TOUT COMPRENDRE - Que se passe-t-il au Sénégal, où des scènes de chaos ont fait au moins 9 morts?
Des violences ont éclaté au Sénégal après la condamnation de l'opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison pour "corruption de la jeunesse". Une peine qui compromet sérieusement sa candidature à la présidentielle de 2024.
Des scènes de chaos et au moins neuf morts. Le Sénégal est le théâtre de violents affrontements ces dernières heures, après la condamnation à deux ans de prison ferme d'Ousmane Sonko, principal opposant au président Macky Sall. BFMTV.com fait le point sur la situation.
• Pourquoi Ousmane Sonko a-t-il été condamné?
Le pays semble s'être embrasé ce jeudi après la condamnation d'Ousmane Sonko à deux ans de prison pour "corruption de la jeunesse" par une chambre criminelle de Dakar.
Des centaines de personnes sont descendues dans les rues pour protester contre ce verdict qui devrait rendre inéligible cet homme de 48 ans à la prochaine élection présidentielle, prévue en 2024.
Le tribunal l'a condamné pour "corruption de la jeunesse", qui consiste à favoriser la "débauche" d'un jeune de moins de 21 ans. Elle l'a en revanche acquitté des accusations de viols et menaces de mort.
Ousmane Sonko n'était pas présent lors du prononcé de l'arrêt, tout comme lors de son procès. Il est présumé bloqué par les forces de sécurité chez lui dans la capitale, "séquestré" selon lui, expliquait l'AFP dans la nuit.
Mais, après deux ans d'une confrontation avec les autorités qui a tenu en haleine le pays, il peut désormais être arrêté "à tout moment", a indiqué à des journalistes le ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall.
"La condamnation doit être exécutée. On est en matière de contumace et la mesure peut être exécutée à tout moment", a-t-il dit.
• Quelle est la réaction de l'opposition?
Dans un communiqué, la coalition Yewwi Askan Wi (Libérer le peuple, en français) créée par Ousmane Sonko et deuxième force politique du pays lors des élections législatives 2022, exige la démission de Macky Sall, l'accusant "de haute trahison".
La coalition Yewwi Askan Wi "appelle le peuple sénégalais à maintenir la mobilisation et à résister intensément et conformément à la Constitution partout dans le pays", peut-on lire.
La condamnation d'Ousmane Sonko est "nulle et non avenue", estime auprès de TV5 Monde Alioune Sall, député du Pastef, parti d'opposition.
La "corruption de la jeunesse" ne "fait pas partie des chefs d'accusations pour lesquels il a été renvoyé en chambre criminelle, mais pour un présumé viol et menaces de mort (...) Cette justice l'a blanchi, mais derrière a trouvé des prétextes fallacieux pour l'empêcher d'être candidat en 2024", dénonce le député.
"S'ils veulent éliminer Ousmane Sonko, c'est sur des procès bidons (...) Le peuple sera debout pour faire valoir son droit", assure Alioune Sall.
• Que sait-on des violences qui ont suivi?
Sans attendre une arrestation d'Ousmane Sonko, les troubles redoutés avant le délibéré ont éclaté à Dakar et dans plusieurs villes ce jeudi. "L'université de Dakar a pris des airs de champ de bataille", décrivait l'AFP, tandis que des groupes de jeunes ont affronté à coups de pierres les policiers ripostant avec des gaz lacrymogènes.
Plusieurs cars de la faculté de médecine, du département d'histoire et de la principale école de journalisme du pays ont aussi été incendiés et des bureaux saccagés. Des troubles ont été rapportés ailleurs dans le pays, en Casamance (sud), à Mbour et Kaolack (ouest) ou Saint-Louis (nord).
Dans la nuit de jeudi à vendredi, le ministère de l'Intérieur a indiqué que neuf personnes au moins sont mortes dans les manifestations à Dakar et à Ziguinchor.
• Quelles sont les réactions en ligne?
Les réseaux sociaux étaient inaccessibles au Sénégal depuis jeudi soir, témoignait à BFMTV.com un Français présent à Dakar: seules les personnes disposant d'un VPN pouvaient se connecter.
Le service de surveillance d'internet Netblocks a confirmé la restriction d'accès à Facebook, Twitter, WhatsApp, Instagram, YouTube, Telegram et d'autres réseaux sociaux depuis ce jeudi 1er juin.
À l'étranger en revanche, la diaspora sénégalaise s'inquiète sur les réseaux sociaux, notamment des footballeurs membre de l'équipe nationale du Sénégal, relève le média Taggat.
"Les populations se sentent victimes d'injustice et le font savoir dans la rue, parce que la confiance en les institutions et ceux qui les incarnent est éprouvée. Cette décision prise aujourd’hui parait assez illégitime et nous la dénonçons comme l’a fait le peuple!" dit par exemple, Abdoulaye Ndiaye, membre de l'équipe du SC Bastia.
"Trop de sang a déjà coulé depuis deux ans. Il est essentiel que toutes les parties prenantes de la nation unissent immédiatement leurs efforts pour retrouver la paix", écrit de son côté Sadio Mané, attaquant au Bayern Munich.
Article original publié sur BFMTV.com
VIDÉO - Sénégal: l'opposant Sonko condamné à deux ans ferme, son éligibilité encore plus compromise