Les concerts de casseroles contre Macron, une pratique qui remonte au XIXe siècle

HISTOIRE - Frapper dans sa casserole, ça peut être un acte politique. Lundi soir, une partie des Français opposés à la réforme des retraites ont participé à des « concerts de casseroles » pendant l’allocution d’Emmanuel Macron. Un mode de contestation réutilisé par quelques adversaires ce mercredi en Alsace et qui pourrait bien se reproduire ce jeudi à l’occasion d’un déplacement présidentiel dans l’Hérault.

Comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article, ce n’est pas un procédé récent. À l’origine, c’est dans les campagnes du Moyen Âge qu’on tape sur des casseroles et des chaudrons hors des cuisines. L’idée est d’aller les faire résonner sous les fenêtres de quelqu’un que l’on cherche à humilier. Ce rituel, que l’on appelle « charivari » est une sorte de « justice populaire qui concerne la morale domestique », explique au HuffPost Emmanuel Fureix, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris-Est Créteil et, coauteur de l’Histoire de la rue : De l’Antiquité à nos jours (Ed. Tallandier).

« L’objectif est de faire un maximum de bruit toute la nuit sous les fenêtres de quelqu’un, un veuf remarié avec une jeune fille par exemple, ou un mari cocu… jusqu’au paiement d’une amende, » détaille l’historien.

Les casseroles contre la Monarchie de juillet

Ce n’est qu’au XIXe siècle, que le charivari arrive en ville et devient politique. En 1830, la Monarchie de Juillet de Louis-Philippe succède à la Restauration de Charles X. La vie politique est alors limitée à une poignée d’élites, et on cherche tous les moyens pour s’exprimer dans l’espace publique, et notamment par des concerts de casseroles.

Les manifestants, des républicains, viennent taper dans des casseroles sous les fenêtres de préfets ou de députés jugés trop proches du pouvoir, ou encore d’élus corrompus.

En 1832, sur quelques semaines, on compte ainsi une centaine de charivaris contre des députés. C’est le cas d’Adolphe Thiers, qui, pas encore ministre, n’arrive pas à se débarrasser des badauds qui font du bruit sous ses fenêtres et le suivent plusieurs jours de suite à Aix-en-Provence, puis à Marseille, à Brignoles et à Toulon.

Une pratique ancrée en Amérique du Sud

La pratique se raréfie ensuite avec l’arrivée du suffrage universel en 1848. Mais elle va revenir sous une forme différente, ailleurs dans le monde, et notamment en Amérique du Sud.

Le but est de faire entendre sa colère dans une manifestation assourdissante. Ce mode de contestation « est proche des charivaris politiques du 19e siècle et en même temps c’est autre chose, puisqu’il s’agit de manifestations, et non pas de rituels d’humiliation sous les fenêtres de quelqu’un », analyse l’historien Emmanuel Fureix.

Dans les années 1970, le Chili connaît ses premiers concerts de casseroles, où les opposants au gouvernement socialiste de Salvador Allende, surtout des femmes aisées, dénoncent les pénuries alimentaires. Même méthode quelques années plus tard, utilisée par les classes populaires contre la dictature de Pinochet cette fois-ci. On parle alors de « cacerolazo ».

Plus tard, c’est en Argentine en 2001, mais aussi au Brésil en 2015, que la population use du bruit pour se faire entendre. Avec la mondialisation et les réseaux sociaux, on entend le bruit des casseroles partout dans le monde, que ce soit en Islande pendant la crise économique en 2009, au Québec pendant des manifestations étudiantes en 2012.

En France pendant la campagne présidentielle, c’est François Fillon, empêtré dans le Penelopegate qui ne peut plus se déplacer sans être accueilli par un concert de casserole.

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