Conférence de presse d’Emmanuel Macron: le président connaissait-il les questions à l’avance?

Une polémique 48 heures après la conférence de presse d'Emmanuel Macron. Lors de son "grand rendez-vous avec la Nation" ce mardi 16 janvier, le président a répondu aux questions d'une trentaine de journalistes sur les 250 présents dans la salle. Les attachés de presse de l'Élysée connaissaient-ils à l'avance "les questions qui lui ont été posées", comme l'avance le site de critique des médias Arrêt sur images?

"Les journalistes n'ont jamais à envoyer leurs questions" à l'Élysée, répond ce jeudi l'Association de la presse présidentielle (APP) dans un communiqué. Tout en précisant que "cet impératif" a été "répété" lors d'une réunion organisée en amont pour préparer la conférence de presse.

"Toute demande ou même suggestion de divulguer des questions à l'avance, de la part du service presse, n'est pas acceptable", juge encore l'organe qui assure n'avoir "pas eu connaissance d'une éventuelle consigne" passée en amont.

Plusieurs journalistes de BFMTV ont pu interroger le président de la République. "L'Élysée n'a pas accès aux questions, jamais", insiste la cheffe du service politique de BFMTV, Neila Latrous, dans notre podcast Le Service politique. "L'Élysée sait tout juste dans quelle partie on veut intervenir sur les réformes, la situation politique ou l'international pour des raisons d'organisation, savoir comment on veut faire circuler le micro."

"La plupart n'ont pas adressé leur question"

Seule règle fixée par le journaliste Jean-Rémi Baudot, président de l'APP, au début de la conférence de presse: il avait demandé aux confrères et aux consœurs présents mardi soir dans la salle des fêtes de l'Élysée de ne poser qu'une "seule question" et au président de jouer "la concision".

"La plupart des journalistes qui ont eu le micro n'ont pas adressé leur question", avance encore le communiqué de presse de l'APP". "Si certains journalistes l'ont fait de leur propre chef, l'association ne cautionne pas cette pratique", précise encore l'Association de la presse présidentielle.

La journaliste Rachal Garrat-Valcarcel affirme à Arrêt sur images avoir eu "un brief" avec d'autres confrères présents un peu avant le rendez-vous à l'Élysée. Cette expression renvoie à une rencontre en amont d'un événement politique avec des conseillers du président.

"En gros, ils (les conseillers chargés de la presse pour Emmanuel Macron, NDLR), nous ont dit 'envoyez-nous une question par SMS et dites-nous dans quelle partie vous voulez la poser", explique cette journaliste du journal 20 minutes.

Le micro distribué par l'Élysée

Lors de la conférence de presse, le micro a été distribué par les attachés de presse de l'Élysée. "À un moment, j'ai reçu un texto: 'vous êtes la next one (la suivante, NDLR)'. De fait, j'étais la suivante", explique encore Rachel Garrat-Valcarcel à Arrêt sur images.

La journaliste a alors interrogé Emmanuel Macron sur "la lutte contre la drogue", "l'uniforme à l'école" ou encore "la politique nataliste", lui demandant si le gouvernement n'était pas "un peu vieux jeu".

Sa consœur Justine Guitton-Boussion, qui travaille pour Reporterre, un média spécialisé sur l'environnement, et qui a posé une question à Emmanuel Macron sur la lutte contre le réchauffement climatique, fait le même récit.

"Un conseiller m'a demandé d'envoyer ma question par texto. Ce que j'ai fait. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit sélectionnée. Mais un moment, on m'a dit que je serai la prochaine", explique-t-elle auprès d'Arrêt sur images.

"La responsabilité de sélectionner tel ou tel média revient" à l'Élysée

"Il y a eu un petit écueil dans cette histoire", précise de son côté Mathieu Coache, journaliste à BFMTV et vice-président de l'Association de la presse présidentielle. "On avait fait une petite réunion de préparation" avant la conférence de presse, relate-t-il.

"Pendant cette réunion, on nous a dit que c'était le président lui-même qui donnerait la parole aux journalistes. Ce serait donc en levant la main finalement qu'on obtiendrait ou pas la possibilité de poser une question. Et en fait, ça ne s'est pas joué exactement comme ça", détaille-t-il encore.

"Ce sont les attachés de presse et les conseillers du président qui distribuaient le micro. Donc il fallait aussi se faire connaître sur Whatsapp ou sur Telegram - sans envoyer la question, je le précise", relève encore Mathieu Coache.

"Ce qui fait que certains journalistes qui sont venus et qui n'avaient pas l'habitude du tout de l'Élysée, qui n'avaient pas du tout le numéro des attachés de presse, se sont dits à un moment: 'qu'est-ce qui se passe? Comment ça marche?'", souligne le journaliste politique qui reconnaît "un petit souci sur la façon dont la parole a été distribuée".

Plusieurs médias ont regretté ne pas avoir pu poser de questions, à l'image de Libération ou Mediapart, à l'origine de révélations sur la polémique impliquant Amélie Oudéa-Castéra, la nouvelle ministre de l'Éducation nationale, qui a scolarisé ses enfants dans le privé. "La responsabilité de sélectionner tel média ou tel journaliste revient" à l'Élysée, rappelle l'APP.

Article original publié sur BFMTV.com