Les concours de Miss sont-ils dépassés ?
Un débat relancé notamment par les propos de la ministre déléguée en charge de l’Égalité femmes-hommes, qui a affirmé que les règles de Miss France étaient "has been".
C'est un débat récurrent depuis plusieurs années, lancé par certaines associations féministes dont "Osez le féminisme". Mais cette année, l'idée de concours de Miss dépassés par leur époque a été relayée par Élisabeth Moreno.
Interrogée sur le sujet dans l’émission Face aux territoires sur TV5 Monde, la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité femmes-hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, a lancé : "Je pense que Miss France fait partie de nos traditions, de notre culture. Ce qui m’interroge, ce sont les règles que je trouve complètement has been".
Le concours Miss France ? Une "caricature archaïque"
Des propos qui interviennent quelques jours après la procédure lancée par Osez le Féminisme contre le concours, qu’elles jugent "sexiste" et "discriminatoire", devant le conseil des prud’hommes de Bobigny. De quoi interroger sur l'existence même des concours de beauté dont Miss France est le plus célèbre.
Principal reproche, l'image de la femme qui est renvoyée lors de ces concours. En 2019, le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) pointait du doigt dans son "rapport annuel sur l’état des lieux du sexisme en France" la "caricature archaïque" que représente le concours Miss France.
Des "femmes objets"
"Le but affiché d’élire la 'plus belle femme de France' risque de ne pas participer à promouvoir les femmes mais, au contraire, à les enfermer dans des stéréotypes. (...) Cette dictature d’une beauté unique, être grande, mince, jeune etc. participe de la création d’une chape de plomb supplémentaire placée sur les épaules des filles et des femmes à qui on envoie le message que s’enfermer dans un carcan, c’est une forme de réussite. Finalement, dans ce concours censé mettre en valeur les femmes, on s’aperçoit qu’elles ne sont, en fait, que femmes objets et non sujets", poursuit le HCE.
Un constat partagé depuis plusieurs années par de nombreuses associations féministes. "Nous avons beau protester chaque année contre ce concours qui véhicule des valeurs sexistes, rien ne change jamais", s'indignait la présidente de l’association Osez le féminisme, Alyssa Ahrabare, dans le Monde.
Le défilé en maillot de bain en sursis
Face aux critiques de plus en plus fréquentes, le concours Miss France tente de s'adapter : temps de parole des candidates allongé pour donner davantage de place à la personnalité, cours de bonne manière. "Les critères ont évolué depuis la création de l'élection pour être plus en accord avec les femmes d'aujourd'hui et correspondre au rôle qui incombe à la future reine de beauté", expliquait Sylvie Tellier auprès de L'Express en 2018. Des évolutions qui ne suffisent pas à convaincre.
Au coeur des débats, le défilé en maillot de bain. "Encore une fois, le corps des femmes est un objet, comme dans la publicité. Ce sont des corps souvent nus, et l'épreuve du maillot de bain est celle qui est la plus attendue", dénonce Éléonore Stévenin, porte-parole d'Osez le féminisme. Un défilé supprimé de l'élection Miss America en 2019, mais toujours au programme de l'édition française. "Ce sont des costumes qui font partie du spectacle. Nous sommes là pour offrir du beau et transmettre le folklore de cette élection", défendait Sylvie Tellier auprès de L'Express en 2018.
Miss America révolutionne son concours
À l'étranger, l'élection de Miss America a décidé de supprimer le défilé en maillot de bain. L'épreuve, qui comptait pour 10% de la note, est remplacée par un échange avec le jury. Le défilé en robe du soir, qui représentait 15% de la note, cède sa place à une présentation des candidates dans la tenue de leur choix.
"Beaucoup de jeunes femmes nous ont dit : nous aimerions participer au programme, mais nous ne voulons pas nous montrer en maillot et hauts talons", a expliqué la présidente du conseil d'administration de la Miss America Organization Gretchen Carlson. Ce n'est désormais plus un "concours de beauté", mais une "compétition", a-t-elle ajouté.
"Il est temps que les règles changent"
Parmi les conditions strictes pour concourir à Miss France : l'âge, moins de 25 ans, la taille, plus d'1m70, être célibataire, mais aussi "ne pas être ni avoir été mariée ou pacsée, ne pas avoir d'enfant", ni de tatouage ou piercing apparent, ou encore ne pas avoir fait de photos dénudées.
En 2017, Miss Martinique est exclue du concours Miss France pour un tatouage jugé trop visible. L'an dernier, une candidate au concours Miss Guadeloupe a été disqualifiée pour des photos dénudées contre le cancer du sein. Elle avait posé nue, le corps peint, y compris les seins, pour l'association Les Amazones. "II est grand temps (que les règles) changent", clame la ministre Elisabeth Moreno.
VIDÉO - "Has been" : l'élection de Miss France dézinguée par une ministre