TOUT COMPRENDRE - Le report de l'élection présidentielle au Sénégal annoncé par le président

Le président du Sénégal Macky Sall a annoncé samedi 3 février le report sine die de l'élection présidentielle prévue le 25 février. Une décision rare dans le pays qui ouvre une période d'incertitudes et qui a suscité de nombreuses réactions critiques de l'opposition. La France demande qu'un scrutin ait lieu "dans le meilleur délai possible".

• Qu'a annoncé le président sénégalais?

Le chef de l'État du Sénégal a annoncé samedi lors d'un discours à la nation avoir abrogé son décret fixant au 25 février la date de la prochaine présidentielle.

"J'engagerai un dialogue national ouvert, afin de réunir les conditions d'une élection libre, transparente et inclusive", indique-t-il.

Le président Macky Sall ne fait aucune indication sur la nouvelle date possible du scrutin qui devait se tenir normalement dans trois semaines.

• Est-ce une surprise?

L'éventualité d'un report de la présidentielle était évoquée dans le pays avant la prise de parole du chef de l'État. Une responsable du camp présidentiel réputée proche du président, la ministre du Développement communautaire Thérèse Faye, avait notamment déclaré vendredi être "pour un report" pendant "au moins 6 mois", lors d'une interview télévisée.

Pour autant, l'annonce survient à quelques heures seulement du début de la campagne électorale pour le scrutin présidentiel. Vingt candidats devaient y participer, mais pas le président actuel Macky Sall.

Il s'agit par ailleurs d'une décision très rare. C'est la première fois depuis 1963 qu'une présidentielle au suffrage universel direct est reportée au Sénégal. Le pays n'a par ailleurs jamais connu de coup d'État, une rareté sur le continent.

• Pourquoi cette décision?

Alors que les candidats à la présidentielle étaient nombreux, le Conseil constitutionnel a choisi d'exclure du scrutin des dizaines de prétendants, dont deux ténors de l'opposition, le candidat antisystème Ousmane Sonko et Karim Wade, ministre et fils de l'ex-président Abdoulaye Wade (2000-2012).

L'Assemblée nationale a ensuite approuvé mercredi, après des débats tumultueux, la formation d'une commission d'enquête sur le processus. Un grand nombre des membres du camp présidentiel ont voté pour.

Or, ce soutien a semé le trouble dans la classe politique sénégalaise. En effet, des adversaires du président sortant soupçonnent l'exécutif d'avoir un plan pour repousser la présidentielle. En cause, la crainte d'une défaite pour le camp présidentiel.

• Quelles sont les réactions au Sénégal?

Au Sénégal, cette annonce a été largement critiquée par l'opposition. Khalifa Sall, un des principaux candidats à la présidentielle, a notamment appelé samedi tout le pays à "se lever" contre le report du scrutin.

"Nous donnons rendez-vous ce dimanche à tous les Sénégalais pour une marche" à Dakar, a également déclaré Cheikh Tidiane Youm, un porte-parole du camp de l'opposition sur la radio privée RFM.

Au sein du gouvernement, la décision ne fait pas non plus l'unanimité. Le ministre Secrétaire général du gouvernement Abdou Latif Coulibaly a en effet présenté sa démission samedi, après l'annonce du report. Il invoque le souhait de recouvrer sa "pleine et entière liberté".

• Quelles sont les réactions internationales?

Le ministère français des Affaires étrangères a appelé ce dimanche le Sénégal à lever les "incertitudes" créées par le report de la présidentielle et à tenir un scrutin "dans le meilleur délai possible".

La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedao) a elle aussi exprimé son "inquiétude face aux circonstances qui ont conduit au report de l'élection" et a appelé "les autorités compétentes à favoriser les procédures afin de fixer une nouvelle date".

"L'Union européenne (...) appelle tous les acteurs à œuvrer, dans un climat apaisé, à la tenue d’une élection, transparente, inclusive et crédible, dans les meilleurs délais et dans le respect de l’État de droit", a elle aussi appelé l'alliance européenne.

• Que va-t-il se passer?

Plusieurs candidats de l'opposition ont annoncé ce dimanche à la presse et sur les réseaux sociaux qu'ils vont passer outre la décision du président Macky Sall et assurent qu'ils vont maintenir le lancement ce dimanche de leur campagne électorale, comme cela était prévu.

Impossible de savoir encore si la campagne aura lieu normalement. Cette annonce ouvre surtout une grande période d'incertitude dans le pays pourtant réputé comme un îlot de stabilité en Afrique, malgré différents épisodes de troubles meurtriers depuis 2021.

Article original publié sur BFMTV.com