d’occulter la question des réfugiés palestiniens sans passer par des négociations politiques. Le démantèlement de l’agence onusienne ne peut pas être envisagé dans les prochaines semaines, la population de Gaza étant entièrement dépendante de l’aide alimentaire que coordonne l’UNRWA.

Quand la situation le permettra, il sera néanmoins essentiel de repenser intégralement la structure et le mandat de cette organisation devenue le symbole d’un dysfonctionnement scandaleux.

Le manque de crédibilité de l’UNRWA l’empêche de remplir pleinement sa mission

Les accusations de politisation de l’organisation s’accumulent depuis des années, ses détracteurs dénonçant une véritable propagande anti-israélienne notamment dans les programmes scolaires mis en place dans les écoles gérées par l’UNRWA. Indépendamment de la condamnation ou non du personnel de l’agence onusienne dans le cadre de cette affaire, c’est sa légitimité même qui est remise en cause depuis plusieurs années. Le manque de crédibilité de l’UNRWA sur la scène internationale l’empêche de remplir pleinement sa mission.

L’UNRWA est aujourd’hui dans une impasse. L’organisation apparaît comme insoutenable sur le long terme. Elle fait face à une crise financière sans précédent renforcée par une augmentation des réfugiés. Avec près de 6 millions de bénéficiaires aujourd’hui contre moins d’un million dans les années 1950, l’agence peine à fournir les services nécessaires dont elle est en charge. En juin 2023, l’UNRWA était déjà au bord d’un gouffre financier, opérant avec un déficit de plus de 75 millions de dollars. Ces difficultés n’ont fait que s’accentuer après les attaques du 7 octobre et la riposte israélienne.

Si le démantèlement de l’agence ne peut pas être envisagé dans les prochaines semaines, il sera néanmoins essentiel de repenser sa structure quand la situation le permettra

La mission de l’UNRWA est devenue caduque. Elle sert de béquille à la lâcheté de la communauté internationale qui ferme les yeux sur la question des réfugiés palestiniens depuis 1948. Ses activités, bien que nécessaires, permettent la passivité des États et n’encouragent pas le renforcement de l’Autorité palestinienne. L’UNRWA ne doit plus être le mécanisme de perpétuation du statut précaire de réfugié auquel se rattachent les Palestiniens. Elle a été une solution de moindre mal assurant des services vitaux à la population palestinienne en perdition. En revanche, c’est sur le plan d’une négociation politique que doit désormais se régler la question des réfugiés palestiniens.

Le mandat de l’UNRWA est ambigu. Les résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU dont l’agence dépend oscillent entre la possibilité de réintégration des réfugiés au sein des États arabes et la préservation de leur droit au retour en Israël, auquel se rattachent les Palestiniens. Elle est aujourd’hui le symbole d’un droit au retour bafoué auprès de la communauté palestinienne. L’UNRWA est ainsi devenue un obstacle à tout plan de paix incluant la réintégration d’une partie des réfugiés au sein des États arabes. Or, bien que douloureuse, c’est aujourd’hui une étape nécessaire vers la paix.

Il est temps de mettre fin à une solution temporaire qui dure depuis plus de 70 ans

Il est temps, 76 ans après la « catastrophe » (Nakba), d’inciter les pays où se trouvent les réfugiés palestiniens à leur accorder la nationalité ainsi qu’un droit de travail. Le malheur palestinien ne peut continuer d’être instrumentalisé. Un accord de paix durable s’articulerait autour du retour des réfugiés dans les territoires autonomes palestiniens ou de leur intégration au sein d’États arabes prêts à les accueillir.

L’UNRWA sert de béquille à la lâcheté de la communauté internationale sur la question des réfugiés palestiniens

Un transfert des compétences et du financement de l’UNRWA doit se faire vers les États arabes et l’Autorité palestinienne. Ce transfert devra être progressif afin de ne pas déstabiliser la région de manière brutale et de maintenir le même niveau d’assistance aux réfugiés. Il devra être également territorialement gradué pour prendre en compte les différences de traitement des réfugiés selon les pays d’accueil. Le droit du retour en Israël demeure l’obstacle principal à une paix durable. Les milliards de dollars versés à l’UNRWA doivent être investis afin de développer un État palestinien stable et d’aider les réfugiés qui désirent s’y installer. Pour cela, une partie progressive de l’aide internationale doit être redirigée de l’UNRWA vers un fonds international pour la réintégration des réfugiés ainsi que vers l’Autorité palestinienne.

L’UNRWA fut pensée comme une solution temporaire, comme en témoigne son mandat initial de trois ans, sans cesse renouvelé. Si son rôle s’est avéré crucial lors des guerres successives en assumant la responsabilité de protéger les réfugiés palestiniens, il est temps de repenser sa structure et son mandat. Seule la formulation d’un compromis politique permettra la sortie de la crise des réfugiés palestiniens, une étape nécessaire vers la paix au Moyen-Orient. Il est temps de mettre fin à une solution temporaire qui dure depuis plus de 70 ans.

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