La concession d’Élisabeth Borne sur les retraites peut-elle convaincre les LR réfractaires ?

Élisabeth Borne, ici le 19 octobre à l’Assemblée nationale, peut-elle vraiment gagner le cœur des LR réfractaires avec sa concession sur les retraites ?
EMMANUEL DUNAND / AFP Élisabeth Borne, ici le 19 octobre à l’Assemblée nationale, peut-elle vraiment gagner le cœur des LR réfractaires avec sa concession sur les retraites ?

POLITIQUE - Un petit pas pour Borne… Et un bond de géant pour sa réforme ? La Première ministre annonce son intention de « bouger » sur la question des carrières longues, l’un des points les plus décriés de sa réforme des retraites, dans un entretien publié ce dimanche 5 février par Le JDD.

Une rare concession accordée, encore une fois, au petit groupe d’irréductibles de la rue de Vaugirard, cette quinzaine de députés LR rétifs à l’idée de voter le texte malgré le regard positif de leurs chefs Olivier Marleix et Éric Ciotti sur celui-ci. Ce sont eux qui détiennent, en grande partie, la clef de l’avenir de la réforme, le gouvernement ayant besoin du soutien de la droite (presque tout entière) pour s’assurer un vote au Parlement, sans 49.3. De quoi bénéficier de certaines attentions.

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« Nous allons bouger en étendant ce dispositif de carrières longues à ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans », annonce ainsi la Première ministre, à la veille de l’arrivée de son projet très impopulaire dans l’hémicycle de l’Assemblée, « ils pourront partir à 63 ans. » Avec cette promesse, Élisabeth Borne estime avoir « entendu » le « souhait » de la droite concernant « ceux qui ont commencé à travailler tôt ». Problème : au vu des premières réactions, ceux à qui cette main tendue s’adressait ne partagent pas forcément son avis.

« Moquerie », « trompe l’œil », « tromperie »

Aurélien Pradié, le député le plus identifié parmi les opposants au texte chez Les Républicains répond à la Première ministre… Trois pages plus loin, dans le même Journal du Dimanche. Sur les carrières longues, c’est « tout ou rien », prévient l’élu du Lot, troisième homme du dernier congrès rue de Vaugirard, dans cet entretien, en expliquant que l’amendement déposé par son groupe sur les carrières longues n’est pas « édulcorable ».

Plus offensif encore, il accuse Élisabeth Borne, sur les réseaux sociaux, de « se moquer » des Républicains avec une « annonce » qui est « une tromperie ». « Comment un travailleur qui débute à 20 ans pourrait valider 5 trimestres avant ses 21 ans comme l’impose le dispositif carrière longue ? », interroge-t-il, en entrant dans le détail de la proposition d’Élisabeth Borne.

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Son collègue Fabien Di Filippo estime de son côté que la cheffe du gouvernement ne tend pas la main, mais « un doigt pour sauver sa réforme ». « Pour l’instant ça ne va pas », a ainsi soufflé le député de Moselle sur BFMTV. Dans le même esprit, Xavier Bertrand parle, lui, d’une « réponse en trompe-l’œil » de la part du gouvernement. « C’est de la technique mais c’est un artifice », a regretté ce dimanche le président de la région Hauts-de-France sur la même chaîne d’informations, en rappelant le souhait de ses collègues parlementaires d’œuvrer à « un principe qui doit être respecté : à 43 annuités, vous partez en retraite ».

En clair, ces élus reprochent à Élisabeth Borne une proposition bien moins ambitieuse que la leur. Un amendement cosigné par l’ensemble des députés LR défend effectivement l’idée d’un départ anticipé, après 43 années cotisées, pour toutes les personnes qui ont cotisé avant leurs 21 ans. C’est niet pour la cheffe du gouvernement : pas possible d’inclure par exemple ceux ayant eu un simple job d’été avant cet âge-là. En raison avant tout du coût d’une telle disposition, estimé à 10 milliards d’euros par le gouvernement et à 1 milliard pour Aurélien Pradié, le député qui en est à l’origine.

Les autres revendications de la droite

Dans ces conditions, le chemin paraît encore long pour la Première ministre avant de s’assurer du soutien des députés LR les plus hostiles au texte. D’autant que leurs revendications ne se limitent pas aux carrières longues.

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« On a tracé un certain nombre de lignes rouges dès l’entrée dans le débat », a ainsi rappelé Fabien Di Filippo sur BFMTV, ce dimanche, avant de lister : « sur la priorité à la durée des carrières (...), sur le fait qu’il n’y ait pas de contraintes ou de sanctions sur les entreprises, sur la libéralisation du cumul emploi retraite, la reconnaissance du bénévolat, sur la lutte contre les fraudes. » Quelques minutes plus tard, Xavier Bertrand a renchéri avec « trois conditions » pour soutenir le texte : « la première, à 43 ans (cotisés) vous partez à la retraite avant 64 ans. Les régimes spéciaux, terminée cette injustice, tout de suite. Et les femmes. »

Le président de région, qui n’est pas député, assume d’ailleurs « une divergence » avec les chefs des Républicains, plus favorables au texte en l’état. Et c’est là tout l’enjeu pour le gouvernement : combien seront prêts in fine parmi les 62 députés LR à voter contre la réforme, à l’image des quelques parlementaires qui battent le rappel dans les médias ?

Avec d’un côté 240 voix favorables à peu près garanties, de l’autre au moins 256 « contre », selon le décompte de l’AFP, les doutes autour du groupe LR promettent une issue forcément incertaine à l’Assemblée nationale. Il en faudra davantage, en tout cas, de la part de la Première ministre, pour faire bouger les lignes.

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